MALTE 2006

Cliquez sur les différentes pages du livre (colonne de gauche, Malte 2006) qui correspondent à nos étonnantes étapes.

De Martigues à Malte par la Corse, la Sicile et la Sardaigne.... et retour par Messine, Iles Éoliennes, Iles Pontines, Toscane,

de l'été plein les yeux.

corse

mer

chiaara

pontines

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bonifaccio

 Estival 2006 n°1. 22 juillet 2006.

Samedi matin, nos amarres sur le ponton frémissent. A quelle heure le passage possible sous le pont de Martigues ? Fos-Port-Contrôle nous annonce l'ouverture à 10h30
"soyez prêts à passer en même temps que le pétrolier qui entre vers Berre..."pont martigues
"Oui Monsieur, Merci".
Impec, je dispose d'encore une heure à quai. Elle va me permettre de lessiver le plancher du carré qui en a grandement besoin... Je n'aime pas partir en désordre. 10h10, je balance mon reste de seau savonneux dans le cockpit. L'arlarme du pont m'arrive assourdie.
"Range ton seau, ton balai, vite, les voitures sont à l'arrêt à l'entrée du pont". crie Laurent.
J'ai à peine le temps de me retourner. La lourde mécanique de levage ronfle et se met en branle... Nos amarres sont larguées sauvagement. Lune de Miel démarre sur les chapeaux de quille. Prêts à partir ? pas vraiment !
Pincement de bonheur dans le fond du coeur ? Etat d'âme inspiré de ceux qui s'évadent enfin ? Raté, ce n'est pas le moment ! Désolée, Pas le temps ! Il s'agit de passer le pont... C'est pas tous les coups pareil pour sortir de l'étang de Berre. Ou bien on piétine au pied du pont basculant pendant une demi-heure parce qu'il oublie de s'ouvrir, ou bien il ouvre un quart d'heure avant l'heure. Ce sont les facéties du pont de Martigues. 
On croise le pétrolier annoncé à l'entrée du canal. Vu de trop près, il est impressionnant. Il pue et fait un barouf pas possible.
"Laurent tiens bien ta droite, guère envie de m'y frotter !"
Belle embardée à gauche pour éviter les lignes de pêche tendues depuis les quais. Le pétrolier nous corne comme un sauvage. De sa cabine, le pilote s'agite et nous adresse des signes qui n'ont rien d'amical. Pourquoi tant de rage ?
"Laurent pousse le régime, les remous vont nous jeter sur le quai !"
On voulait de l'émotion, la voilà, à défaut d'un grand bonheur.

Enfin sortis du bassin de Port de Bouc. Cap sur La Couronne. Le vent est au sud ouest, force 2 à 3. La mer est belle. L'allure très confortable du bon plein nous permet une vitesse sympathique qui tourne autour de 5 noeuds. On oublie vite la Côte Bleue. Il y a un monde fou qui circule autour de nous. Marseille et ses îles magnifiques se dissolvent dans la brume. On avance ainsi très gentiment jusqu'à Cassis que nous dépassons vers 15 heures. Véritable ambiance de croisière. Pensées attendries pour Annette et Claude, Anne Marie et Gérard, qui nous ont permis quelques échappées par là au temps où nous cherchions à tromper notre impatience. Une éternité déjà. Nous partons pour une autre histoire.
Fin d'après-midi, le vent nous lâche. Lune de Miel se dandine sur la houle. Plong à babord, blong à tribord. La bôme se balance mollement au rythme du clapot. Le hale-bas grinçouille. Une indécente mouillure lèche la coque... Il faut s'échapper de tout ça. Moteur...
Vers 19 heures on aperçoit l'ombre allongée de Porquerolles qu'on laisse à une vingtaine de milles à babord. J'ai oublié de vous dire qu'on prenait direct le cap de Bonifacio, sud de la Corse. Le vent est revenu. Nous repartons au grand largue, une vitesse de rêve, 6 à 8 noeuds.

Je ne suis guère amarinée et je me sens vraiment comateuse au moment du crépuscule. Angoisse de la nuit qui tombe peut-être ? Je décide d'aller me coucher pour échapper à ce moment sinistre. Lorsque je me réveille vers 11 heures la nuit est totale. Une orgie d'étoiles inondent le ciel. L'horizon borde la mer d'une frange noire. Les étoiles filantes dans le fouillis de lumières tracent des lignes éblouissantes aussi fugaces que rectilignes. Les ferries et les cargos nous croisent, nous dépassent, nous poursuivent. D'énormes masses lumineuses, fort bruyantes lorsqu'elles nous voisinent. Cette route est un vrai boulevard. La fréquence VHf de veille, canal 16, ne permet aucun répit. stations espagnoles, stations italiennes et stations françaises se télescopent, et se parasitent mutuellement. Un incroyable bordel. Entre les PAN PAN, les annonces météo et les échanges des pêcheurs, difficile d'y retrouver le bout de son fil.
À deux heures du matin, le dernier ferry qui nous dépasse se fond dans la nuit et la radio ferme enfin son clapet. Nous voilà abandonnés dans le monde secret de la mer. Il pleut des étoile. Le pchuit-pchouit des vagues que Lune de Miel fend en douceur, quelques roucoulades de poulies, ronronnement de cordages... le silence de la pleine mer....
C'est le moment où m'envahissent les différents chocs affectifs que je viens de subir. C'est le moment où je fais le point dans ma vie, dans mes projets, dans mes attentes... C'est le moment où je secoue la tête, et le nez levé sur les étoiles, je murmure pour cette nuit magnfique des chansons que plus personne ne chante. Mon répertoire est vaste. Les mélodies de ma mère, les vieux airs de l'école communale, les duos de notre enfance à Annette et à moi. Je chante pour moi-même, une melopée que je murmure, respect du à Laurent qui dort à l'avant. Chacun son tour. Pour cette navigation, nous alternons les veilles toutes les deux heures. La température est merveilleusement douce, pas une once d'humidité. Le temps passe en chantant. 
Vers 4 heures du matin, un filet de lune se lève. Il éteint bien vite les étoiles et colore le ciel d'une lueur blafarde. Une heure plus tard, l'aurore accentue cette grisaille. Des nuages noirs salissent l'horizon. Des débordements d'orages annoncés sur le Var peut-être ? C'est sinistre. Je suis contente que Laurent se réveille pour prendre son tour de veille. J'épie le ciel qui s'éclaircit lentement puis devient ocre. Les nuages blanchissent. Ce sont de bons et gros cumulus qui s'étalent pépèrement dans l'azur. Je peux me recoucher l'esprit tranquille. La tempête n'est pas annoncée. arrivée
Mauvais réveil. Il est temps de traiter le mal de mer. Je suis complètement à la masse. Ne me demandez pas quelle heure il est.
"T'as pas un p'tit creux à l'estomac" demande Laurent... 
Non, plutôt un trop-plein... Je me recouche, me rendort aussi sec. Une demi-heure plus tard, effet pilule magistral. Je pète le feu. J'ai du bonheur plein la tête. La journée s'annonce magnifique. Le moteur ronronne gentiment et la mer est sympathique. Depuis l'aurore, Laurent a mouillé trois lignes pour multiplier ses chances de pêche.
Principe qui ne repose sur aucune vérité, comme tout principe, mais qui a le mérite d'entretenir la confiance en soi.
Le poisson ? Il ne doit pas y en avoir. Depuis des milles et des milles nous faisons notre traversée du désert. Rien, pas une âme qui vive. Même pas un oiseau. S'il y a avait du poisson, les oiseaux le sauraient et on les verrait chasser. Folle croisière. Je passe beaucoup de temps à dormir pendant cette journée. Du coup le soir, je suis en pleine forme ; ça tombe bien, la nuit tombe ! 

42°N01.509 7°E51.576 - 20 heures
Nous traversons le parc à jeux d'une tribu de dauphins. Il doit y avoir là au moins une centaine de stenellas. On en a plein les yeux. Rien de tel pour nous rendre incroyablement joyeux. A l'heure du crépuscule, c'est de très bon augure. Je me sens délicieusement bien. Hardis pour notre deuxième nuit de veilles échangées. Nous avons alterné moteur et voile, mais plus souvent le moteur. Cette deuxième nuit s'annonce très différente. D'abord nous l'abordons dans le silence et nous croisons très peu de navires. Lorsque je prends ma première veille vers 11 heures du soir, le ciel a bouffé l'horizon et ma vision s'arrête à l'avant du bateau. Je ne vois pas où s'arrête la mer. Je ne vois pas où commence le ciel. Les étoiles se chevauchent dans un chaos total. La voie lactée est la seule traînée de lumière. Comment l'atteindre pour se rassurer ? C'est très étrange d'avancer comme ça avec juste le ronronnement du moteur dans un espace totalement sidéral. Nous serions un vaisseau spacial et nous foncerions à travers les étoiles. Cette course dans la nuit est vertigineuse.
Deux heures du matin, Laurent pousse un cri, je tombe de ma couchette.
"Mince alors une baleine, juste à côté !"
Je me rue dans le cockpit, à moitié pas habillée et cul nu. Je me penche à côté de Laurent par dessus les filières. La houle nous berce de son chuintement sous la coque, mais on n'y voit vraiment rien. La nuit est absolue. 
"Comment t'as fait pour voir une baleine dans ce four ?
"Je ne l'ai pas vue, enfin j'ai vu une ombre gigantesque, (dans la nuit noire ?) juste là, à portée de main. Surtout je l'ai entendue.
"Tu l'as entendue ?
"Oui, un souffle énorme d'eau mouvante, comme si un monstre sortait des vagues, c'était terrible. J'ai jamais entendu ça Écoute, elle doit pas être loin"
J'écoute à m'en faire péter les tympans. Je scrute la nuit à me faire imploser les yeux. Hors le ronflement des vagues qui passent sous la coque, un peu plus rauque lorsque l'une d'elles s'échappe par le travers... qu'entends-je ? Que vois-je des mouvances d'ombres ? Rien d'exceptionnel en somme... Des dauphins peut-être. Lorsqu'ils naviguent en rangs serrés, à trois ou quatre, ils peuvent prendre des allures de monstres marins. Surtout dans le noir.
Il est grand temps que Laurent se couche.
A 35 milles de la côte corse, un feu à éclats nous interpelle alors que le jour n'est pas encore levé. On se concerte, on réfléchit, on sort la carte papier... Filet dérivant ou pas filet dérivant. On identifie le feu à 3 éclats des Iles Sanguinaires, devant la Pointe de la Parata. On doit longer la côte mais nous n'en n'avons la certitude que lorsque les lumières d'Ajaccio trouent l'horizon. 
Nous visons une petite calanque "Cala Conca", isolée, sauvage, peu fréquentée. nous mouillons très tranquillement dans le sable à 10 heures du matin, parfaitement centrés au milieu de la baie. Belle et bonne journée à bord à déguster notre première bonne bouteille. Belle et bonne journée à terre au milieu du maquis. Et la soirée donc ! Ah le bienheureux moment de se couler sous la couette sans autre pensée que celle de profiter...Nuit paisible et réparatrice. . 

Depuis Martigues, nous avons parcouru 210 milles. La traversée a duré 48 heures et nous avons fait 28 heures de moteur. Navigation typique de Méditerranée. Cala Conca, c'est un site génial qui nous plonge à l'intant dans l'ambiance estivale dont nous rêvons tous. Vaste plan d'eau bordé de rochers finement taillés. Une monumentale tortue de pierre dresse son bec vers le large et nous toise lorsque nous entrons dans la baie. Une belle plage de sable d'où démarre le sentier du littoral à travers le maquis et de grandes forêts de chênes verts.

cala concaMardi matin, nous partons pour débusquer une cascade, une source, un abreuvoir. On ne sait pas trop, c'est surtout un prétexte à se dérouiller les jambes. Deux heures sur le sentier du littoral à explorer les chemins de traverse pour découvrir celui de l'eau. Un mythe peut-être, mais la balade est sublime. Dans la baie que nous dominons, Lune de Miel gentiment tenu en laisse par son ancre, nous offre son plus joli profil pour la photo du jour.

