Immersion à Popenguine

Popenguine, 24 décembre 2009,

Au moment où j'inscris la date, je réalise que c'est Noel pour vous tous. Je vous imagine dans vos boutiques, dans vos préparatifs de soirée festive, oh les pôvres, à vous cailler les miches sur les trottoirs encombrés. En même temps je suis au clavier, la chaleur est déjà de 30° et la mer gronde contre les rochers. Quel sentiment étrange que ce partage de sensations entre ici et là-bas.
Donc ici, les gens nous ont repérés.  Les enfants ne nous interpellent plus, "bonjour Toubab !" Nous sommes en nette progression. Ils nous appellent par nos prénoms.

gaminAh l'incomparable réconfort d'être reconnus !

randoNous avons fait une rando jusqu'à la lagune de la Somone. Nous avons choisi de traverser la réserve naturelle plûtot que par les rochers. Laurent souffre toujours de son genou et le crapahutage nous a paru formellement déconseillé. Deux heures de belles enjambées à travers la brousse c'était déjà un gros effort. Au sortir de la réserve on entre dans le village de Guéréo par le nord. Une dizaines de femme s'activent en plein soleil. Elles ont étalé à travers un vaste espace de rochers leur séchage de poisson. Les enfants sortent de l'école et nous interpellent joyeusement. Nous voilà régressés au rang de "toubabs". Le village est superbe, de belles petites échopes, des maisons proprement alignées. Une vie tranquille et laborieuse. Notre arrivée y apporte de l'exotisme.

Au bout du village nous trouvons une charrette qui va nous conduire à la Somone à travers les palétuviers. paletuviers

Repas de lotte grillée et patates douces à l'abri d'une paillotte sur la plage.
Laurent et Brigitte qui ont adopté la Gazelle (bière locale plutôt douce) en guise d'apéro ont les jambes un peu molles au retour. Et puis le début de l'après-midi, ça cogne sec depuis le ciel. La brise d'Est qui souffle presque en permanence est un vent de terre. La sensation de frais n'est qu'illusoire. Il faut attendre la fin de l'après-midi et la renverse d'air maritime pour avoir un peu de frais au moins 5 minutes, juste le temps de prendre froid. Mais où sont nos petites laines ?
On évite en général de s'allonger sur le lit pour se détendre au moment le plus chaud de la journée. C'est étouffant.  les draps et les matelas sont affreusement chauds. On en pique ici des suées, j'espère que c'est salutaire.
Nous sommes invités à droite et à gauche, pour un repas pour un thé local... Nous rendons la politesse. Du coup notre vie sociale s'enrichit en permanence.
Deux personnes partagent notre profonde sympathie. Sidi, le jeune Mauritanien bijoutier qui n'hésite pas à faire 20km à pied s'il sait qu'un charter de toubabs est annoncé dans les villages voisins. sidi

Et puis, l'incontournable Hubert, notre futur tailleur... Je suis en affaire avec eux, mais nous n'avons encore rien défini de précis... J'aime cette promesse de négociations qui prend le temps de se réaliser et de parler d'autre chose. hubert

 

 

 

Nous sommes allés à Thiès avec Birane, il nous a pilotés toute la matinée à travers l'immense marché. J'ai fait provision de légumes et de fruits. J'ai aussi acheté du beurre de karité pour Alex et Karine... Les garçons entraînez vous à l'art du massage tout en délicatesse. Vous aurez bientôt besoin de maîtriser cette technique pour vos dames.
Sur le marché, c'était curieux les négociations entre le vendeur, Birane et nous, toubabs qui payons le tarif toubab, bien entendu. Je précise à chaque fois que je suis toubab français, pas toubab américain, faut pas exagérer non plus. Les vendeurs trouvent ça très comiques...thies1
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Avec Oulimata et le campement des femmes nous avons réfléchi. Nous avons aussi rencontré le Principal du Collège. Nous avons beaucoup discuté avec Birane et sa femme. (ils viennent manger à la maison la semaine prochaine). Nous sommes Laurent et moi très dubitatifs quant aux grandes idées sur la manière de venir en aide à ces hommes et à ces femmes qui vivent de si peu. Telles que nous voyons les choses depuis notre opulente Europe, nous sommes vraiment à côté de la plaque. Dans l'immédiat après concertation avec les actifs du village, nous avons réorienté notre projet de partage avec le  village.

