Samedi 2 août 2003. Première vision de Sardaigne. C'est Italien...!
Ces premières îles du nord que nous avons longées sont arides, sèches, désertes.... Un tout petit village de pêcheurs où nous sommes abrités, Stintino, à l'intérieur du golfe d'Asinara. Paysage de granit rose magnifique et de maquis.... Sur le port, première dégustation de crème glacée italienne.... fondant, saveur, délicatesse dans le palais, fraîcheur... La boulangère est notre premier contact à terre. Elle est jeune, elle est brune, elle est souriante et nous apprend nos premiers mots d'Italien. A presto !
Samedi 2 août 2003- STININO -Capo la Testa Mouillage de la Colba - 42 miles-
Nous devons traverser l'immense baie d'Asinara pour rejoindre le sud des Bouches de Bonifaccio, et passer sur la côte Est de la Sardaigne. Nous décidons d'engager un tour de l'ïle dans ce sens parce que les vents dominants doivent nous être favorables.... C'est une option dont la météo fera ce qu'elle veut. Vraiment ce quelle veut. Nous avons bénéficié d'environ deux heures de bon vent au largue, toute voile dehors. C'était extra. Et puis le vent a progressivement tourné et on a tiré des bords, de bons bords. Le passage de Bonifacio réputé si dur est passé en douceur sous une brise de force 2/3 où nous étions quasiment seuls à naviguer. Au loin, très au loin, noyées dans la brume, les falaises de la Corse paraissait intouchables. Le "Capo testa" est fantastique. Nous avons posé l'ancre dans une petite baie presque déserte au milieu de rochers étonnants. Nous avons fait 56 miles laborieux mais ça valait la peine. Le site est tellement extra que nous passerons une journée à déambuler entre des mammouths figés depuis l'éternité, des faucons prisonniers de leur vol, des drôles de personnages, mi-hommes, mi-bêtes, des loups, des aigles, gisants sculptés par la mer et le vent, tous droits sortis de l'antiquité. On a joué à "à qui elle ressemble cette roche à gauche, non l'autre à côté de la guenon ? Rigolo et défoulant. On a adoré cette crique. Mais en faisant l'andouille avec un gisant plus malin que lui, Laurent s'est fait mal au dos.
Le nord de la Sardaigne est une route formidable. On passe d'une île à l'autre, des paysages de rêve, Les îles portent des noms très évocateurs, "Razzoli" 'le point le plus haut fait 65 mètres ; Budelli avec le récif de l'Homme Mort ; La Maddalena qui nous est familière comme vaste zone météo ; l'isola Spargi ; Le plus beau mouillage se trouve sur l'île de Caprera, infesté de guêpes. On a fait un concours que j'ai perdu. Laurent en a exterminé 15 en les sabrant à l'opinel. Je trouvais plus subtil de les piéger dans une bouteille d'eau sucrée. Moins efficace. Je n'en n'ai eu que 12. Mais la technique hara-kiri en plein vol est terriblement risquée. Seul un homme peut le tenter. Nous n'avons pas lutté à armes égales sur ce coup là, Laurent et moi.
Nous avons fait des sauts de puce, 12 ou 15 miles chaque jour. On trouve toujours un abri presque isolé, avec très peu de voisinage. La promiscuité des îles implique une multitude de rochers. Une navigation attentive s'impose. La mer se hérisse de pics et de dents autour des côtes, beaucoup de roches à fleur d'eau ne sont pas repérées. Les dents de la mer, c'est ici. C'est passionnant tout ça. Du suspens, un peu de soucis, des merveilles de paysage. Et bien entendu pas de village à fréquenter. A propos de dents, je me suis fait mordre par une boîte de cassoulet. Très grave ! Ce genre de boîte qu'on ouvre avec un outil qui fait de beaux crans tout autour du couvercle. Donc j'ouvre ma boîte, je vide soigneusement mon cassoulet de canard pour le chauffer. Ce qu'il fleurait bon, sympathique comme tout. Je ne me suis même pas méfiée. J'ai voulu repousser le couvercle à l'intérieur de la boîte pour la compacter. Et vlan, mon doigt a dérapé. Je me suis retrouvée avec une main prisonnière de la gueule ouverte de ma boîte. Plantée jusque sous la racine de l'ongle cette vache de couvercle. Mais ça, vraiment c'est très douloureux. Même que j'ai pleuré. Pas d'inquiétude, j'ai de quoi me soigner.
Méfiez vous des boîtes de conserve désormais. Elles peuvent vous tuer par le botulisme ou vous mordre par pure méchanceté.
Lorsque nous passons à l'Est, le paysage change. Il y a de belles plages au milieu des falaises qui dévalent dans la mer. C'est la "Costa Smeralda" côte d'émeraude. Lune de Miel navigue en plein boulevard. On se fait doubler, croiser, dépasser par les navires des nantis italiens. Ils nous toisent du haut de leur yacht prestigieux. C'est bien bruyant tout ça. Nous dépassons sans état d'âme Porto Cervo infesté d'adeptes de la jet set et autres gros bourgeois repus qui ne vivent pas tous à crédit. Un monde qui nous ignore et nous le lui rendons bien. Des fois, l'un ou l'autre nous adresse un salut en passant. Mais je ne suis pas certaine. C'est peut-être un geste de coquetterie. Vous savez cette mèche qui tombe toujours sur le coin de l'oeil quand la chevelure s'échappe sous le vent... Dans le doute, je redresse aussi la mèche que je n'ai pas... Autant adopter les attitudes locales à défaut de parler la langue.
J'ai fini par être en panne de pain. Tentative de levain avec de la bière et de la farine, sur 24 heures. Nous avons ainsi récupéré quelques galettes comestibles pour tenir deux jours de plus.... Toujours pas de boulangerie à l'horizon.
Vendredi 8 août 2003, nous décidons de tirer un grand trait sur la Costa Smeralda, 38 miles annoncés et le vent nous est totalement favorables. Cap vers le sud, vers un autre monde.