Mercredi 26 juin 2006.
Départ en douceur pour une petite navigation d'une dizaine de milles. Histoire de pas arriver à Bonnifacio trop vite. On croise des dauphins égarés à deux milles de la côte, qui nous ignorent superbement. On avance au grand largue cahin caha selon le clapot. Le vent oscille de 1 à 3 noeuds. On fait des pointes à 4 noeuds, des ralentis à moins de 2 noeuds. Mais ce qu'on se sent bien dans ce navire si tranquille. 
15 heures, nous mouillons dans l'anse de Rocapina. Une ménagerie taillée dans les rochers dresse de fières silhouettes. Nous posons l'ancre juste sous un lion qui nous accueille sans sourciller. C'est bien bon tout ça !

Prochaine étape, bain de foule à Bonifacio.


Sardaigne

Estival 2/ lundi 27 juillet, début d'après-midi.

Nous pénétrons entre les somptueuses falaises de Bonifacio. Large goulet qui nous insinue à l'abri des murailles naturelles du port. Nous faisons silence, subjugués par ce merveilleux et impressionnant couloir. Nous décidons de mouiller dans la deuxième calanque de l'avant-port, la Catena.
Il n'y a que trois bateaux à l'entrée ; ça nous paraît tout à fait sympa et avenant. C'est souvent une aventure de pénétrer dans une calanque profonde, avec des remparts troués qui dominent. Le vent s'est levé pendant notre courte navigation et si c'était une bénédiction du ciel au portant, ça se retourne contre nous, lorsque le vent déferle à travers le goulet de la calanque. Impossible de manoeuvrer au ralenti pour poser notre amarre arrière dans les rochers. Lune de miel dérive par l'arrière, poussé de travers par les rafales. Les trois plaisanciers déjà installés hurlent de détresse pour leur mouillage dans lequel on risque de s'emprisonner. L'un d'eux finit par sauter dans son zodiac pour venir nous pousser et nous aider à nous placer convenablement. Son élan nous vautre contre un catamaran que nous avions choisi comme voisin. Lune de Miel pour ce coup là se montre un peu trop familier.
"Laurent, aide-moi à libérer les préservatoirs, pardon les défenses, enfin les pare-battages... je voulais dire". 
A bord du cata, ça taquine et ça rigole. Une bonne équipe semble-t-il. Qui retient comme elle peut, notre masse envahissante. Ils deviendront de très agréable voisinage. Je ne vous conseille pas ce mouillage par temps perturbé. C'est une vraie galère. Chaque bateau qui se place pose un problème. Car beaucoup d'autres arrivent en fin de soirée. Laurent fait une vraie police pour préserver notre mouillage. Efficacité remarquable. Il donne beaucoup de sa personne, n'hésite pas à sauter dans l'annexe pour prendre les amarres arrières et conseiller les skippers.
L'un d'eux a acheté son navire en mai. Il a traversé de Toulon, c'est son premier mouillage.Il est seul à bord. Dure école. Courageux le mec ! Il paraît qu'il y a des mouillages beaucoup plus abrités sur la côte est de Bonifacio. Mais c'est loin de la ville.
Et vraiment, une étape ici, malgré les difficiles conditions d'arrivée, c'est une étape de rêve.

Sympathique journée de tourisme en vue. Nous nous offrons un circuit pédestre depuis la Catena à travers un sympathique chemin, enchevêtrement de chênes kermesses et de rocailles. Nous longeons l'avant-port face aux remparts de la ville, puis à l'alignement plus paisible des habitations tassées l'une contre l'autre. La ville se dévoile au rythme lent de notre sentier sauvage. C'est vraiment génial. Nous quittons rapidement l'agitation du port, ses terrasses de bars encombrées et nous grimpons à travers la vieille ville. Les arceaux des églises s'appuient sur les murs des habitations voisines. On dirait que les maisons se tiennent bras dessus, bras dessous... Généreux et magnifique. Bien que harcelée de touristes, c'est une ville intime et tranquille  que nous retrouverons dans la chaleur adoucie du soir. Nous décidons qu'il faudra y revenir. En moto peut-être ?
Pendant ce temps là, la météo se dégrade dans le golfe du Lion. Je crois que Karine et Jo seront sous l'emprise d'un grand coup de vent le prochain week-end.

Samedi matin, 29/07/06.
Nous profitons de la météo houleuse qui se répand vers la Provence puis vers la Corse pour prendre le départ vers la Sardaigne. Très confortable avec toute la toile. C'est super. On taille notre route entre les îles à 7/8 noeuds. Plus de 30 milles à parcourir. Faut pas lambiner. Début d'après-midi, des pointes à plus de 8 noeuds, ça déboule sec. La circulation est intense, surtout autour de Porto Cervo. 
Peut-être qu'on devrait réduire. Nous sommes d'accord pour deux ris et réduction idoine dans le génois. On retombe à 6 noeuds. C'est nettement plus calme et plus sécurisant. Après tout on n'a pas le feu aux trousses. Et cette route entre les îles est fort belle.
Deux heures avant l'arrivée à la Cala Volpe, notre allure passe au prés très serré. Ouf, quelle bonne idée la réduction. La mer s'est sérieusement levée. C'est assez sévère comme navigation. On fait du rodéo, je déteste ça. On pose notre mouillage dans une agitation phénoménale, secoués comme des pruniers. Le vent s'affiche à 33 noeuds. C'est seulement lorsque nous sommes à l'abri de notre cockpit, dansant au bout de 40 mètres de chaîne et notre apéro aux lèvres que nous prenons le temps de nous étonner. Il y a dans le mouillage deux voiliers un peu en avant de nous, et tout autour nous sommes cernés par des yachts, vedettes, et autres bâtiments de cet acabit, trois ou quatre ponts minimums, autant de salles à manger, de séjours enluminés comme des arbres de noël. Les pilotes des annexes, esclaves civilisés en fin costume, chemisette et pantalons courts, font d'incessantes navettes entre la terre et l'un ou l'autre de ces riches bateaux. Pavillons de Malte, des Grenadines, d'Anglerre ou Hong Kong... Fréquentations inattendues pour Lune de Miel qui n'a plus qu'à bien se tenir dans son petit soulier, comme chantait Tino le Corse.

Mercredi 2 aout 2006. Route vers le sud Sardaigne
Le coup de vent s'étale sur toute la méditerranée. Progressivement il déborde vers Magdalena puis Carbonara. Nous traçons notre route le long de la côte sarde, quelquefois en tirant des bords selon les caprices des brises qui se conjuguent de plus en plus avec le vent du nord ouest dominant. Nous faisons entre 30 et 40 milles, par jour, pour 25/30 à vol d'oiseau. Certains caps se passent laborieusement. On s'abrite le soir et on repart le jour suivant après la météo de 9h30. 
Toujours vers le sud. Au départ c'est toujours calme. L'allure est au travers dans la sérénité. Lune de Miel est en parfaite harmonie avec la mer. Il donne l'impression d'effleurer les vagues. Les sommets de Sardaigne nous dominent, ombres et lumières de la côte, et la mer scintille. Le puffin de méditerranée nous fait de courtes visites. Sait-il que je le guette ? qu'il m'éblouit avec son costume tout moiré ? Comme son grand cousin d'atlantique, il joue avec la houle, la froisse d'un léger mouvement d'aile et remonte en quelques battements pour se laisser planer au ras de la mer. Il paraît aussi doux, aussi léger que l'écume qu'il caresse. Cet oiseau m'imprègne d'un bonheur tendre et profond. Voilà, ils sont deux, ils se croisent et se parlent. Ils plongent ensemble, se laisse dériver au ras de l'eau. Nouvels élans d'ailes, courts et délicats. Ils dessinent leurs immenses arabesques dans le ciel puis reviennent faire du charme à Lune de Miel. Notion d'éternité. Le temps se fige.
Début d'après-midi, le vent passe à l'ouest et se renforce. Il faut que Lune de Miel prenne le dessus. Il creuse son passage en force. La mer ne veut pas s'aplatir pour lui. Les chuintements de vagues contre la coque se transforment en chocs plus secs. On dirait même que ça rebelle par moment. Comment ça, la mer était d'accord et demandait qu'à nous aider et le vent se refuse ? Changement d'allure et de vitesse. De 4 à 5 noeuds nous passons à plus de 8, le bateau bondit, se couche... On cramponne la barre à tour de rôle. Des hordes de moutons se précipitent depuis la côte, la mer devient de plus en plus écumante. Vers le large. Elle se frise de blanc. 
Et si on prenait un ris ! Ce n'est pas trop tôt et ce n'est pas trop tard. Laurent en prendra deux. Réduction de génois adaptée. Ouf !
La mer se creuse. Heureusement la houle nous pousse, et nous fait gagner plus d'un noeud en vitesse. Quelquefois un peu de travers par facétie, quand on s'y attend le moins. On chahute sur la mer, ou la mer nous chahute, je ne sais pas trop. Nouvelle allure de rodéo et je ne m'y fais pas. Si on se raproche de la côte peut-être que la mer sera moins houleuse, le vent moins hurleur ? Virement de bord. L'écoute est passée je ne sais comment derrière le rail d'écoute de grand voile. Lorsque Laurent est prêt pour virer, elle se déroule un peu brutalement autour de ma cheville. Je m'en rends à peine compte. Notre manoeuvre exige une attention extrême.
Trois jours de suite, nous naviguons ainsi. Nous mouillons dans des conditions difficiles, à l'abri de la houle mais souvent pris dans les violents courants d'air qui déboulent des montagnes sensées nous protéger. Nous sommes seuls sur 3 ou 4 km de plage, on peut aligner la chaîne. Le vent nous hurle aux oreilles, mais le navire est stable. 
Anecdote de mouillage. Pendant la nuit, le vent tombe et notre petit déjeuner est toujours très serein. Tout en sirotant mon café, je remarque à tribord un truc bizarre, une sorte de tube noire, qui flotte à quelques mètres du bateau.
- Laurent regarde, c'est quoi à ton avis ce truc ?
- Pas grand chose, un tuba, y'a peut-être un plongeur qui admire notre carène. 
- Moi, je crois pas, on dirait que ça se laisse dériver.
- Un périscope alors, y'a bien eu chaque jour un hélico qui nous rasait la voilure. Peut-être que maintenant ils envoient un sous-marin pour nous espionner !
- Et si 'était une fortune de mer intéressante, on va voir avec l'annexe ?
- Franchement j'ai pas envie de me remettre à l'eau. C'est rien, d'intéressant, c'est si petit.
C'est à ce moment là qu'un raclement sur la plateforme arrière nous surprend. L'une de nos rames entraînées par le tanguage (et que nous avons oublié d'attacher en revenant de la plage) glisse discrètement à la mer. D'un bond efficace, Laurent la rattrappe in extrémis.
- Zut où est la deuxième ?
- Hé, tu sais, le périscope à babord qui se laisse dériver vers le large ce serait pas...
plongée immmédiate de Laurent dans l'annexe, avant que j'ai eu le temps de réaliser. Joli sauvetage de rame. Cet homme si vif m'épatera toujours.

Vendredi matin, 4 aout 2006.
Derrière l'île de Chirra. La météo nous décourage. La navigation sportive n'était pas au programme de cette croisière.
Nous décidons de rester ici, bordure du cap Lorenzo pour la journée. Super, si je jetais un oeil sur ma cheville. Elle me taquine vilainement depuis au moins deux jours et comme je dois me démancher le cou pour voir l'arrière du pied je n'ai pas pris le temps. Douche copieuse, Je frotte mon pied droit mais pas trop fort, ma cheville droite est bien douloureuse. Zut alors, regarde Laurent, elle est enflée. 

Allo Docteur !

