4 FLEURS ET TENDRESSE

Julius est un brave. Il adore les fleurs et quand on aime les fleurs on est forcément un brave. Il attendrit Kovka. Elle a l'impression qu'avec lui, elle est en sécurité. Il n'est pas très beau, et c'est pas un  athlète. Mais son regard est doux. Il parle avec délicatesse. Il sait écouter, conseiller aussi. Il est très patient, ne se fâche jamais. Et pour la tumultueuse jeune lapine, c'est un total apaisement de se trouver près de lui. Ils passent de longs moments ensemble. Ça se fait comme ça, ils se retrouvent toujours, un peu par hasard mais pas toujours. Ils ont de longues conversations sur leurs attentes, leurs déceptions, sur le monde tel qu'il tourne autour d'eux. Ils sont d'accord sur presque tout. Leur amitié sans heurts fait son bonhomme de chemin amoureux.

Un jour Julius attire Kovka sous une cerisier de fleurs blanches. Un souffle de vent léger décoiffe l'arbre. Un nuage de pétales blancs les inonde. Des papillons s'éparpillent dans la fourrure de Kovka. C'est magnifique et romantique. Julius la prend natuellement dans ses bras; il est un peu maladroit. C'est la première fois qu'il prend une lapine contre lui. Il se penche vers l'oreille à demi dressée de Kovka, et chuchote dans le duvet si doux.

- Kovka, je rêve de toi, je me nourris de ta présence. Dès que je te quitte, ta voix continue de chanter dans mon âme. Tu es la plus formidable lapine du monde. Tu es l'étoile de mes nuits, tu es l'astre de mes jours....

A ces mots, Kovka repousse son ami avec violence. Elle éclate en sanglots.

- Voilà, ça recommence. T'es comme les autre, t'es nul. T'es un menteur. Je te déteste. Va-t-en, je ne veux plus te voir !

Elle se retourne et sanglote de plus belle.

L'amoureux complètement épaté se demande bien ce qu'il a dit ou fait de si dramatique. Il reste cloué sur ses quatres pattes, l'air parfaitement stupide. Il était sincère, il croyait que Kovka partageait ses sentiments. D'accord, c'est la première fois qu'une fille l'attire à ce point. Mais au cinéma, ce genre de déclaration, c'est imparable. Où est l'erreur ?

Il se rapproche avec prudence de Kovka, lui cueille une grande feuille à déguster, une délicatesse, c'est une patte d'ours.  La patte d'ours, aucun lapin  ne lui résiste, c'est le mets d'exception pour un lapin.  Kovka regarde la plante. Il y a toute la détresse du monde dans ses yeux. Julius tente un sourire.

- C'est pas pour la manger, c'est pour essuyer tes larmes.

 Kovka amorce un sourire et se remet à sangloter.

Avec des gestes très délicats, Julius essuie les larmes de son amie.

- Dis-moi, que se passe-t-il ? Qu'est ce que j'ai fait de si grave ?

Oh là, là, comme la vie est difficile quelquefois. Kovka ne sait plus où elle en est. C'est vrai, il a l'air vraiment désolé son ami. C'est vrai qu'il ne lui a jamais fait de mal. Il ne l'a jamais trahie. Ce doux frisson le long de son échine quand elle le voit apparaître au bout du pré, c'est extraordinaire, non ? Il est si mignon avec l'incontournable bouquet qu'il lui cueille à chacune de leur rencontre. Alors, elle redresse la tête, elle renifle un grand coup. Elle ne crie pas, elle ne tape pas du pied. Elle lui annonce juste, calmement avec un rien de désespoir.

- Je suis déçue. Tu es comme les autres. Ceux qui flattent, ceux qui trompent pour mieux séduire. Je sais bien que je ne suis pas si magnifique que ça. C'est pas la peine de sortir ton grand jeu de séducteur. Ça ne marche pas avec moi. Notre amitié ne méritait pas ça. Tu me déçois, oh mais tu me déçois ...

Elle marque une pause, puis termine sur ce mot terrible :

- définitivement.

Elle se laisse tomber sur le ventre. Le museau entre ses pattes, elle recommence à sangloter. 

Pauvre Julius, il ne sait pas comment ratttraper sa maladresse. Il lui explique qu'il était sincère, qu'il ne cherchait pas à la séduire, ni à la tromper. Il était si émerveillé, si heureux aussi. Il s'étale en face d'elle, la regarde d'un air espiègle.

- D'ailleurs, j'ai jamais eu besoin de te séduire, ça marche bien entre nous, non... Tu m'aimes bien un peu...

Elle pousse un gros soupir, reste un instant perdue dans ses pensées.

En rampant, Julius se blottit contre Kovka. Il dépose une tendre léchouille dans le creux de son oreille.

- Ça, c'est une p'tite bise pour les incomprises. 

Elle redresse la tête et parvient à sourire. 

- Tu te moques encore de moi ?

Alors, Julius se dresse sur ses pattes avant. 

- Non je ne me moque pas de toi. Tu es le top du top des lapines du monde... Et je te veux pour moi tout seul, na !

Il pose sa patte sur le museau de Kovka prête à réagir encore; et termine avec un sourire irrésistible.

- Kovka, tu seras toujours la plus belle pour ceux qui te regardent avec les yeux de l'amour.

 

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