rue pop
Nous avons passé une matinée sur le travail des "pare feux"avec les jeunes du collèges. Débroussaillages des herbes sèches tout le long de la clôture qui protège la réserve. Nous avons des rendez-vous pris avec les adultes bénévoles de la Réserve et dans les villages voisins. Je vous en reparlerai plus tard.
Depuis quatre jours, (c'est aujourd'hui le dernier) Nous essayons Laurent et moi de comprendre le phénomène "n'deup". C'est un évènement rare, il concerne une femme du village "malade dans sa tête". Elle est en quelque sorte habitée par un esprit malfaisant qui la détruit. La communauté a décidé de la soigner collectivement. On fait venir un groupe de musiciens (sept tam-tams de formes et gabarits différents) on fait venir une guérisseuse qui prend les choses en mains. Une partie des cérémonies se passent dans la maison de la malade. C'est un  rituel compliqué. On sacrifie une chèvre, des poulets blancs. On prépare de la nourriture pour les offrandes, lait caillé, fruit de Kola, et puis de l'eau "sacrée".
Il y a trois cérémonies par jour, une vers 11h le matin, une vers 17h le soir et une la nuit.

soir merLes femmes et les enfants se rassemblent en cercle devant la maison de la femme "possédée". La plupart apporte chaise ou tabouret. Le guide de cérémonie matérialise un petit espace au milieu de ce cercle d'environ trois cents personnes. Il y verse de l'eau sacré, du lait caillé et un espèce de cône planté dans la terre. Les musiciens s'échauffe mollement. Ca démarre un peu dans la confusion. Les femmes installent leurs petits confortablement contre elles, les plus jeunes s'installent par terre, on échange les derniers potins. Une bonne heure pendant laquelle on prépare la malade dans sa maison. Puis d'un coup les tams-tams s'harmonisent, les sons giclent avec violence et le rythme s'accélère. Une femme puis deux, puis trois se lancent sur la piste. Elles se déplacent en tournant autour du cercle sacré, leurs pieds battent le sable, la danse devient frénétique. D'un coup l'une envoie sa tête dans tous les sens, ses yeux se révulsent. elle jette ses bras vers l'avant, vers l'arrière, vers le sol. Plus vite, toujours plus vite. Plus fort, toujours plus fort. Elle court en titubant à travers la piste. Elle s'affale. Tout son corps est agité de spasmes. On l'asperge d'eau sacré, on l'aide à se relever, elle repart sur la piste, plus violente encore. Visage vers le ciel, elle hurle des sons étranges. Le public rigole, elle doit dire des obsénités. Elle lève ses jupes, elle balance ses cuisses dans tous les sens. Elle est effrayante. Des 'meneuses" (je ne sais pas comment les appeler" gardent le contrôle de la situation. Elles arrosent les femmes qui dansent, elles les arrêtent si elles se jettent sur le public, elles rafistolent leurs tissus qui glissent et se dénouent. Un des musiciens  harcèle l'une au l'autre avec un tam-tam au son très métallique... Elle se retourne vers lui et tout en gesticulant se rapproche et s'affale dans ses bras. Deux ou trois femmes essaient ainsi d'entrer en transe avec la malade. Pendant tout le temps de la danse, elles sont aspergées d'eau sacrée. La nourriture passe entre les chaises ainsi que la calebasse de lait caillé.  Les tams-tams assourdissants sont soutenus par les mélopées des femmes qui facilitent par leurs incantations l'entrée en transe. C'est une démonstration magistrale de la puissance collective. C'est un vrai travail sur le mental. Nous n'avons pas compris tout le rituel, mais à un moment, la musique s'est arrêtée. En en quelques secondes la place s'est vidée. De toute évidence, personne ne souhaite s'attarder sur les lieux du rituel. Les visages familiers nous ont salué rapidement et se sont échappés. Nous nous sommes retrouvés tout seuls sur la place les oreilles vibrantes, à plus trop savoir quel était ce silence étouffant ni à quel monde nous avions échappé.

Germaine ton pays est magnifique,

Merci à toi et à Pierre de nous y avoir initiés.
bonne annee

 

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