C'est pas beau à voir. J'ai été dépiautée sur une large surface jusqu'à l'arrière du pied et des bizarres boursouflures jaunâtres cloquent sous ce décor rouge très vif. Pour un peu je verrais des étoiles ! Pas d'affolemement. Nous avons ce qu'il faut à bord. Laurent me lave soigneusement tout ça à l'antiseptique. Je ne bronche pas, vous vous souvenez que je suis héroïque quand je veux. Après un pansement tout propre, j'ai même plus mal. 
Demain nous espérons passer le cap Carbonara (tiens ce serait de là que viennent les pâtes...). Nous attendrons là-bas, la météo idéale pour traverser le canal de Sardaigne direction la Sicile.
Un peu plus de 150 milles à prévoir, une trentaine d'heures. Je vous en parlerai dans mon prochain message.
N B / c'est loupé pour le sud de la Sardaigne. La météo se dégrade. Le coup de vent de Provence se généralise à toute la méditerranée (force 9 annoncée et creux de 4 mètres... possible ça ?). Une dépression se déplace de Provence vers La mer Thyrénée, coup de vent au sud... Pas la peine d'y aller. On se concerte dans la soirée. 
Si nous partons demain matin, nous resterons dans un couloir intermédiaire entre le coup de vent de l'ouest et la dépression qui se développe au sud avec des vents de 15/20 noeuds. Au portant ça nous dit bien. Changement de nos plans. Départ direct demain matin pour la Sicile. Le réveil est prévu à 6 heures pour un départ avant 7 heures du matin. 
Depuis la Sardaigne, les cyber café n'autorisent que la consultation internet. Les lecteurs externes sont verrouillés. Donc impossible de transmettre les coucounets.
Si vous recevez ce message c'est que nous sommes arrivés en Sicile. 
Détails au prochain courrier. A +++ JanouB


Sicile

Estival 2006.3. samedi matin 5 aout 2006. janou sicile

Le jour se lève à peine. Les mélodies colorées de Glenn Gould atteignent en douceur mon profond sommeil. Mais c'est l'odeur suave du café frais qui me précipite dans le carré. Même pas 6 heures du matin. Laurent déjà au top a installé le petit déjeuner et fait griller du pain. Le mouillage est merveilleusement calme, sécurisant. La nuit s'éclaircit. La journée démarre dans d'excellentes conditions pour moi. Et  nous avons 165 milles de navigation prévue. Génial. Si on se maintient à 5 noeuds, nous avons 32 heures de nav à prévoir. Autant partir content. Laurent s'y emploie, je baigne dans l'optimisme. C'est l'instant béni d'avant le départ.

Petite note aux futurs plaisanciers de Sardaigne. Tout le long de la côte Est, depuis Bonifacio nous avons expérimenté quelques mouillages, dans le sable, le long de plages quasi-désertes, abris très sauvages, mais ce sont surtout des mouillages de beau temps. Nous n'avons jamais eu à prendre de bouées et aucune taxe locale ne nous a été demandée. Je rappelle que nous sommes en 2006 et que des bruits courts sur les pontons de taxes locales pharamineuses, fausse rumeur pour le moment. Même pas à la Cala Volpé manifestement de très haut standing, ni dans la crique estivale de la cala Frailis, près d'Arbatax. Venez en Sardaigne, vous ne le regretterez pas !
Mais pour l'instant nous on la quitte la Sardaigne et dans l'euphorie. Nous levons notre mouillage à la voile, en douceur. Départ au portant, grand-voile grande ouverte et génois tangonné. Bonne allure. Harmonie totale avec la mer. On se félicite et on se congratule réciproquement d'avoir fait un aussi bon choix de fenêtre météo. Ambiance souriante à bord. Pfschouit, Pfshouit... wouaou ! La mer inlassable et gourmande lèche la coque. Je suis bercée et je finis ma nuit en rêvassant vers le soleil qui se lève dans de belles couleurs orangées. Prochaine nuit en mer. Pourvu qu'elle soit aussi douce. 
A 10 heures le vent nous abandonne. Le génois se dégonfle au gré de la houle qui le ballote d'un bord à l'autre. Vitesse plan-plan, moins de trois noeuds. Abandon de la voilure d'avant, moteur. 
Fin d'après-midi, le vent se permet des familiarités. Des poussées insistantes sur l'arrière-train. OK, d'accord, on se retoile. Notre allure serait géniale, au grand largue. Hélas, la houle qui sévit à l'ouest nous arrive maintenant par le travers. Les creux d'un coup deviennent sérieux. Laurent a pris la barre. S'il n'y veille pas, le navire part au lof, les embardées nous couchent. Des accélérations à plus de 9 noeuds. Serait-on pas un peu trop toilé ? Lune de Miel est complètement asservi par la houle et se couche à ses pieds. Au sec...ours ! Une embardée un peu sèche me glisse au fond du cockpit. La traitresse. Impossible de me retenir. Ça me fait tout drôle. Coup d'oeil inquiet vers Laurent 
- Pourquoi aller si vite ? C'est pas la peine ! La houle est trop profonde pour que notre vitesse nous permette de "voler" dessus. On va se blesser. En plus, il fera encore nuit quand on va arriver si ça continue comme ça. On réduit ? 
- Oui, bien sûr !
La manoeuvre n'est pas facile dans cette mer bordélique. Pas question de se mettre face au vent. Laurent rampe au pied du mas. Il se cale le mieux possible entre les haubans. Je choque la grand voile, je me décape un peu pour lui permettre de descendre la GV en tirant sur les bosses de ris. Je surveille la mer, prête à réagir, au cas où elle nous ferait des siennes. Pas à l'aise du tout cette manoeuvre. Ça dure une éternité alors autant prendre 3 ris si déjà on y est ! ça calme tout de suite l'équipage. La houle est de plus en plus creuse. Malgré notre petite voilure on fonce toujours à 6/ 7 noeuds. Comment trouver à la fois, l'ombre des voiles ou du bimini, et une assise sûre ? Crampes diverses et variées... Tu parles d'une croisière !
Les ombres du crépuscule se teintent de rose-orangé. Lorsque la lune se lève, elle éteint les premières étoiles. Elle nous offre son trois-quarts le plus esthétique, son large sourire. C'est magnifique mais sa lumière blanche alourdit les ombres. Les vagues arrivent toujours de travers, plus haut que le franc-bord. De grosses masses noires qui se glissent sous la coque, au dernier moment... Seigneur, que c'est impressionnant. Le navire se déporte un peu, mais il tient bien la route désormais. Nous sommes ficelés dans nos polaires et nos cirés. 
- Je crois qu'on devrait s'attacher pour la nuit, ce serait plus ...
Vous n'allez pas le croire, c'est Laurent qui propose ça, l'air un peu pincé. Y aurait-il un vrai danger qui m'échappe ? M'aurait-il caché une météo moins optimiste qu'avouée ? Bon, je réfute illico cette idée contraire à notre mode de fonctionnement. L'essentiel c'est d'assumer ensemble. Hardis petits ! car petits on est vraiment dans cette mer dévastée. Je bénis la profondeur du cockpit remarquablement protecteur. Y'a toujours des vagues plus culottées qui frappent très fort, mais elles n'entrent pas. C'est juste pour nous faire peur. Alors justement, ne le répétez pas trop, mais cette nuit qui s'annonce dans la violence, me flanque une trouille épouvantable. Y'a que vous qui le saurez. Je ne voudrais pas affoler Laurent. 
On ne rencontre quasiment personne; deux ou trois cargos, qui nous croisent de très loin et ne posent pas question. Pas un seul pêcheur, ce qui nous étonne vraiment. Nous nous sentons bien seuls. Rarement une nuit m'a parut aussi longue. Impossible de dormir. J'ai même pas envie de chanter. Dommage pour la nuit, elle est si belle ! Mais je ne m'habitue vraiment pas à cette danse macabre de la mer. Brider son impatience. Se mettre en position de repli. Serrer les fesses à défaut de serrer les freins. Les noeuds défilent très vite, c'est la nuit qui n'en finit pas.
Cinq heures et demi du matin, prémices de lueurs. Guettons le jour. Enfin ! Il se lève laborieusement. Nos conditions de navigation ne s'arrangent guère. Il arrive que nous traversions des zones plus calmes, une houle plus longue, plus ondulante, un peu comme en atlantique. Une portion d'heure de répit et ça recommence les coups de heurtoirs et le passage en force. 
Un premier sommet apparaît, qui découpe finement l'horizon. On croirait voir apparaître les hauteurs de Pico qui domineraient la brume. Déconcertant. Ce sont les îles Egadi. egali
Début d'après-midi, nous sommes épuisés. La Sicile apparaît comme une galettes archi-plate, les fonds remontent, la houle s'adoucit. Ouf, on peut respirer plus librement. Il est grand temps.
Nous avons choisi d'atterrir dans le port de Marsala (quelque chose de bon à boire et d'inconnu. Évocation qui nous réjouit. On fait ce qu'on peut pour garder le moral).  Il est 14h 15. On a parcouru 160 milles dont 6 heures au moteur. La dépression annoncée entre le Var et la mer Thyrénée fait toujours la pagaille dans notre zone. Nous nous sentons vaseux et déprimés. Deux jours à terre nous feront peut-être du bien.

Mardi 08/08/06
Marsala ne vaut pas le détour. La ville n'a de sympa que le nom. L'ambiance au port n'est pas souriante. Et c'est cher (41 euros la nuit pour nos 12m.) Il vaut mieux filer direct sur Mazara del Vallo. (Une dizaine de milles en plus vers le sud, si les conditions sont bonnes ça vaut le coup- c'est parti !). Nettement meilleur ici. Les marineros sont gracieux, disponibles et blagueurs. Le port est à 25 euros la nuit pour nos 12m. Souvenez-vous qu'en Italie, il faut choisir les ports de la Ligue Italienne. Ce sont des petits ports de plaisance financés par l'état. Ambiance associative. Equipe très professionnelle cependant. On adore. Une rivière entre dans la ville. C'est le monde de la pêche. Les chalutiers sont rangés très serrés, comme encastrés les uns contre les autres. Il semble qu'ils ne soient pas prêts à ressortir. Aucune activité. Beaucoup d'hommes sont à terre, ils sont par petits groupes, ils papotent... Personne ne monte à bord. Décontraction totale. C'est pourtant pas dimanche. Partout des panneaux signalent les dangers du Marrubio, une espèce de montée violente des eaux le long des quais. L'équivalent de notre mascaret, j'imagine. Il n'est pas recommandé d' accoster sur les quais de la rivière...marrubio

Le premier jour la dépression se précise, il pleut des cordes. Génial. On va rester là deux jours; Que du bon en perspective. Le ventre chaud de Lune de Miel, la douceur de la couette. Le bonheur de se dire qu'on n'est pas en mer.On se calfeutre à l'abri de la tourmente. Entre deux averses, on crapahute en ville. Le centre historique est magnifique. Les paroissiens de la cité fête Saint Vito le Patron de la Cathédrale. Une semaine festive. Dans les églises, de riches costumes sont exposés sur des cintres. Des robes longues satinées, joyeuses ; des diadèmes et des parures en toc ; fort brillant tout ça ; Des vraies tenues de théâtre. Les familles viennent là choisir leurs tenues pour les processions du soir. Cet espèce de marché aux parures est très étonnant à l'intérieur des églises. Les gens discutent, échangent des tickets, des vêtements. Les saints figés dans leurs postures sont bien les seuls à se recueillir. Chaque chose a son heure, dans les églises aussi ! C'est une grande fête qui se prépare et les pêcheurs jusqu'au 15 août sont en vacances... On se disait bien aussi que c'était pas normal cette mer désertique.

chalutiers

Vendredi, 11 aout 2006
Nouvelle navigation d'une trentaine de milles. Toujours au portant. On retrouve des conditions de croisière. La mer nous offre une trève de houle, et le vent est toujours là. L'idéal quoi ! On longe des kilomètres de plages. Au delà des villes, Des sommets arrondis se dessinent. Donc la Sicile n'est pas une galette. Le petit port qu'il ne faut rater sous aucun prétexte s'appelle Sciacca. Comme abri ça laisse à désirer. Orienté nord ouest, la houle entre à fond dans la baie; On se croirait au mouillage. Mais nous sommes solidement amarrés, en sécurité. C'est l'essentiel. Et puis, nous sommes aimantés par la ville. Le port, essentiellement de pêche, est au pied de la vieille cité construite sur une butte fort sympathique. Pour grimper dans le centre historique on prend par hasard un escalier qui démarre à travers une végétation sauvage très prometteuse. Plus on monte, plus l'escalier s'élargit, plus il est en ruine. C'est vraiment magnifique. Il passe à travers des murs délabrés envahis de jardins à l'abandon. Lauriers roses, bananiers, bougainvillers, tout ça enchevêtrés, plein de recoins obscurs, protecteurs... C'est tellement rassurant la nature qui reprend ses droits sur la pierre ou le béton. Une plate-forme ou l'autre nous permet une vue panoramique sur le port et la mer. 

sciacca
La rumeur citadine s'amplifie. Nous voici au sommet, au coeur d'une ville ancienne écrasée par les constructions modernes. Entre les murs de béton et les murailles de verre fumé, se cachent des murs antiques, pierres taillées qui s'effritent. Partout où nous posons pied, nous avons le sentiment que la Sicile est construite sur des ruines. On devine le faste d'un peuple qui a perdu de sa puissance. Chaque détour de mur cache une autre ville. On construit ici un affreux immeuble moderne entre deux murs de pierre finement décorés. Aucun souci d'harmonie. Pour nous, habitués dans les vieux quartiers de France à voir du vieux rhéabilité par le neuf, le coup d'oeil est dérangeant à priori. Pourtant, si c'était ça l'authenticité. Les nouvelles constructions en fibres modernes ont l'aspect d'aujourd'hui et voisinent les murs vieillissant qui font leur bel âge. Comme les vieilles gens, ils gardent leur place, restent comme témoignage. Moi, j'aime bien ça !

