LE PAYS DES CENTS VALLÉES

mercredi 15 mai 2023

janou pano

Nous quittons Mérinhac avec du chari-vari dans la tête... Il aura suffi d'une petite fête paysanne, quelques flonflons, des robes qui virevoltent, et nos coeurs battent la chamade. Il est vrai que ces bels gens ressemblent terriblement à ce que nous fûmes et dont nous avions oublié la réalité. 

Nous quittons la belle vallée du Lot bordée de hautes falaises, d'immenses forêts de feuillus. Des caves troglodytes apportent un peu d'humanité à ce monde sauvage.

- Dis Laurent, tu nous a mis en circuit aventure ou c'est une facétie du GPS ?

Imperturbable, il reste cramponné au volant, buste penché vers l'avant. Pas de réponse ! Le petit camion remplit la route, joue au chasse-cailloux et met la panique dans les hautes herbes qui caressent le bas de sa caisse. Nous ne croisons que deux voitures (ouf !) qui ont la courtoisie de reculer pour nous céder le passage... J'adore !

Nous rejoignons une route plus civile en même temps que les plateaux des Causses du Quercy. L'horizon s'ouvre, vaste et vertigineux. Nous frôlons le ciel.

Petite pause à Loubressac.

loubressac

Capdenac le Haut, autre village médiéval aussi peu fréquenté que les autres. La Mairie met à la disposition des camping-cars un verger de cerisiers, pour une nuit paisible et champêtre.

capdenac

Le ciel est noir, mais il ne pleuvra pas. Au petit jour, nous ne savons pas trop si c'est le merle, le rouge-gorge ou la mésange qui nous réveille en fanfare. Un peu des trois, vues la diversité des rythmes et des sonorités. Une journée grise s'annonce. Départ Capdenac dans une campagne qui estompe ses contours.

brouillard

Cap Sud. A Rodez, l'ambiance est plus printanière, et la ville nous séduit. La cathédrale Notre Dame de Rodez, richement gothique, est somptueuse. Elle est aussi immense. (longueur 107 m ; celle de Strasbourg est de 111m-hauteur du clocher : 87m). Elle abrite le plus bel orgue que j'ai jamais vu, daté de 1628. Souvent restructuré et modifié au fil du temps, c'est à mes yeux, le joyau de la cathédrale.

orgue rodez

Laurent dans les musées, il s'ennuie, je tente ma chance quand même.

- Tout à l'heure on va passer devant le musée Pierre Soulages. T'es d'accord pour qu'on entre ?

- Je suppose que c'est un artiste, il soulage de quoi ?

- Oui, c'est un artiste, disons de l'art abstrait. Il utilise le noir pour donner de la lumière aux tableaux. Il soulage pas vraiment, mais un peu quand même.

- Depuis quand ça te branche. Je te croyais insensible à la peinture en général  alors l'art abstrait ... 

-  Je sais pas si j'aimerai. Disons que ça m'intrigue. Et puis, t'as vu la couleur du ciel, ça nous rapproche de Monsieur Soulages tout ce noir. Le mieux, c'est d'entrer... le temps de s'abriter d'une averse par exemple. On y sera mieux que sous un porche. D'accord ?

- Allons-y, mais je promets pas d'entrer !
Finalement Laurent s'est senti "soulages". Il y a bien eu une averse, mais le musée était fermé.

rodezrodez

Sauveterre en Rouergue, encore un village médiéval. Nous profitons d'un bel espace dédié. Nous étions trois camping-cars. Espace prévu pour quinze. Le petit camion prend ses aises, sous de grands arbres et concerts d'oiseaux entre deux averses.

Une éclaircie, faisons quelques pas dans la cité. De belles roucoulades nous accueillent dès l'entrée. Les pigeons ont élu domicile sur l'épaule d'un Saint Christophe inspiré qui reste blotti dans l'alcove de la grande porte en pierre. 

sauveterresauveterre

Lors d'une flânerie d'une dizaine de kilomètres, nous approchons d'une femme d'âge moyen, joliment vêtue mais qui semble porter de longs gants épais bigarrés, plutôt miteux. A son bras, un grand panier qu'elle remplit d'orties. Je me tourne vers Laurent.

