Retour en Aubrac
Lundi 7 septembre 2020
Nous quittons le confort de Marcillac la Croisille sous un soleil voilé et température fraîche. 18° à midi. Pause déconcertante à Gimmel les Cascades. La chapelle est ornée d’un retable aux couleurs lumineuses, qui date du XVème siècle rouge-or-vert. rénové il y a une dizaine d’années, ce qui explique sa fraîcheur. Dans une petite alcôve, secrètement fermée, protégé par une vitre anti-choc, un reliquaire de St Étienne. Cet espèce de sarcophage est de la taille d’une grosse boîte à bijoux, en fine orfèvrerie cerclée d’or.
- Dis Laurent y’a quoi à ton avis dans ce reliquaire.
- C’est quoi un reliquaire ?
- Disons, c’est une sorte de boîte à bijoux. On y garde ce qui reste d’un personnage vénéré, d’un martyr.
- Il est mort quand Saint Étienne ?
- Ouh là là, vers l’an 37, je crois. Même que c’est le premier martyr chrétien… au moins l’un des premiers.
- Et tu crois qui reste quoi de lui aujourd’hui ? Pour moi, c’est plutôt un vieux truc à valeur sentimentale.
- T’as raison surtout que ce coffret ne date que de quelques centaines d’années. Il ne devait déjà plus rester grand-chose du Saint Etienne.
Hé oui, nous autres mécréants, ne pouvons nous émouvoir que de richesses extérieures.
Encore une image de puits et l'autre versant change. Des fougères immenses, qui dépassent le petit camion, bordent les forêts. Elles deviennent infranchissables. Et débouchent sur le plateau des mille vaches, coeur du Cantal.
- T’es contente, c’est un pays pour toi ça, les mille vaches…
- Super tu me feras tout plein de portraits. C’est la Noiraude qui sera contente.
Sauf que, mille vaches ça vient d’un vieux mot local « vaca » qui signifie sources…
Les campagnes du cantal sont riches. Les fermes immenses et coquettes, avec de beaux toits en ardoises. C’est un monde rural apaisant. Les troupeaux de vaches (si elles ne sont pas mille) restent impressionnants. Les vaches ressemblent beaucoup au type Aubrac. Couleur caramel blond, jusqu’au presque blanc quelquefois. Leurs cornes sont courtes, légèrement incurvées. Mais surtout, leur museau et leurs yeux sont cerclés de blanc. Ce qui donne à leur regard une profondeur magnifique. Les plus coquettes aux yeux charbonneux sont craquantes. Ce sont de grosses bêtes bien lourdes et opulentes. De bonnes laitières.
Mais une nouvelle mode sévit dans le pays des vaches. La tendance, c’est de sélectionner des vaches sans cornes. Je les aime bien aussi, les embryons de cornes couverts de duvets clairs leur font comme un bonnet arrondi de chaque côté du crâne. Elles ont un p’tit air de première communiante… très douces, filles modèles en quelque sorte.
A Egleton nous entrons au pays des myrtilles. Seulement en rêve, ce n’est plus la saison. Avec toujours les burons d'estive.
Au niveau de Meymac, les forêts de pins douglas se socialisent. Des remparts de grumes s’alignent le long de la route et les engins travaillent activement. C’est une forêt qui a quelque chose d’urbanisé. Nous décidons de prendre la route des gorges de la Dordogne et ses multiples barrages. Ici celui de Chastaing avant celui de Bort les Orgues.
mardi 8 septembre- Journiac
Nous trouverons un site extraordinaire pour pauser notre petit camion au milieu des forêts de pins dans une propriété privée… Aventures hasardeuses toujours, heureuses presque toujours.
Notre marche quotidienne nous entraîne vers le lac (retenue des barrages sur la Dordogne). Une virée exténuante d’environ 2h. Nous traversons l’immense forêt. Son silence nous saisit. Nous avons le sentiment d’être seuls au fond d’un monde aussi rustique que propre et accueillant. Sauf qu’au détour d’un virage, je m’immobilise sidérée…
Deux jeunes biches fusent à travers la piste… presque sous mon nez… Et moi, qui nous croyais isolés du monde. Mon Dieu, qu’elles étaient belles…
Nous sommes toujours en altitude (environ 1000m) . Le Tour de France nous poursuit… Pourvu qu’il nous rattrape pas. On commence à croiser bien du monde. Nous décidons de nous réfugier au camping de la Tour d’Auvergne. Nous n’aurons de place qu’une nuit… Faut dire que les champions du tour traverseront le village demain pour foncer vers le Puits Mary et tous les lieux sont pris d’assaut… Nous connaissons les cols qu’ils vont affronter. Quel courage ils ont ces hommes là.