Samedi 12 aout 2006
Départ encore une fois aux aurores pour aligner une cinquantaine de milles vers le Sud. Direction Licata, si possible; un arrêt est possible à proximité de Agrigente. Les fanas d'archéologie trouveraient dans cette province de quoi fouiller et découvrir. Les artistes scribouillards pourrraient visiter la maison natale de Pirandello. Le port recommandé aux portes de la ville s'appellent San Leone. Mais nous le croisons vers 13 heures, trop tôt pour s'arrêter. Cap Licata, donc. La mer est très plate, et le moteur ronronne en permanence. On a levé la grand-voile pour exploiter le moindre courant d'air... Mais c'est une vue de l'esprit. On se maintient à 4 noeuds et demi. Pas terrible mais la mer est magnifique. Depuis le Cap Bianco, elle a pris des tons turquoises. Une nappe de brume découpe le relief. Rocailles pelées qui protègent de vastes plages de sable clair. Désert absolu. Vision de rêve.
La mer s'éclaircit de plus en plus, elle était turquoise, elle devient bleu ciel. Etonnant. D'un coup, la côte disparaît, nous naviguons dans une vraie purée de pois. La mer devient blanche. Ho, on dirait du lait ! Radar, radar, ne vois-tu rien venir ?
Y'a pas de porte pour entrer dans le brouillard. Nous en sortons aussi soudainement que nous y sommmes entrés cinq milles plus tard. 
Nous avons parcouru 48 milles (une heure de voile à tout casser). Licata est un immense port. On mouille cul à quai, ancre posée à l'avant. Nous sommes un peu sonnés par nos 12 heures de moteur... A priori, c'est une ville dans la tradition des villes du sud que nous fréquentons depuis quelques jours. Ruines, rues étroites et encombrées sans trottoir. Venelles tortueuses, surprise d'un escalier de mosaïques colorées au milieu des herbes folles. 
Petite ville intime et bordélique. Plutôt sympa. Y trouverons-nous de quoi envoyer ce message ?
 


Malte

 Estival / 4 Malte Lundi 14 aout 2006.

Nous quittons Licata toute endormie à 6 heures du matin. La nuit s'estompe pour faire place à une lumière voilée. Emerveillement fugitif. Il s'agit de prendre le cap, faut pas mollir, car le vent ne nous aidera guère. Moteur, moteur, moteur ... même si des courants d'air miteux nous permettent de maintenir une vitesse régulière à 5,5 noeuds sans rouler des mécaniques que l'on maintient à 1600/1800 tours. Largement suffisant pour nous assourdir les oreilles au bout de quelques heures. Si vous faites cette route de nuit, vous ne risquez pas de vous endormir. Le trafic est énorme. Nous croisons des tas de ferrys, cargos et autres navires qui font route d'Ouest en Est. Ça trompe la monotonie du moteur qui n'est vraiment pas distrayante. Nous ne pouvons pas non plus compter sur les prises de Laurent qui a replongé ses lignes dès le départ. Niet poisson.
Vers 18 heures nous longeons les premières îles de Malte qui se confondent depuis la mer, Gozo et Comino. Une salve de tirs nous accueille sous les falaises de Gozo. Surprise ! ça nous paraît bien de l'honneur mais pourquoi pas ? À y regarder de plus près, on a l'impression que des feux explosent dans le ciel. Un feu d'artifice à 5 heures du soir, en plein jour... Ils sont fous ces Maltais.
Laurent a décidé de mouiller sur la côte nord de Malte dans le canal entre les îles. Nous longeons des reliefs archi secs, caillouteux, désertiques, bordées d'immenses falaises. Mais plus nous approchons de la côte, plus nous sommes estomaqués. 
Approchez-vous de l'anse pour y mouiller. Êtes-vous certains d'avoir envie de vous y abriter? 

comino
C'est une zone de cabanons sordides, branlants et miteux envahis d'un peuple qui se marche les uns sur les autres. InouÏ. Changer de mouillage ? Trouver plus exotique ? Jetez un coup d'oeil circulaire, c'est partout la même côte. A l'arrière des terres, des chapelles, des cathédrales aux dômes colorés et immenses écrasent les immeubles populeux. Pas idéale comme vision mais on est saturé de nav au moteur. ok, restons-là ce soir. Il fera nuit dans deux heures, le mouillage est calme... Si les résidents de la zone s'agitent en soirée, nous avons des boules quies...
Lorsque la nuit tombe, de nouvelles salves jaillissent sur les sommets. Pas de doute, ce sont des feux d'artifice. A terre une multitude de braseros s'allument, ça crépitent aussi au sol. Des odeurs de grillades nous tombent dessus avec la brise de terre... Ouha, que ça sent bon ! Si c'est comme ça, nous aussi on va cuisiner à bord. Nous avons acheté un rôti avant de quitter Licata, des légumes frais... Des grosses aubergines rondes et violacées très tendres, des longues courgettes toutes maigres en forme de crosse au bout. Mitonnade de légumes frais en pespective !
Les familles qui festoient devant leur cabanon sont d'une discrétion remarquable. Pas un cri, pas une radio... Si ce n'était l'aspect délabré de la terre, ce serait un mouillage de rêve. Que nous réserve Malte ?

Samedi 19 août 2006
Côte ouest et côte nord. Les anses sont peu éloignées les unes des autres. Ce sont quelquefois de vastes baies, bordées d'immeubles dont on ne saurait dire s'ils sont en construction ou en démolition tellement les murs sont délabrés. Rien de fini, ça pousse n'importe comment, pas l'ombre d'une verdure, pas un arbre, rien que de la pierre en ruine et du béton qui s'effrite. Un peu à l'écart, quelques hôtels plus ou moins colorés, paraissent bien luxueux dans ces ensembles qui bouffent tout le littoral. Les plages sont bondées, bruyantes, tout s'y mélange... baigneurs hasardeux, plongeurs en tuba, scooter de mers, canots de pêche, hors-bords qui tirent des skieurs, des ballons qui planent, barcasses touristiques pleines à sombrer... Le problème c'est que les baies sont immenses mais rocheuses avec des parois à pic, les plages sont au fond et minuscules, vraiment saturées.


Dès 5 heures du soir, les plages se vident en une heure et là l'ambiance devient très sympa. Quand un bar à karaoké ou un dancing ne se met pas à hurler jusqu'à l'aurore. Les bars alternent les festivités, un soir karaoké dancing, un soir bingo... Le bingo est ici le sport intellectuel le plus prisé. Chaque soir, où qu'on soit si c'est à proximité d'une agglomération, on s'endort avec la litanie des chiffres annoncée en anglais... Pas pire que de compter des moutons ... L'une de ces anses très isolée de toute urbanisation est toutefois fort sympa. Paradise Bay. Hôtel de grand luxe à gauche avec l'embarquement des navettes pour les îles voisines. Falaise inaccessible au fond, et toute petite plage familiale à droite. Deux jours de plénitude totale, seuls dans le mouillage dès la fin de l'après-midi.
Les autres mouillages peuvent être très agréables à condition de se tenir loin des plages, des villages qui les bordent et des embarcations sur corps morts qui envahissent les fonds. C'est toute une science mais on capte vite, c'est une question de survie. 
valetta

Lorsqu'on approche de la capitale Valletta nos yeux se sont habitués à la vision déprimante des zup qui s'étalent à perte de vue. On hésite quand même à s'y arrêter. Mais on a grande envie de visiter. Quelle approche. La mer entre en méandres dans la terre, comme des lacs qui se seraient infiltrés dans la ville. On zone pendant deux heures d'une poche d'eau à l'autre en espérant y trouver un mouillage. Il y quantité de ports, de chantiers, d'ateliers, de corps morts...

Mouiller par là paraît bien hasardeux. Finalement, on trouve une place dans le lazaret de l'île Manoel. Au port, tout au bout du quai, loin de la ville sauf qu'elle sévit sur l'autre rive, la rumeur est acceptable.
Nous avons appris depuis, que les feux d'artifices sont une tradition "chrétienne". Une fois l'an, chaque paroisse fête son saint en grandes pompes. Vu la multitude de paroisses, de chapelles, d'églises et basiliques qui ont germé sur l'île, ça tire les feux de tous les côtés et tous les jours. Des feux qui ponctuent les différents moments liturgiques. Et ça commence aux matines... Ces explosions permanentes et régulières rappellent avec un réalise saisissant l'ambiance guerrière des temps anciens. Ici tout est imprégné de l'ancien temps. Des temps très reculés d'avant JC, du début du christianisme et des temps plus proches qui parlent fort de pèlerinages et de Princes chevaliers. 
Diantre, nous sommes à Malte !

Nous sommes restés trois jours à Valletta le temps de flâner dans la ville historique vraiment formidable. Le temps de louer une voiture pour découvrir l'intérieur des terres. C'est tout aussi délabré que la côte, peu de végétation, quelques terres qui tentent d'arracher des légumes rachitiques à la roche. Des routes défoncées que nous appellerions des chemins vicinaux. Nous sommes allés débusquer le plus haut village de l'île, (environ 230 mètres), rigolez pas, vu l'état des routes il fallait bien du courage.
Le tourisme intérieur est magnifique. Les villages ont des allures médiévales. Ils se protègent derrière de magnifiques remparts, et les églises et les chapelles se disputent l'histoire avec les ruines antiques. La vie quotidienne n'est pas coûteuse. On fait ses courses dans des petites boutiques. Les légumes sont vendus sur le bord des routes, des camionnettes qui se déplacent. Sorte de marchands ambulants. Il n'y a pas de grosses unités de pêche comme en Sicile. Juste des petites barcasses sur corps morts qui encombrent le moindre mouillage.
Si on veut manger du poisson ici, c'est de l'animal domestique. Les fermes sont installées le long de la côte un peu partout. Le moral de Laurent remonte illico, il ne s'étonne plus de ne rien trouver au bout de ses lignes pas même une petite poiscaille malodorante.
Mais pour les plasancieurs,  la vraie merveille de Malte ce sont les deux petites îles qui lui font face, Comino et Gozo. comino 2

Des petites criques peu fréquentées car bordées de hautes falaises. Quelques embarcations viennent mouiller là pour la journée, des promène- touristes aussi. Mais leur qualité à Malte, c'est d'arrêter de bosser à 16h30. Ils n'envahissent pas longtemps les calanques. A 17 h, les mouillages se vident et le soir nous restons deux ou trois bateaux pour garder le site. Il nous est arrivé d'être seuls avec juste les grondements des feux d'artifice qui pètent toujours quelque part.
Si vous rêvez de longues plages de sables bordées de cocotiers, c'est pas du tout par ici. 
Mais si vous rêvez de mouillages déserts, isolés, planqués derrières des falaises, aux portes de grottes étranges, alors c'est vraiment un endroit pour vous. Lorsque vous voulez revenir à la civilisation, l'encombrement de la ville, vous replonger dans votre passé historique, vous trouverez à Malte de quoi vous délecter. 