- Quand vous ramassiez l'herbe pour les lapins, vous preniez aussi les orties ?

- Oui, bien sûr, c'est plein de vitamines et ils adorent ça.

- Et ça leur blessait pas l'intérieur des joues, pas d'urticaire interne ?

- A priori non, probablement qu'ils sont immunisés contre ça.

Nous arrivons près de la dame, qui nous salue. La conversation s'engage. Je la ramène au niveau des orties.

- Vous avez des animaux à nourrir ?

Elle éclate de rire.

- Oui, des petites bestioles qui ont respectivement 8 ans et 10 ans, Sophie et Laura. Pourquoi ?

- Oh excusez moi, mais votre panier plein d'orties, c'est pour des lapins ?

- Non, ils adoreraient. Ces herbes sont toute jeunes, toute tendres, bourrées de bienfaits. J'ai pas de lapins alors je ferai une soupe d'orties pour nous. 

- Une soupe d'orties ?

- Oui, bien sûr. Il faut prendre le sommet des tiges, les feuilles tendres, surtout pas les fleurs.

- Elles sont toxiques ?

- Je crois pas, mais elles sont très amères. C'est mieux de les éviter.

Lorque nous quittons cette cuisinière avertie je fredonne pour moi-même une chanson enfantine...

"Une ortie est sortie.
De ma poche si tu t'approches.

Elle te pique piquera.

Elle te piquera comme ça. Aïe-aïe.-aïe

Je ponctue mon cri de douleur d'un pincement au bras de Laurent. Qui bien entendu n'apprécie guère.

- Elle est nulle cette chanson.

- Dis Laurent, ça te dirait une soupe d'orties ce soir ?

- Boof !

Ça m'a mis en joie cette encontre. Pas de soupe d'orties ce soir, mais pas de soupe à  la grimace non plus. Soupe de cailloux peut-être, on est en panne de foie gras.

Lorsque nous quittons Sauveterre le décor change. Explosion de genêts dorés, garrigues et thyms en fleurs. Petits hameaux de pierre qui ont creusé leurs fondations au milieu des patures. Troupeaux de vaches blondes, blanches aussi... Des fausses blondes encore !

hameau

Étape à la Couvertoirade. Un beau site préservé du XIIème s. C'était d'abord une commanderie de templiers devenue le village, le château et l'hospitalet des Chevaliers de Saint-Jean, dits aussi les Chevaliers Hospitaliers ou encore les Chevaliers de Malte. La Couvertoirade semble indiquer que le lieu servait d'abri, d'asile (couvertoirade = couverture pour simplifier)

couvertoiradecouvertoirade

Une étape étonnante à Alzon. Nous buvons tranquillement un pot au bar du village, au bord de la route qui le traverse, nommée 999, évocation de la 66 USA. Chicago ici, faudrait partir du Consulat de Paris. L'ambiance y est. Une flotte impressionnante de motos passent sous notre nez, quasiment. Mais comme on aime bien ce monde là, ça nous plaît. Quelques minutes plus tard, des voitures sports, genre porsches, triumphs et je ne sais quoi... Toutes décapotées... Vitesse réduite... Les mecs, cinquantenaires arrogants, concentrés sur leur volant, avec toutefois un coup d'oeil en coin pour s'assurer qu'on les admire... Et des passagères, souvent plus jeunes, cheveux aux vents qui nous font des petits signes... Je m'attends presque à voir l'une ou l'autre se lever pour saluer royalement les pauvres manants que nous sommes. 

