CÉVENNES INTIMES (2022)
Les Cévennes, c’est un pays majuscule de forêts inextricables et de sommets éblouissants. Et de sentiers secrets, un peu !
Des légions de chênes verts, aux petites feuilles crénelées légèrement épineuses , étonnant feuillu qui garde son feuillage tout l’hiver. Des châtaigniers aux troncs torturés par la vieillesse et dont les jeunes branches défient les lois de l’équilibre. Au printemps leurs fleurs répandent un arôme aussi puissant que troublant. A l’automne lorsque dégringolent leur feuillage et leurs bogues, les sentiers et les sous-bois se teintent d’un dégradé de bruns magnifique.
La Rouvière, c'est un mas cévenol, qui n'en finit pas de se faire beau depuis les années 1970. C'était juste une ferme en perdition pleine de trous et de bosses. Ma soeur et mon beau frère l'ont acquise pour s'y poser... s'y reposer, s'y retrouver aussi et la transformer. C'est aujourd'hui un havre paisible noyé dans la forêt. Et nous autres, y retrouvons toujours nos quartiers de toutes saisons. Car la Rouvière, c'est un gros volume, en plusieurs tomes. De beaux épisodes de vie familiale toujours aussi vivants qu'intenses.
C'est l'automne. La forêt a gardé ses beaux dégradés de vert d’un été en sursis. Malgré l’ombre imposante des chataigniers et chênes verts qui grimpent la crête d’en face, La Rouvière resplendit. Les feuilles de la vigne vierge qui tapissent le mur de façade se laissent mollement tomber sur les marches. L’escalier de lauzes s’est ainsi teinté d’ocre et de rouille. La vigne qui ombre la terrasse a été nettoyée et l’accueil dans la maison est toujours aussi troublant.
Une caresse d'éternité.
Impossible d'évoquer la Rouvière sans passer par Bonnevaux ou Nojaret. Départ de nos sentiers favoris. Des sentiers sauvages que les sangliers dévastent et transforment en calades boueuses. Des terrasses abruptes ou des bouts de murs en pierres sèches, vestiges d’anciens mas, colorent la verdure de taches brunes ou grises.
Des hameaux perchés dont les murs hauts ont des allures de forteresses. Les maisons rénovés où se mêlent les lauzes et les crépis, les fenêtres en saillies et les baies vitrées, les terrasses en pierres couvertes de vignes et les vérandas… L’acier, le verre, les tuiles et les lauzes se fondent dans la pierre grise du pays. Quelques murs en ruines, tentent de garder le souvenir de ce que furent ces hameaux, il n’y a pas si longtemps.
A partir de Nojaret, un sentier monte vers la crête à travers une immense forêt de châtaigniers. La pente est raide, caillouteuse, jonchée de feuilles mortes et de carcasses de châtaignes. Épuisante.
D’un coup le ciel apparaît, nous débouchons sur un plateau de bruyères joliment mauves et de buissons de genêts tout en arrondis et très verts. Nous dominons la vallée. Les maisons des hameaux sont semées comme des pièces de monopoly.
Je glisse sur le temps qui passe, comme un voilier glisserait sur une mer idéale. Et je rêve.
nov 2022
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