Il y a à Comino un site fantastique, Blue Lagon. On mouille à l'entrée de grottes mystérieuses. Moi, j'aime pas les trous sans fond.
Mais Laurent est un mec, donc curieux et aventureux... comme vous devez vous en douter.
- Allez, viens avec moi, on entre à la rame, ça craint pas. Que veux-tu qui arrive ?
- Je sais pas moi, une vague déferlante qui nous brise à l'entrée de la grotte, une brutale montée des eaux qui nous étouffe à l'intérieur..
- Pourquoi pas un monstre marin qui surgit tant que tu y es...
- C'est bon, je viens ramer avec toi, mais on reste à l'entrée, d'accord.
- D'accord !
Tu parles ! La lumière joue à travers la roche. Des reflets turquoises et dorés dansent sous les roches. Et tout au fond de cette chambre marine, une lumière... Donc on y va... J'aimerais mieux pas, mais bon, la curiosité, ça c'est moi aussi... Merveille des merveilles, on longe un couloir qui s'arrondit. Il y fait très sombre mais la lumière est au bout, nos rames grignotent les lignes qui dansent devant nous. Nous admirons les failles au dessus de nos têtes, les éclats mauves et carmins de la roche, et la lumière toujours qui nous guide sous une large voute de l'autre côté du mouillage en plein jour. Allez y dès que possible, c'est extraordinaires et c'est à Comino. Le soir vous serez tous seuls pour veiller sur votre ancre. 
Mais c'est à Gozo que je m'installerais et nulle part ailleurs. 
Il y a sur cette île un endroit caché derrière un énorme rocher, joli rempart contre la mer, qui cache une anse magnifique.

djewdra
Un véritable amphithéâtre. Dwjedra Bay. Le soir nous étions deux voiliers dans cette immense marmite. Lorsque la nuit est tombée, assis sur la plate forme, à l'arrière de Lune de Miel, nous sommes restés Laurent et moi, seuls sous les étoiles. C'est ce qu'on croyait. Dans notre abri, la nuit était dense. Soudain des sons étranges ont circulé entre les failles des falaises. Des cris, des chants, des plaintes ?
- C'est quoi à ton avis ?
- Des chats peut-être, on dirait des cris de matous
- Et comment des chats survivraient-ils perdus au milieu de l'eau et coincés dans ces failles ?
- T'as raison, c'est trop violent, trop rauque.Écoute, Il y a d'autres cris, comme des vagissements de bébés... C'est peut-être une nurserie de sorcières. D'ailleurs on les entend voler sur leur balai.
- Mais non c'est pas des sorcières. Cherche pas. Ce sont des chats qui huent. 
- ?
La stéréo était parfaite et nos oreilles suivaient chaque déplacement. Les cris aigus appelaient les cris rauques. Les appels angoissants répondaient à des chants torturés. Ça fusait d'une paroi à l'autre, ça s'interpellait et même des fois on aurait dit que ça s'énervait. Et ça recommençait à geindre. Un espace bien étrangement habité. 
C'est la nuit des chats qui huent sur leur balai. Et c'est à Malte.

Mardi 22/08/03.
Ce soir nous nous abritons à Meliha bay car le vent de nord ouest sévit à nouveau et nous amène une houle pénible à Gozo. Demain, retour vers la Sicile, une soixantaine de milles, au moteur vraisemblablement. 
Ensuite nous remonterons par la côte Est.
J'aimerais tant voir syracu..U..u..se...!
C'est de là bas que je souhaite expédier ce message.
Reparlons-en dans quelques jours. En attendant. Salut à vous tous, à vous toutes et à chacun pour soi.
Janou B


Syracuse


J'ai quelque chose de fantastique à vous dire.
Ceux qui me connaissent bien pourront mesurer l'importance incroyable de cette nouvelle. Replongez vous dans l'ambiance. Des mouillages magnifiques protégés derrière des abris rocheux. La sérénité totale, des eaux translucides, couleur lagon... lisses comme des piscines... Me voyez vous venir. Si, si si, Hé ben si, je l'ai fait. Je me suis souvent promis que je tenterais tout pour me lâcher dans la flotte. Je crois vous avoir raconté les multiples tentatives à partir de l'échelle de bain pour hésiter, frissonner et entretenir ma panique pendant de longues minutes pour finalement craquer, me tremper l'arrondi des fesses et remonter vite fait me doucher... Non décidément ce n'est jamais le jour et mon maillot de bain depuis 10 ans n'a pas eu beaucoup d'usage. J'avais simplement depuis les Antilles abandonné tout espoir de nager un jour dans l'eau de mer depuis le bateau. Les occasions étant idéales aux Caraïbes, le temps était passé. 

Un matin je me suis réveillée ici avec la certitude que j'étais prête.
- T'en dis quoi Laurent, si je me jette dans l'eau, aujourd'hui ? Tu restes à côté au cas où ça se passerait mal ?
Vous auriez vu la tête de Laurent. A la fois réjoui, dubitatif et consterné. Et je le comprends car si je panique, il est sûr d'être noyé avant moi. 
Donc il se gratte d'abord les cheveux, avec l'air de quelqu'un qui se demande s'il doit me prendre au sérieux.
- Si j't'assure, je me sens bien aujourd'hui, faut que je tente quelque chose.
- D'accord mais tu prends un gilet de sauvetage.
- Pas question, tu sais bien que je déteste ça. Cet engin me retourne systématiquement sur le dos, et je ne supporte pas ça. 
- Bon alors la bouée fer à cheval.
- Top là pour la bouée...
Me voilà toute impatiente d'un coup.
ja nageOh là là comme c'était bon. appuyée sur la bouée, je me suis laissée dériver en barbotant comme Dorine dans sa piscine de bébé. J'ai fait quelques brasses pour revenir vers le bateau. Un peu prisonière de ma bouée tout de même... Mais je me suis sentie merveilleusement bien dans l'eau pour la première fois de ma vie.
ET POUR LA PREMIERE FOIS DE TOUTE NOTRE DÉJÀ  LONGUE VIE, Laurent et moi nous avons fait ensemble le tour du bateau, sans pause en plus... 
La deuxième étape est plus laborieuse. Laurent à proxité garde la bouée contre lui. Et je me lâche de l'échelle (sans hurler, si si c'est vrai !), je rejoins Laurent, et je reviens à l'échelle. Bon d'accord, ma brasse et laborieuse et chaotique, mais je me suis dépatouillée toute seule et sans bouée, SANS UN CRI, sans une larme.... Rien que de le raconter, j'en transpire encore. Mais ce qui est inespéré, c'est que j'ai envie de recommencer... 
C'est pas beau ça comme nouvelle...
Revenons à nos navigations, c'est ça le plus important pour vous, je le sais bien. 

Cap sur la Sicile, une soixantaine de milles au moteur, 12 heures, c'est pas l'idéal mais c'est comme ça. C'était le vent prévu 5 à 10 noeuds mais pas dans le sens prévu par la météo; il ne nous aidait guère. Première nuit dans un mouillage sympa derrière le cap Pasaro. 
Et enfin, cap sur Syracuse.
La baie est immense, à vue de nez (?) plus de 3 km de profondeur. On mouille à moins de 5 mètres de fonds, l'eau est d'un vert tendre, c'est sûrement du sable. Je lâche 25 mètres de chaîne, un si bel ocre, ça m'inspire de la sécurité et un peu de décontraction, c'est tout nouveau.  Génial le mouilage. Nous sommes trois bateaux à large distance les uns des autres. Pas d'évitage à craindre ici. A droite un modeste chantier naval, à gauche des marais, au fond une base militaire barrée par toute une armada de flotteurs sur chaine. Zone interdite. Nous n'avons jamais eu l'esprit plus tranquille que ça dans un mouillage inconnu. 

