Comme sur des Roulettes

20 JANVIER 2009

Ce jour-là, je suis seule face aux huit résidents. L'opportunité me paraît bien belle de libérer la parole. Même si la relation de confiance entre les éducatrices et les résidents ne fait aucun doute, il n'en demeure pas moins que le statut éducateur les enferme dans un cadre dont la rigidité est indispensable, elle est aussi garante de la sécurité collective des résidents.

Il n'en va pas de même avec la manière dont j'organise ma relation avec les résidents. Je suis une personne totalement extérieure, je ne suis pas assimilée à une éducatrice, je suis bénévole. Ils peuvent donc se permettre avec moi un mode de paroles que le cadre "éducateur" leur interdit. 

Et si on écrivait une courte histoire qui nous appartienne.

Juste deux consignes :
- pas question d'écrire une reformulation de "la p'tite maison dans la prairie" ou de "plus belle la vie"
- obligation de cadrer les évènements dans ce qui nous touche tous de très près.

DÉFINITION DU CADRE D'ÉCRITURE QUE NOUS METTONS EN PLACE TOUS ENSEMBLE.

Le genre : histoire sentimentale - histoire d'amour
Environnement qui fait l'unanimité : un jardin, une résidence pour personnes handicapées.
Les personnages : un jardinier bougon, sa femme et un amant potentiel.
Le noeud de l'histoire : un accident qui rend le jardinier invalide.

Le choix des noms des protagonistes et antagonistes pose bien des questions. C'est prétexte à débats passionnés.
Nous pouvons ensuite cadrer notre histoire.
C'est un drame collectif qui a été écrit, exprimé de différentes manières. Nous avons finalement trouvé une harmonisation qui exprime bien des vécus, bien des sentiments... et c'est là tout son intérêt : 

COUP DE FOUDRE

Gustave est un jardinier bougon. Il travaille dans le parc, c'est un endroit très isolé. Il taille les branches. Il y a des craquements. Une branche tombe sur Gustave qui est grièvement blessé. Il saigne beaucoup.

Robert fait son footing dans le parc. Il est beau, sportif, brun aux yeux noisettes, plein de charme, pas bougon du tout. Il aperçoit une forme couchée sous les arbres. Il est intrigué. Il découvre le blessé. Il lui parle. Il le secoue. Il le secoue fort. Il veut le réveiller. L'autre émerge. Il essaie de bouger. Il a mal. Il ne peut pas bouger.
Robert veut gagner du temps. Il décide de faire l'ambulance lui-même. Il porte le blessé dans sa propre voiture en utilisant la brouette du jardinier. 
Pendant ce temps-là Élénonore, femme de Gustave, qui avait rendez-vous avec son mari pour un pique nique dans le parc arrive. Gustave voulait finir sont travail en début d'après-midi parce que c'est vendredi, son jour RTT. Et puis, sa femme est jolie, frétillante, pas bougonne du tout.
Éléonore arrive près de l'endroit où son mari travaillait, elle voit tout de suite que quelque chose cloche. La branche cassée, les outils en vrac, du sang partout, des herbes piétinées. Et l'indispensable brouette a disparu. Elle est folle d'inquiétude.
Les personnes qu'elle rencontre dans le parc ne sont au courant de rien. Elle court de l'un à l'autre. Puis elle rencontre une femme qui déclare avoir entendu les pompiers et vu embarquer le jardinier. Il avait pas l'air bien du tout.
Éléonore se précipite aux urgences. Elle est dans la salle d'attente. Le médecin va bientôt lui donner son avis. Elle mord son mouchoir, elle pleure. Elle ne voit pas tout de suite Robert, le sauveteur sportif qui la regarde avec compassion. Il attend lui aussi des nouvelles du blessé qu'il a amené jusque là. Ils font connaissance. Robert est un tendre, il est séduit, touché par la détresse de la femme. Il lui promet de ne pas l'abandonner. C'est un vrai coup de foudre.

Le temps passe. Gustave est rentré chez lui, en fauteuil roulant. coup de foudre 1C'est définitif. Il ne supporte pas son handicap. Il devient hargneux, jaloux de toutes les personnes valides. Robert rend souvent visite au couple. Il est devenu leur ami. Surtout celui d'Élénonore. Il trace gentiment son chemin dans le coeur de sa belle.
Ça se dégrade dans le couple. Gustave ne supporte plus de dépendre de sa femme, de l'infirmière, de Robert. Il devient carrément méchant. Éléonore se console dans les bras tendus de Robert.
Finalement la vie n'est plus possible pour Élénonore entre Gustave de plus en plus méchant et qui lui fait peur et Robert en qui elle n'ose pas se réfugier. Elle propose à Gustave une prise en charge provisoire en Institut spécialisé, qui prendra soin de lui comme il faut. Ce serait comme un peu de temps pour comprendre ce qui leur arrive, et si ça s'trouve, il s'y trouvera très bien Gustave dans cette nouvelle maison. Gustave n'est pas enchanté mais si c'est provisoire !
Éléonore a mauvaise conscience mais elle est enfin disponible pour Robert.... qui est bien content !

Ce texte a interpellé la direction de l'Établissement, et nous a donné l'autorisation d'en tirer un scénario. Nous nous sommes rapprochés de nos amis vidéastes pour en faire une courte fiction. Le court métrage a été réalisé avec les résidents de l'Atelier Intellectuel qui y jouent leur propre rôle.

Le tire est devenu, "Comme sur des Roulettes", réalisé en 2010 (avec l'ACC-MJC de Salon de Provence) et produit par l'Atelier Ciné Passion de Velaux. Il a été projeté dans différents festivals amateurs. Il a reçu le 1er prix du public en festival régional 2010.

Notre ami Jacques ROURE a écrit les paroles  de la chanson générique. Olivier BECKER et lui on finalisé la musique générique.  C'est un finalement une production très intimiste.coup foudre 1

 

Malgré ses défauts techniques, ce court métrage ne laisse pas indifférent et suscite bien des remises en question.
Mais c'est une autre histoire.

  

 

 

 

 

 

 

 Éducatrices : Gersende et Anne - Résidents : Agnès, Cathy, Fabienne, Farouk, Marie Françoise, Marie Julie, Mikael, Sonia, Yassin

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