A la Bourboule, avant de rejoindre le petit camion, nous jetons un œil vers la montée du téléphérique. Et nous distinguons à cette altitude, d’un bord à l’autre de la vallée un long câble tendu. Et sur ce câble une silhouette en contre-jour qui traverse lentement le ciel… Pourquoi sommes-nous les seuls, Laurent et moi, le nez en l'air, le regard scotché sur ce fou qui défie les nuages. (Peut-être le distinguerez-vous sur la photo, et pourrez me dire si c’est une homme ou une femme, ou une hallucination)
Espinchal -Aveyron
A Espinchal, il n'y a rien, aucun commerce mais quantité de randonneurs pour explorer de belles pistes parfaitement aménagées. On nous informe qu'à 18h le marchand ambulant qui vend absolument de tout (pain, épicerie, plats préparés, boissons, viennoiserie... )passe sur la grande place du village après son tour dans le village. Epatant on va refaire le plein de frais.
Lundi 14 septembre 2020. Thérondels
Quelques pauses plein champs. Si vous venez dans le coin, je vous conseille le sympathique village de Thérondels dans l'Aveyron. La commune met à notre disposition d’immenses prés au bord du village que nous partageons avec les vaches. Juste un fil nous sépare de ces dames. Laurent nous a trouvés un sentier extraordinaire qui domine les monts de l’Aubrac. Varié, sauvage mais parfaitement tracé, des prairies, des sommets au ras des nuages… des forêts… Et une sorte de vilain « maringoin » qui m’a dévoré la jambe… Les charmes de la campagne, version comment survivre aux sauvages locaux !
Au fond des prés, un étang abrite quelques oies sauvages. Nous avons eu de bonnes compagnies dans nos campements isolés, des ânes, des loups, des vaches. Mais ici on découvre une autre ambiance. En soirée, les oies s’envolent. Elles tournent et virent en longs cercles en poussant de drôles de cris… Ça dure une petite demie-heure puis tout rentre dans l’ordre. Mais ça recommencera dans la nuit.
jeudi 17 septembre – La météo s’annonce catastrophique pour la fin de semaine et la semaine suivante. Nous décidons d’aller faire un saut à Laguiole, capitale du couteau… visite du musée, déambulation à travers la ville hyper touristique même à cette saison. Ne nous attardons pas.
Vendredi 18 septembre.
Nous nous plaisons vraiment bien en Aubrac, nous choisissons de nous arrêter au village du même nom. Nous ferons un tour au musée local dédié à l’histoire rurale de l’Aubrac et à la gloire de leurs vaches sympathiques.
Une autre pause à Bozouls, village très étonnant. La petite rivière Bordou, (à peine une cascade) si petite qu’elle soit, a creusé en quelques millénaires une immense falaise sur laquelle est construit le village. La corniche qui domine ces falaises est remarquable.
Samedi 19 septembre 2020. Nous trouvons un camping municipal à Campagnac. Le régisseur est en hivernage depuis le 15 septembre. La commune laisse le terrain et les sanitaires en libre accès pendant l'hiver. C'est génial. On y est les seuls campeurs dans un site magnifique. Une grande marche hier comme on les aime, entre sentiers muletiers, forêts et prés... De quoi nous ressourcer en attendant la pluie. Encore un endroit fort accueillant pour qui aime l'isolement. Laurent attend une éclaircie pour aller ramasser les noix qui tapissent les sentiers.
Je suis en mode rêverie au bord de la prairie… Hé puis, je reconnais le timbre baryton d'un Laurent des grands jours. Alors forcément ça m’interpelle. Vu que nous sommes seuls, à qui s’adresse-t-il. si tendrement. Comme s’il se forçait à parler doux…
- Oh, t’en as des beaux yeux, approche un peu, allez, doucement….
…
La voix de Laurent se veloute. Mince alors, pour qui tous ces efforts de séduction?
- Allez approche regarde moi…
….
Maintenant, il parle comme s’il s’adressait à un bébé.
- Bonjour ma toute belle. Oh, elle est jolie la « vavache »…
Je m’approche doucement. Et bien entendu, je pousse un cri en glissant.
- Bouse !
Je me rétablis de justesse. Laurent se retourne vers moi, l'appareil photo sur le museau. Il est tout réjoui.
- C’est le pied gauche, chanceuse va !
C’est « la vache qui rit »