mouillage syr

Vendredi 25 aout 2006
La météo annonce plusieurs journées estivales, brises côtières. Nous avons passé une nuit idéale dans un mouillage d'un calme remarquable, avec les lueurs de la nuit qui tombe sur la ville. Formidable. Syracuse tient ses promesses. On se lève le coeur en fête. Nous sommes au top pour une longue flânerie en ville. Notre errance nous promène dans les sites archéologiques. Entre les colonnes des temples, on écoute les cris des taureaux sacrifiés, on frémit pour les gladiateurs qui s'entretuent dans le théâtre... Archimède sort de sa tombe pour nous expliquer une machine infernale. Artémis ne sait plus si elle est Diane, ni qui est son père. Apollon règne en patron sur la ville. Une brise sympathique à l'abri des arbres centenaires, de bon augure pour les prochaines navigations. Journée extraordinaire ! On en a plein les yeux et plein les tongs... Vivement la fraîcheur du mouillage car décidément la brise paraît bien soutenue...
Au débouché du quai, ma casquette s'envole, le vent nous coupe le souffle. Vision grand angle de la baie dévastée par la houle. Des creux d'au moins un mètre déferlent à travers tout le mouillage et ça souffle méchamment. 
- Laurent, tu vois Lune de Miel ?
- Non, pas pour le moment. C'est bizarrre, tu vois aussi 3 voiliers sur l'autre bord de la baie, vers les marais ? 
- ????
- On n'était pas si loin tout de même...
On scrute, On se décale, on force nos yeux à voir... Bien obligés de se rendre à l'évidence avec un coincement épouvantable à l'estomac. 
Lune de Miel, s'est fait la belle. Quel choc !
D'un coup une hallucination. Tout au fond de la baie, au delà des flotteurs militaires un voilier blanc, minuscule de si loin, al'air de se dandiner...
- C'est lui là-bas tu crois...
- Merde, il a été projeté contre la digue des militaires...
D'un coup la vie s'accélère. On ne réfléchit pas longtemps. Récupération de l'annexe, bien piteuse elle aussi d'avoir été malmenée contre le quai. 
Je décide de partir à pieds pour pas alourdir le canot et aller sonner à la porte des militaires et solliciter leur aide. On est sur leur territoire après tout. Et ils doivent être bien équipés. Surtout qui je monte à bord de l'annexe avec Laurent, telle qu'elle est chahutée, balancée contre le quai, on est certain de chavirer tous les deux aussi sec... si j'ose dire !
Une fois assurée que Laurent est en sécurité dans l'annexe, je cours vers le bout du quai. Hélas, c'est un cul de sac au niveau du chantier et ça ne communique pas avec le fond. Il me faut faire un grand détour avant de tomber sur des humains de l'autre côté du chantier. Du coup je me suis rapprochée de la zone militaire et j'ai une meilleure appréciation de la situation pour Lune de Miel. La vision  est rassurante. D'une part, Lune de Miel a été arrêté dans sa dérive juste derrière les bouées, (donc il n'est pas entrain de se fracasser contre le mur) d'autre part, il se dandine sur la houle, donc il flotte.  Les pêcheurs, les ouvriers des ateliers voisins, y'a un monde fou qui disserte lorsque je me pointe. Ils me regardent avec des sourires goguenards... Pas un ne parle français. Le chef du chantier naval vient vers moi. Il propose de téléphoner aux gardes-côte qui rappliquent une heure après en voiture. Pendant ce temps là, je ne quitte pas Laurent qui patine et se débat contre la houle pour arriver au voilier. 
Ouf, je le vois enfin sur le pont de Lune de Miel. Il plie d'abord le taud qui vole dans tous les sens et ça fait vraiment pas sérieux; ensuite il décide d'aller mettre une amarre sur le quai des militaires, histoire de s'assurer que le voilier n'ira pas plus loin. Il est désespérément tout seul contre les éléments. Je ne peux pas le rejoindre car il n'y a pas d'accès possible au milieu de ce petit bassin réservé. 
Plus d'une heure est passée. Les militaires sont venus parlementer avec Laurent qui piétinne et patine sur la mousse humide de la zone interdite. Les garde-côte enfin se pointent et me font comprendre qu'ils ne peuvent rien faire mais ils observent et commentent par radio... Une espèce de jeep "polizai" se pointe. Deux hommes à bord en civil. On s'explique en italien.. (?). Je comprends que l'un d'eux me dit.
- Il faut utiliser deux grosses unités pour tirer le voilier de là. Et pour nous ce n'est pas possible. 
S'il me propose autre chose, je n'ai rien compris. Ah si, le chef garde-côte en partant qui me dit, "si vous avez un problème appelez-moi" et il me laisse sa carte de visite. Un gros monsieur en costume qui parle anglais m'explique qu'il est "brooker maritime". Il a ce qu'il faut pour nous tirer de là, pour un bon prix (bon pour qui ? je ne maîtrise pas assez l'anglais pour le savoir), appelez moi demain matin. Il me laisse sa carte de visite.
echoueLa nuit tombe. Laurent a stabilisé le navire. Il est venu nous rejoindre. Il est trempé, nerveux, malheureux.
Il ne reste sur le quai que nous et des pêcheurs facétieux qui ont l'air de trouver ça comique et plus passionnant que la pêche. On nous présente Erwan, un Français qui bricole sur son bateau dans le chantier. On boit un thé avec lui. Il nous offre des gâteaux bretons. Quel réconfort. Il nous présente Massimo. Un brave gars d'ici... qui ne parle que l'italien! Le vent tombe d'un coup, la mer s'applatit. Il fait nuit mais Massimo retourne à bord spontanément avec Laurent pour essayer de "voir" en plongeant. On suppose que la quille s'est prise dans la chaîne des flotteurs militaires, car Lune de miel danse toujours sur place. Au toucher rien ne coince notre navire. Les deux hommes viennent me chercher. Jusqu'à 10 heures du soir, nous avons fait un millier de tentatives pour faire bouger le bateau, on n'y comprend rien. Il est envasé d'au moins 40 cm ça c'est sur mais rien ne le coince. L'amarre qui doit faire gîter le voilier sur une énorme bouée à moitié coulée, est à 300 mètres mais on est en bout de course de la drisse. On essaie en portant une amarre latérale d'accentuer l'effet de bascule. Toutes voiles déployées sous un pet de vent... Moteur à plein régime. Massimo a mobilisé un vieux pote à lui pour nous aider. Mais on ne progresse guère. Avec le guindeau on tire comme des malades sur les amarres qui se tendent au seuil d'éclatement... Si ça nous pète à la tête, on va se retrouver décapité, défiguré, lobotomisé... 
Massimo et son ami paraissent optimistes, on comprend que l'un évalue en 4 heures notre progression vers la sortie de 5 mètres... Laurent et moi on ne rigole pas, on penche hélas plutôt vers 5 cm... ou 5 mm. Deux heures du matin, l'heure est à la déprime. Le navire ne se sauvera pas. Demain, on peut envisager d'installer en haut du mat un cordage assez long en le montant sur une poulie. On attendra que la marée monte (dans la nuit on a perdu 20 cm d'eau...) Peut-être aussi que le vent nous aidera... Et puis demain, il fera jour! Finish nous annonchent les deux italiens épuisés. Je passe une nuit épouvantable sur la couchette du carré, je suis incapable d'aller m'allonger dans la cabine. Laurent plus fataliste dort comme un loir à l'arrière. 
Réveil aux aurores. Nos tentatives pour faire gîter le bateau sont toujours aussi nulles. Quel cauchemar, je n'ai jamais vu bête plus obstinée que ce navire qui refuse de bouger. Laurent décide de récupérer son amarre raboutée de plus de 100 mètres pour faire réussir notre tentative de gîte. Le responsable de la base militaire l'appelle depuis sa clôture. Laurent va le rejoindre en annexe. Quelle chance, il compatit en français mais ne peut rien pour nous. 11 heures du matin, la mer monte. Laurent quitte la zone militaire en annexe avec l'amarre qui doit nous sauver. Y'a du boulot en vue... Deux vedettes de la police se pointent à toute allure. Le même mec que la veille dans l'une. Quelques mots en anglais pour nous dire qu'ils prennent les choses en mains. A partir de là, c'est magique, même pas dix minutes. Ils ont les moyens de nous faire gîter. Et de nous faire glisser. 
Il me faudrait 10 pages pour vous raconter les détails de cette épopée. 
Donc ce qu'on sait aujourd'hui c'est que le mouillage est envahi d'herbes tendres (c'est un ancien marais), d'où sa couleur très pâle qui m'a fait penser à du sable, qu'il faut mouiller à plus de 8 mètres de fonds, là où il n'y a plus assez de lumière pour ce gazon maudit. Ce qu'on sait surtout, c'est que pendant notre absence le libeccio s'est levé d'un coup imprévisible comme toujours et qu'il a envoyé des poussées de sud ouest entre 30 et 40 noeuds ce jour là. Les deux autre voiliers ont décroché aussi, mais comme les occupants étaient à bord...
Remarquable : Une fois le sauvetage effectuté, le chef de police a demandé à Laurent de le rejoidre dès notre mouillage posé correctement. Aïe, combien ça va nous coûter et on n'a même pas eu le temps de prévenir l'assurance... C'était un dimanche. 
Laurent part seul pour négocier... Dixit le chef de police : "J'ai besoin des papiers du bateau et des vôtres pour rendre compte de notre action. Vous ne nous devez pas d'argent. On a fait notre boulot. Ecrivez juste aux autorités italiennes (on lui glisse trois adresses à contacter) pour remercier officiellement".
On nous demande juste de la reconnaissance adminisrative. Pas question d'argent. Première fois que nous voyons ça et c'est en Sicile... Une bonne claque aux mauvaises langues qui dénigrent cette belle île et je m'en réjouis. D'ailleurs c'est moi qui ouvre la bouteille pour fêter ça. 

Lundi 28 aout 2006
Tout est rentré dans l'ordre. Le libeccio n'a pas refait des siennes. On sait qu'il se lève avec la brise de terre vers 13 heures donc on reste à bord l'après-midi; ce n'est pas plus mal, car c'est le moment le plus chaud de la journée. Nous sommes remis de nos émotions et pas rancuniers. Syracuse nous enthousiasme. syracuseLa vieille ville est un trésor aligné d'architectures gothiques, baroques... antiques. Les gens sont calmes, sages. On s'y sent en toute sécurité. Encore un endroit où j'aimerais vivre.
Demain on entame notre remontée vers le nord, direction le détroit de Messine. Je dois être à Velaux le 15 septembre. On arrive sans se presser. Si je peux je vous enverrai un nouveau message avant Messine.

 

Messine-îles Éoliennes

 
Éstival 2006 - n° 6 Mardi 29 aout 2006.
 

Bilan de notre échouage:
Nous déplorons la perte d'une amarre neuve et d'une écoute de spi, qui ont coulé quand les policiers italiens nous ont si sauvagement fait gîter par surprise. Nous laissons derrière nous Syracuse, ses soirées gustatives au resto (car on avait besoin de se refaire un moral) et ses envoûtements.
Nous montons vers le nord de la Sicile. Première étape prévue à Cadena envrions 40 milles avant de se poser 25 milles encore au nord à Taormina pour réfléchir à notre passage de Messine.

dauphinsEn quittant Syracuse, dauphins encore dauphins. Quelle merveille de bestiaux !

Bientôt la silhouette grise de l'Etna déchire les nuages. On trouve un club nautique juste sous le volcan. Cadena, pas question de s'y éterniser. C'est sinistre. Le quartier du port est dégueulasse. La ville se délabre franchement. On ne sait pas pourquoi partout (la vieille ville de Syracuse souffre du même mal) les murs se couvrent de larges auréoles noires comme une maladie de peau incurable qui mangerait le derme. Bien dommage car ce qui résiste des monuments anciens est aussi de très belle architecture. Bien déprimant tout ça. Ici aucun effort de réhabilitation n'est tenté. On zone entre ruine et délabrement. C'est aussi la première ville de Sicile où nous rencontrons des immigrés noirs ou pakistanais pour la plupart... 
On est dans les quartiers nords de la Sicile, ça se confirme. 
Un jour plus tard, 25 milles plus tard, Taormina ! Une vaste baie, une belle zone estivale avec toujours l'Etna qui domine de sa sombre silhouette. Les roches de lave qui bordent le mouillage ont de drôles d'allures. Ici commence une végétation luxuriante. Tout autre chose et bien plus plaisant.

Notre première idée est de passer le mythique détroit de Messine et s'arrêter juste après pour reprendre nos esprits. Nous avons passé de longs moments de navigation à interpréter les marées, à faire des graphiques, à calculer le "meilleur moment". Mais c'est très flou tout ça pour nous. 
En gros, notre route sud/nord est la moins favorable. Et c'est vrai. Quel que soit le moment, nous avons presque toujours un courant contraire. Heureusement ce jour, il est modéré mais nous fait perdre jusqu'à trois noeuds. Heureusement que le vent nous porte. Avant Messine, c'est assez génial car le vent n'a pas encore tourné, la mer est plate et on avance à 6/7 noeuds au bon plein. Le passage en S se devine et je nous vois le passer comme une lettre à la poste. Laurent qui a renoncé à ses lignes de pêche chantonne dans sa barbe "allons à Messi.. neuh...  pêcher la sardi.. neuh.. ."
Le vrai danger est au niveau de Messine, une procession de navettes, cargos, tankers... Italie/Sicile qui traversent en permanence et dans les deux sens le redoutable détroit. 
Juste après Messine, le vent tourne et on doit passer en tirant des bords. On n'en finit plus de se rapprocher de cette porte étroite. Le goulet, Thyrénée/Ionienne, fait à peine un mille de large. C'est assez étonnant. On avance petitement, vitesse spido 8 noeuds, vitesse réelle 5 noeuds, moteur à 1500 tours.. On a trois heures de marée avantageuse. Il faut absolument passer pendant ce moment.
Il est 15 heures quand enfin on est de l'autre côté du miroir.
Le stromboli apparaît comme un gros gâteau au chocolat sorti encore fumant du four. Les îles éoliennes nous font de bonnes promesses, surtout que le vent redevient favorable et qu'on devrait vite échapper au courant qui nous contrarie de ce côté là. Basta pour Vulcano moins connu donc plus calme à priori... Les îles éoliennes pour nous sont peu fréquentées mais les Italiens, ils adorent. Le tourisme local y est déchaîné. 
Le mouillage de Vulcano est magnifique au pied du volcan. Mais les navettes font la queue pour s'y amarrer et on est secoué comme des pruniers par tous ces va-et-vient. L'une d'elles nous épate. Elle est posée sur ses pattes comme une énorme araignée d'eau ... Elle glisse à une vitesse folle. Quand elle ralentit, les pattes s'enfoncent dans l'eau et le bateau avance normalement. Moins rigolo, les émanations de souffre. C'est insoutenable.
Samedi 2 septembre 2006
Laurent a pêché un ENORME thon germont avant d'arriver à Vulcano.thon
Orgie de poisson pour quelques jours. J'en mets plein au sel, aïoli prévu à Velaux dans quelques semaines. Chiche les enfants ! 
On quitte Vulcano avec un mal de crâne atroce, est-ce l'abus de rosé pour accompagner le thon ou le souffre du volcan qui nous monte à la tête.
C'est malsain ici, cap sur Lipari. Génial Lipari. Une grande ville très coquette. Archi-touristique mais moins bousculée que Vulcano. Il y a beaucoup plus de places. Je vais essayer de vous envoyer ces deux messages d'ici.

Prochaine étape Capri. Dès que la météo nous sera favorable. 
Bisous à toutes et à tous.