C'est à Alzon que nous ferons la "rando" la plus étonnante de nos vacances. Le Circuit des Aqueducs... Ça commence un peu fort en pente raide, nous devons rejoindre une ancienne voie ferrée. Elle est très caillouteuse mais quasi plate. Un tunnel s'annonce... mais j'hésite, le fond de ce tunnel est d'un noir d'encre. Laurent passe devant. Plus nous avançons, plus l'obscurité s'épaissit. Laurent allume la lampe de son smartphone et je ronchonne. C'est vrai quoi, il casse tout le charme. Donc je l'énerve, donc il me distance et disparaît complètement dans la nuit. Me voilà seule dans le silence, une sensation de vide. Alors je m'arrête pour écouter ce vide. L'idée me traverse que je flotte dans le "rien" C'est fascinant. Je tâte le mur à bâbord, ça c'est un bon repère pour avancer droit devant moi. Je me remets en route, lentement en m'assurant que ma main suit le mur... Les caillasses roulent sous mes pieds hésitants. Il faut que je me méfie, y'a des alcoves si je m'appuie sur le bras et qu'il touche le vide, je vais me casser la binette. J'y vais donc mollement. Et toujours ce noir, et toujours ce magnifique silence. Je ralentis encore, je voudrais que ça dure, que ça dure.  C'est juste un vide, déroutant, inespéré, reposant.... Si court. Des rafales d'air glacé me traverse le corps. La sortie se rapproche. Déjà, tout au fond là-bas, une petite lueur... Et rapidement le grand jour. 

tunnel

 

Samedi 22 mai 2023

Saint Guilhem, il paraît que c'est le nom d'un cousin de Charlemagne qui se serait retiré là pour se recueillir. Il aurait fondé l'abbaye de Gellone, haut lieu de recueillement, sur le circuit des pélerins de Saint jacques. 

Le Pont du Diable doit son nom à une légende qui raconte l'affrontement et la ruse de Saint Guilhem. Le diable toujours farceur et cruel pour les humains démolissait systématiquement pendant la nuit le pont que les moines voulaient constuire sur l'Hérault. Désespérés, ils ont invoqué leur saint qui a décidé d'affronter le diable par la ruse. Une aide miraculeuse qui montre bien que le diable aussi malin soit-il n'est qu'un crétin face à un humain inspiré. Ça me trouble toujours dans ces légendes, que le satan si redoutable pour les chrétiens soient si facile à berner.

Nous voici donc, au coeur de deux lieux hautement touristiques. Un immense parking à 600 mètres du pont, à 4 km du village permet d'accéder en navette gratuite aux deux sites, et à la grotte de Clamouse. Belle éclaircie qui nous a permis une visite approfondie de ces endroits aussi beaux qu'étonnants. Mais n'y allez surtout pas en période estivale... les lieux deviennent infréquentables. Parking bondé, cohue, bousculade. Une horreur paraît-il.

Nous n'aurions pas pris le risque en pleine saison estivale. Le petit camion, ne supporte pas la foule, il aurait même pas ralenti le bougre. Mais, aujourd'hui, il a poussé un gros soupir d'échappement car l'immense parking, et la navette étaient quasi vide... Les avantages d' un temps maussade, faut bien se l'avouer.

Un résident nous a raconté : "En juillet l'an dernier, un matin à 9 heures, j'ouvre ma porte qui donne directement sur la rue, comme toutes les maisons de village. Un couple de farfelus me bouscule, entre sans façon, me disent à peine bonjour.  D'autres les poursuivent. Un gamin s'est faufilé dans le séjour. Ils ont cru que commençait la journée de visites d'une maison "authentique" et m'ont pris pour le guide de service qui commençait sa journée.  Ces gens se confondaient en excuses. Franchement, vous trouvez que j'ai une tronche de guide touristique ?

Jovial comme toutes les personnes que nous avons rencontrées, il nous a posé la question à un denier.

- Savez-vous comment s'appellent les habitants de Saint Guilhem

- Les Saints Guillelhois ? les Saints Guilhard, les Saint Guillains...

Et lui, il se marre en hochant négativement la tête.

- Allez je vous le dis, mais vous me devrez un denier... On nous appelle les Saute Rocs ou les Saute Rochers... Il paraît qu'on a la jambe leste.

Est-ce qu'il plaisantait ? 

pont du diable

 

Le temps se dégrade, retour à Velaux, d'un jour à l'autre... de visu ou par téléphone, ou par mail... 

 A bientôt. ego

 

 

 

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