Janou B


 

Capri-Pontines

  Estival 2006 - n° 7

lipari

Dimanche 3 septembre 2006

Nous quittons à regret le petit port si accueillant de Lipari. Nous quittons les îles éoliennes pour Capri, 130 milles de navigation. 
Nous savons que nous avancerons au près serré. Le vent est annoncé force 2/4, c'est une bonne route qui nous attend. Toute la journée nous alternons voiles ou moteur, voiles et moteur... Finalement, nous décidons de tirer un bord franc vers l'Italie, ça nous détourne de 30 degrés mais nous "fonçons" à plus de 6 noeuds. La VMG prend un coup de fouet, on gagne deux heures sur la prévision d'arrivée... 
Dans l'après-midi, je suis scotchée sur le bord du voilier, j'admire un arc en ciel qui défile dans le rejet des eaux du moteur. D'un coup j'hallucine.
- Laurent viens, voir ça c'est inattendu !
Laurent arrive, se penche par dessus la filière.
- Regarde, juste dessous, des gros champignons qui se laissent dériver entre deux eaux. Tu crois qu'il y a des champignons en pleine mer ?
- Faudra en parler à nos amis cévenoles, mais je crois pas. C'est peut-être un cargo qui les a perdus.
- Incroyable, t'as vu la taille du chapeau.
De belles couleurs brillent sur le dessus, lumineuses que la mer enrichit. Un brun doré qui s'ourle de grenat. Des jaunes brillants comme des paillettes d'or. Pour être si beaux, ils sont probablement vénéneux ces champignons.
Laurent me tire de mon observation béate.
- T'as vu, tes champignons, ils ont des pattes.
N'empêche que si les tortues nous avaient dépassés au lieu de nous croiser, j'en connais un qui se gausserait pas tant que ça.
Fin de soirée, le vent se détourne, pétole, moteur...

mer nuit
Je suis en pleine forme et je prends le premier quart vers 22 heures. La lune est déjà haut dans le ciel. Son bel éclairage éclabousse la mer. Elle a éteint la plupart des étoiles. Elle habite tout le ciel. Sa lumières est géante. On ne croise pas un chat. Le ron ron du moteur à 1500 tours, la mer toute plate qui étincelle, l'etouffement sourd des vagues à l'avant du bateau. Comme sur la plage par beau temps. Elles donnent l'impression de s'affaler d'épuisement sur la coque. A l'arrière l'écume phosphorescente de notre sillage, vert, bleu ou jaune ? Magnifique. Le souffle mouillé, intime des vagues qui se brisent sur les deux bords. Quelle plénitude.
A deux heures du matin, je prends un nouveau quart, juste avant que la lune se couche. L'horizon lui a ouvert une parure rose et orange qui illumine notre route. Et la lune se laisse glisser mollement dans ses draps pendant que moi, je marine dans ma polaire, car il fait frisquet. A l'horizon, les draps se referment, la nuit devient grise. Les étoiles peuvent enfin sortir du néant. Je repère mes lignes familières d'un éclat à l'autre. Des étoiles filantes fusent et disparaissent. A chaque fois, un choc, un émerveillement. 
Je repense à mon dernier coucounet, encore sous le choc de Syracuse, je n'avais rien d'autre dans le chou. Vous ai-je dit qu'avant Vulcano nous avions fait une étape à Milazzo. Ben oui, parce que je ne l'ai peut-être pas précisé mais à la sortie de Messine, le courant contraire nous a durement frappé. Nous avions 15 milles à faire, que nous avons parcouru en 5 heures. Arrivée de nuit à Milazzo, avec l'idée de s'abriter au port, de nuit c'est plus sage quand on arrive en terrain inconnu. On repère de très loin une immense raffinerie construite sur la mer. Chaque citerne, chaque cheminée est enguirlandée de lumières du haut en bas. Une véritable ambiance de Noël. Comme il fait nuit on ne voit pas de fumée, pas la triste allure d'une usine, on est bien surpris par cette forêt éblouissante. Le port est juste après. On y entre avec précaution, ça circule dur dans le passage. Cargos, tankers, navettes inter-îles... Quelle circulation et que des gros bâtiments. Le port est très mal éclairé. On y va sur la pointe des pieds. Où diable se trouve le port de plaisance. Ah, voilà, une dizaines de mats bien alignés. Approchons nous, oh merveille une immense place le long d'un "catway" et deux mecs qui nous attendent. Bien plantée à l'avant du bateau prête à leur balancer mes amarres, je baragouine en anglais que nous arrêtons seulement une nuit.
Impossible, Ils attendent un yacht à cette place. Le port est complet, qu'il me rebaragouine en anglais aussi approximatif que le mien. Où peut-on aller ? De l'autre côté, au mouillage sur ancre, c'est la seule solution ! Ecoeurée je repose mes amarres et réintègre le cockpit pour une concertation d'urgence avec Laurent. On zone une bonne demi-heure dans l'obscurité redoutable du port entre les entrées et sorties des gros navires. Finalement, nous repérons juste après la digue du port, un petit mouillage de corps morts. Nous nous y encastrons. Heureusement le vent est nul, il n'y a que la houle des ferries qui nous perturbe. Sur le quai de gauche une araignée de mer attend l'aurore pour reprendre du service. Sur le quai de droite un énorme ferry ronronne comme un matou géant. La nuit sera calme cependant. Même si on se lève trois ou quatre fois pour s'assurer que tout est en ordre lorsque le passage d'un gros navire nous réveille en nous secouant. 
A 7 heures du matin, nous sommes pressés de quitter cette zone peu reposante. Avec quelques regrets cependant, le fond de la baie, au dela du port promet une ville fort sympathique. Mais il faut aller mouiller ailleurs alors autant faire quelque milles (5) et changer de site, choix de Vulcano, dont je vous ai déjà parlé. 

Et Capri dans tout ça.

capri
Capri ça jette. Révolution complète de notre vision des îles éoliennes. Ville discrète, tourisme de haut vol, boutiques de luxe. Capri, de la mer, c'est comme une montagne qui se serait fendue en deux, la ville s'est construite depuis les hauteurs jusque dans le creux du vallon. Tout y est opulence. Les habitations, les hôtels, les arbres, les fleurs... C'est aussi l'île du silence. Tout le service se fait par engins électriques, livreurs, facteurs, bagagistes... Nous nous sommes offert une chouette déambulation dans la vieille ville, sur les hauteurs, gentiment portés là haut par le funiculaire. J'ai adoré, pour y passer un moment de détente totale. Je n'aimerait pas y vivre, cette vie feutrée, ce luxe, toutes ces facilités à la longue doivent peser. Evidemment le mouillage est du même topo et les yachts qui mouillent ici ont des allures phénomènales. Bien heureux que nous y soyons tolérés. 

Mardi 5 septembre 2006
Capri se perd très vite dans la brume épaisse d'une belle journée qui s'annonce. 22 milles en vue, cap sur Ischia, mouillage de San Angelo. Encore une merveille où Lune de Miel pose son ancre solitaire. A mi-chemin entre Capri et Ischia, perte de réception du GPS. Le GPS portable de secours, affiche la même défaillance, niveau de réception insuffisant. Donc nous ne sommes pas en panne. Nous sommes bien surpris tout de même car ça dure une bonne vingtaine de minutes et comme nous sommes à l'avant d'une large bande de brume ça n'a rien de rassurant. Connaissez-vous ce phénomène ? 
A propos de problèmes, Laurent a profité d'un mouillage en eau claire pour aller inspecter la quille du voilier. Suite à sa cure de boue, au pealing qu'il a subi dans le marais de Syracuse, toute la peinture a été poncée de très près jusqu'à l'epoxy, sur environ 40 cm, jusqu'à l'alu à l'arrière. Bon on rentrera comme ça. C'est un moindre mal, une sortie au port à sec était prévue cet hiver, ça fera partie des travaux envisagés.

Jeudi 7 septembre 2006.
8ème repas de thon, et c'est toujours un régal. J'ai improvisé du fenouil aux citrons confits pour changer un peu.Ca mouille le thon agréablement et c'est très goûteux. La météo affiche toujours du Nord ouest, quasi nul. Nous renonçons à l'idée de rentrer par la côte italienne. Les îles se dévoilent à profusion et elles sont magnifiques. Nous réfléchissons à une modification de parcours. 
Nous sommes à Ponza depuis hier. Cette ville nous enchante. Autant profiter de cette météo clémente pour vivre à terre, un peu. Dès que le vent passera à l'est, samedi ou dimanche, nous aimerions quitter les îles pontines pour prendre le cap des îles toscanes. Mais rien n'est certain. C'est toujours la météo qui décide pour nous. 
Anecdote pour finir. Nous gardons le thon qui reste au sel, donc en venant ici Laurent a remis ses lignes à la flotte, il ne peut pas s'en empêcher. A mi-parcours nous avons croisé l'îsola di San Stefano, encore un panier de belles images... de près c'est toujours mieux.
- Dis Laurent, t'as vu les marques spéciales un peu avant d'arriver ici, y'en avait deux dans la direction du port.
- Oui, mais je ne les ai pas vues sur la carte, elles doivent concerner la navigation à l'entrée de la ville, nous on passe derrière l'île, on s'en fout...
Donc on se rapproche des rochers. On est au moteur, c'est pétole, autant en profiter pour faire du tourisme. 
On voit soudain foncer sur nous un canot de garde-côte. Laurent leur fait de grands signes pour leur montrer sa ligne; franchement y sont pas un peu cons de passer si près, comme s'il n'y avait pas assez de place en mer... Laurent mouline sa ligne arrière le plus vite qu'il peut. Il me fait signe de laisser celle de tribord. Elle est plus courte et doit leur permettre de passer. Ils sont presque à notre niveau, ils ralentissent... trop tard... Ils calent. L'un ou l'autre se penche à l'arrière du canot, ils fulminent en italien. Nous on ne rigole pas, ils pourraient nous entendre et mal le prendre. Mais on se dit que c'est bien fait pour eux, ils avaient qu'à aller jouer plus loin. Finalement leur moteur se remet en marche et Laurent a rangé sa ligne qui semble n'avoir pas souffert. (ouf, encore un rapala qui a eu chaud !) Les gardes par gestes (ils sont trois) nous font comprendre qu'on navigue en zone protégée donc interdite à la circulation et... à la pêche. Je claironne bêtement : "mais c'est même pas signalé !"
Trois doigts tendus au large montre l'ombre d'une bouée qu'on devine à peine, que j'avais prise pour un voilier lointain... Derrière ça il faut passer... On s'excuse mollement, on se décape. Au revoir Messieurs, merci messieurs.... 
On attend que le canot disparaisse derrière les rochers pour remonter la ligne tribord qui a échappé à leur vision perçante. Et qu'y trouve-t-on, une belle daurade coriphène morte d'épuisement... Ça c'est un morceau de dégustation. Le goût de l'interdit, vous connaissez ?
Un vrai bonheur de naviguer avec Laurent.

A presto ! Janou B


Elbe-Toscane

     Estival 2006 : N° 8 - Elbe Toscane

phareSamedi 9 septembre 2006. Une petite course digestive, 9 milles de plaisance. Après une pause de toute beauté dans un vaste cirque de falaises, site parfaitement sauvage et isolé, (Isla della Parmorala). Faut quand même se souvenir que nous sommes en vacances et qu'on peut aussi prendre le temps de s'arrêter. Avec encore du bonheur plein les yeux. La lune apparaît au dessus des falaises, elle frôle le mas du seul voilier qui partage cette belle calanque avec nous. S'y pose quelques instants, "comme un point sur un i". La nuit est tombée et l'ombre rapproche les falaises. Toujours cette impression à laquelle je ne me fais pas. Il est temps d'aller au lit. Surtout que demain c'est 125 milles qu'il faudra dérouler de notre corde à noeuds. C'est décidé nous ferons route par l'archipel Toscan. Aussi touristique et prestigieuse que soit la côte, l'idée de replonger dans la folie urbaine nous dérange vraiment tous les deux. Naples, Rome, tout ça... on se dit qu'on peut le faire en train, ou en moto... Vous croyez pas ?
Je crois bien que nous ne respectons guère notre programme de vacances. Nous avions parlé d'aller en Tunisie et nous y tenions. Mais une fois arrivés en Sicile, nous nous sommes rendus compte que nous avions oublié nos passeports. D'où les modifications de parcours vers Malte. 
Les îles donnent une idée de l'Italie que nous n'avons pas envie de quitter. Les gens sont souriants, on se sent en toute confiance. Rien n'est sous clé, les commerçants sont honnêtes. On ne s'y sent pas surpeuplé. Notre seul regret, c'est la pénurie de chocolat et de bon fromages coulants. Peu de choses en somme. Surtout qu'il y a beaucoup d'autres saveurs, inhabituelles, et fort goûteuses pour compenser. Rien que la diversité des pâtes, un vrai festival. Quant aux antipasti, on s'en met plein la dégustation. Le vin aussi est fameux, (celui de Sicile a été une bien heureuse découverte) et bien entendu les incontournables pizzas dont nous avons revisité les saveurs et les couleurs. 
Une navigation de 24 heures sans histoires, alternance voiles et moteurs. La routine quoi. Peu de trafic en mer. Lorsque le soir arrive, les lumières de la côte italienne (à plus de 20 milles) nous offrent une nuit très vivante. Vers midi, allo ? ça tombe bien, une daurade est en ligne pour Laurent. Le délice de la mer, qui se fait décidément bien généreuse ces temps-ci.
Notre première étape en pays Toscan est GIGLIO, calla della allume. Encore un magnifique mouillage très tranquille et de toute beauté au milieu des rochers et des falaises. Dans la journée des canots s'éparpillent dans la calanque. La chasse aux oursins est ouverte. Fin d'après midi, avec l'annexe on s'offre de beaux détours à travers les roches affleurantes. Safari photo. On repère un insecte qui se débat tristement sur la surface de l'eau. Ses ailes détrempées, ne lui permettent pas de décoller. Il clapote, barbote, s'épuise. On se rapproche. Un énorme papillon de nuit tout gris, tout moche, tout malheureux. Ma maman disait, papillon du soir : espoir. Ce n'est pas permis de les tuer. (elle disait aussi, araignée du matin : chagrin) On y va pour notre opération sauvetage. Laurent le récupère avec sa rame, le pose sur le boudin avant du canot. On doute qu'il vive encore. Une bonne dizaine de minutes, on rame mollement pour pas l'affoler, on se laisse dériver. Le voilà qui frissonne, il déplace une patte avec prudence, il se tourne vers moi, me dévisage. Je me sens gênée par son insistance. Bon, tu décolles ou tu décolles pas ? Il semble que non. Peut-être que ses ailes ne sont pas sèches. Avec beaucoup de précautions on se décide à le débarquer au bord des rochers, à proximité d'une végétation protectrice. Laurent arrive à le poser sur sa rame, il la "verse" pour glisser l'insecte à terre. Une pauvre bête qui panique et déploie ses ailes brusquement. Il s'échappe dans un vol incertain, mais vers la mer. Va-t-il se rendre compte de son erreur avant de retomber définitivement épuisé sur les vagues ? On a passé un long moment avec le papillon. Les dévoreurs d'oursin sont partis. On rejoins Lune de Miel dans un isolement total. Assise sur le pont, je guette le vol lourd d'un gros papillon, mais en vain. La nuit tombe sur l'incertitude.
Après 22 heures, bilan météo. Laurent capte chaque jour celle d'Hambourg et il a bien raison de s'y fier, se dit-on. Donc nous savons qu'un avis de coup de vent est annoncé sur Lyon Provence (Mistral) à partir du samedi 15 sept. Qu'une dépression sur les Baléares, maintient le vent d'Est jusque là. La fenêtre idéale pour traverser vers Porquerolles, pourquoi pas Bandol, si le vent est vraiment bon... Mais nous ne voulons pas louper la pause à l'Ile d'Elbe. Donc nous écourtons notre petit bonheur de Giglio. Et l'Ile d'Elbe 35 milles au nord nous attend.


Lundi 11 septembre 2006

elbe
L'Ile d'Elbe, c'est une vision toute autre des îles. Nous mouillons dans une vaste baie où nous sommes tout seuls. La plage est bordée de pinèdes dans laquelle se cache un camping discret. Tout autour, des massifs verdoyants, des habitations modestes et pimpantes. Les gens sont détendus. Ils sont chez eux et on se sent chez nous. Magnifique non ? Le vent d'Est est annoncé pour plusieurs jours. Nous allons nous offrir une journée de tourisme. En quittant la plage, regards rapides mais attendris vers Lune de Miel. Vu la place qu'il a, il pourra s'ébattre tout à son aise au bout de sa longe. Nous partons rassurés. A pied ou en bus, le circuit découverte ? Nous n'hésitons que le temps de passer devant une location de scooters... perdue au fond d'une cour de ferme. Pourquoi pas ? Ah Mesdames, si vous aviez vu les deux gars qui s'occupent de cet espèce de hangar. Jeunes, beaux, souriants, affables, délicieux. Rien que d'y penser, j'en souris encore. 
Le scooter est mis à notre disposition, pour la journée et pour 28 euros, que nous enfourchons Laurent et moi en rigolant bien. Il est beau l'équipage. Ils ont l'air fin, les deux soixantenaires. Laurent avec son petit short bleu clair, et ses birgenstocks aux pieds. Et moi qui chausse l'espèce de casque qu'on nous prête. Sans visière, sans mentonnière, c'est juste une idée de casque, un bol qui tient par miracle sur le haut du crâne. Je me vois tout à fait comme une parodie de Soeur Marie Thérèse des Batignolles. Je me demande si nous sommes assez habillés pour grimper sur les sommets en "moto". Mais depuis le temps qu'on se couvre de ridicule, on ne risque pas de prendre froid.
Dans les lignes droites, Le scooter fonce à 50 à l'heure. Vous imaginez, c'est de l'ordre de 27, 28 noeuds. Heureusement, la forêt ne gicle pas ses embruns à tort et à travers. Sous notre cyclo, le bitume ondule à travers les eucalyptus, les sophoras, les pinèdes et les chênes verts. Des calanques immenses et magnifiques, promesses de futurs mouillages. Le long des coteaux des vignobles inattendus. Et puis la grande ville. Portoferrario, si jolie, si coquette, si vivante. Une île si généreuse se dit avec des mots simples. Oh là là, que c'est beau.
Reprise de la météo au retour. Monaco radio confirme : Pas d'avis de coup de vent en cours ni prévu, vent d'Est, pour les 36 heures à venir force 3/5 sur Ligure, 4/6 sur Provence. Tendances ultérieures, risque de coup de vent N/W pour vendredi sur Lyon Provence. Parfait.

Mercredi 12 septembre 2006
Nous voulons être à Porquerolles pour nous abriter du mistral jeudi soir. 180 milles à aligner, soit 36 heures de nav... Nous espérons faire mieux car nous serons dans des allures au portant avec du bon vent, mais on ne sait jamais donc on décolle à 6 heures du matin, allure tranquille au moteur. Il fait encore un peu nuit, pas tout à fait jour. Aube ou aurore ? Dans la matinée le vent d'Est s'établit. Allure de grand largue, c'est franchement génial, tout comme a dit la météo. Laurent a remis sa ligne à l'eau. On cravache la houle à plus de 6 noeuds. Un énorme thon rouge course le rapala. Youpi, Laurent l'a eu. Encore ! Mais que vais-je en faire ? On roule nos voiles, pour une heure d'atelier poissonnerie, atelier boucherie devrais-je dire. Elles sont gorgées de sang, ces bestioles. En deux coups de couteau, Laurent prend des allures sanglantes. L'horreur ! Disons-le franchement, j'ai vraiment pas d'estomac. Mes gélules belges ne sont pas loin. Ouf !
A midi, le vent tombe, retour du moteur. C'est l'heure de la récré pour les dauphins. Ils nous accompagnent jusqu'au bord du cap Corse. Ils sont une multitude. Ils jouent à se pourchasser d'un bord à l'autre du bateau. Ils font de grands sauts devant l'étrave. Ils passent sur un bord en nageant sur un flanc et nous narguent de leur oeil visible. Ils nagent sur le dos, sur le ventre, ils se frottent l'un contre l'autre, se télescopent. 
14h30, on dépasse le cap corse sans eux. On les retrouve quelques milles plus tard. Sont-ce les mêmes ? On a fait un sacré bout de route avec eux. Toujours la même réjouissance. Excellent pour notre moral qui a pris une claque avec la météo de demi-journée. 
Avis de coup de vent d'Est sur Lyon-Provence, jeudi à minuit (c'est à dire cette nuit) fin de validité jeudi 18 heures, orages, grains, rafales... Pile quand on doit arriver, c'est quoi ce gag !
D'ailleurs la mer prend une couleur bien sombre tout à coup et la houle se creuse. Pas loin d'un mètre. Violente, courte, croisée. Détestable.
C'est quoi qui s'annonce ? Consternation à bord. Nous on avait choisi la fenêtre idéale.
Il semble que le coup de vent se décale lentement vers l'Est. Rester en mer de Ligure, côté Est, est-il plus sage ? La mer et les vents, y sont annoncés plus cléments. Peut-on encore se fier à la météo ?
Choisissons l'option la moins pire. Modification de cap. on allait au 270 depuis le cap Corse vers Port Cros, Bagaud. On fera du 285.

Nous atterrirons à Saint Raphael, 
Rade d'Agay... agay
Et on avisera une fois à l'abri. En plus ce sera moins loin, on gagne une vingtaine de milles donc nous arriverons avant que ça se dégrade, peut-être. La nuit est infernale, les avis de coups de vent sont quasi permanents et les échéances se rapprochent de plus en plus. Les nuages ont noirci le ciel. Laurent a pris deux ris en fin d'après midi et on bouffe des embruns à 7/8 noeuds. Comme souvent mes sensations sont très partagées. Il y a ce souci de météo, l'état du ciel vraiment sinistre. Il y a une mer vraiment désagréable. Dans la soirée, la houle s'est encore creusée. Elle nous dépasse par l'arrière. Laurent relâche un peu de génois pour se tenir devant le déferlement des vagues. Lune de Miel adore ça. Il caracole et s'offre de longues courbes extravagantes. Aussi sympathique que ce soit quant à l'allure et à la vitesse du bateau, l'ambiance à bord est tendue. Au loin, des éclairs déchirent la nuit, quand cela va-t-il nous tomber dessus ? Pas un chat en vue. C'est la solitude absolue dans une mer qui ne nous veut pas du bien. Nos quarts sont chaotiques. Au milieu de la nuit le vent se durcit, je suis seule dans le cockpit et le spido affiche 9 noeuds et demi. Le temps que j'hésite à réagir, il est retombé dans la zone des 7/8. Aussi sec (si j'ose dire) une trombe d'eau s'abat sur ma capuche.
Nous finirons ainsi la nuit, sous la pluie, avec des poussées capricieuses du vent et Lune de Miel qui paraît glisser sur tout ça en pleine crise d'exubérance. A 10 milles de la côte on ne voit que du brouillard. A 5 milles aussi. A 3 milles, la silhouette de la côte se dessine vaguement. A un mille, une apparition. Un creux dans la côte, une route blanche qui s'arrondit au fond de ce qui ressemble à une baie, il y a même très nettement un camion qui roule, comme dessiné au crayon. Et tout autour un rideau de pluie. 
A 8 heures du matin, nous entrons dans la rade d'Agay, que nous avions découverte du temps qu'on explorait la côte avec Athor. C'est plus génial qu'avant. Mouillage organisé sur bouée. Sécurité totale. (Pour info, le vent dans le mouillage souffle pour le moment à 35 noeuds par rafales) c'est quand même bon d'être arrivé.

porquerolles
Nous attendrons que se calme la dépression pour filer vers l'ouest, Porquerolles.

Presque chez nous, à bientôt  à terre !