FESTIVAL PIANO -ROQUE D'ANTHÉRON 2025

Un grand moment de merveille : LA ROQUE D’ANTHÉRON, Parc du Château et sa conque

conque

Si vous n'avez jamais parcouru ce parc empreint d’une vénérable sérénité, jamais ouvert les yeux sur ce bel espace naturel, jamais enchanté vos oreilles avec l’acoustique exceptionnelle d’une conque en plein air au milieu de la forêt…

Alors faut k’jvous dise…

Si vous aimez le piano, avec ou sans orchestre, les trios avec ou sans orchestre, les solistes, de musique de tout poil ; au Festival de Piano de la Roque d’Anthéron vous trouverez forcément une soirée qui vous enchante. 

Les artistes sélectionnés sont tous issus de prestigieux concours ou d’excellente réputation… voire sont d’authentiques stars… Mais aussi la force de ce moment musical de prestige, c'est l’ambiance. Pas guindée comme souvent dans les concerts dits « classiques ». Ça se vit dehors, en tenue décontractée. L’une ou l’un ou l’autre, que l’on croise quelquefois en habit de soirée, semble égaré au milieu de notre peuple respectueux mais joyeux.

 

Mon choix, c'est toujours un bain de jouvance dans le monde classique. Que je découvre, ou que je me fonde dans ce que j’ai mille fois éprouvé, mon bonheur reste intégral… C’est je crois, le seul domaine où je ne me sens pas vieillir…

Cependant, gros bémol, on parle de musique après tout. Un premier concert de musique baroque (en fin d'après midi, dans le cloître de l'abbaye cistercienne de Silvacane) est loin de m' avoir conquise. Je ne suis pas certaine qu'un cloître soit le meilleur endroit pour une audition. Mais si le privilège c'est de bénéficier d'un lieu de méditation au bord d'un jardinet aéré... depuis les années 1140, forcément ça se respecte.

abbaye

Je me penche vers Laurent, très discrètement.

- Dis Laurent, ça te plaït

Regard qui en dit long, du genre, "bof, on y est, on y reste"

Il est vrai que Bach joué en mode authentique, viole de gambe, clavecin et flûte traversière, a quelque peu vrillé mes fragiles oreilles. D'accord c'est du pur jus baroque, mais j'ai du mal à encaisser quand ça joue faux... Autrement dit, en ce qui me concerne, l'authenticité oui, mais pas trop. Pour vous dire, j'ai même pas reconnu le timbre si particulier du métronome appelé BACH. J'aime les instruments baroques dans la musique traditionnelle, les dissonnances ne me choquent pas dans ce cadre là, il font en quelque sorte partie de l'aspect festif de ce style de musique. Même si je sais que la tendance à revenir aux sons authentiques a des raisons d'être, je me moque vraiment de comment écoutaient nos ancêtres. Les dissonances je mettrai toujours du temps à les accepter. J'ai d'ailleurs mis des années à me familiariser avec la musique moderne. Mon grand frère avec un sourire complice me disait "je vais éduquer ton oreille" Il m'a initiée à  Poulenc, Chabrier, Stravinsky, Ravel...Satie.  J'ai échappé à Gershwin et Boulez... Ils sont arrivés à moi plus tard, j'avais 17 ans et comme c'était à travers Laurent, forcément j'y étais sensible. Je crois même que je trahis ma jeunesse, J'avoue que maintenant je chante avec bonheur dans ma cuisine les airs de Ravel ou les mélodies de Satie...ou Gershwin.

Depuis  j'ai eu le temps d'évoluer. Faut dire qu'on nous balance aujourd'hui tellement pire quelquefois. Je n'ose même pas me fourvoyer dans la musique expérimentale. Une expérience malheureuse (à la Roque d'Anthéron d'ailleurs) m'en a définitivement éceurée.

J'aime pas du tout, mais alors pas du tout, la tendance actuelle des pianistes qui se lèvent pour faire de leurs cordes frappées des cordes pincées ou qui tapent sans délicatesse le bois précieux du piano...  Comme si ce fabuleux instrument ne se suffisait pas à lui-même. A moins que ce soient les mélomanes qu'on prend pour des imbéciles. Mais je m'égare.

Donc pour nous remettre de l'innocente prestation des insturments baroques, nous nous sommes attablés pour un repas, genre self, dans le parc du château de Florans. Une bonne heure tranquille à jaser en bonne compagnie. Ensuite on enchaînait pour presque 3h avec Beethoven dans toute sa splendeur.

parc

 

Voici enfin l'entrée des artistes. Les musiciens et les solistes, eux,  sont plus ou moins prisonniers de leur uniforme. Noir et blanc ou pour les dames, costume sombre… C’est quasi traditionnel. Sauf qu'ils doivent traverser les allées du parc depuis leur résidence. Leurs beaux souliers vernis, leurs escarpins élégants y prennent la poussière. Ce qui remet systématiquement les chose à leur vraie place et mon œil attentif aux détails s’en réjouit…

Débora Waldman, jeune directrice musicale de l’orchestre national d’Avignon Provence, (48 ans) cheffe électrisante de cet orchestre a vite élevé mon regard vers des sommets.

Le jeune pianiste Alexander Malofeev (d'origine russe, né en 2001) est un prodige. Une jolie silhouette de blondinet discret. Il ne faut pas s’y tromper, dans ce concerto n°5 (dit l’Empereur) il dégage au piano une belle énergie. Il contre et rencontre l’orchestre avec passion et violence.

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À peine le temps de se remettre de ce concerto éblouissant et la Symphonie Héroïque tout aussi martiale nous embarque dans ses cascades d’arpèges. Il faut voir la cheffe complètement habitée par la puissance de l’orchestre, le geste accordé à l’instant avec les reprises tonitruantes des cors, avec la douce envolée des violons, ou la puissance formidable des percussions.

Il est vrai que lorsque je « vois » ce genre d’orchestre mon écoute est très différente. J’aime bien parce que la touche discrète d’un piccolo ou d’une contrebasse attire mon regard vers le musicien et mon oreille retient cet instant que l’œil a identifié. Ici,  j'écoute d'abord avec les yeux... ce sont eux qui me permettent de voir avec les oreilles. Si, si, si. C’est une manière de découvrir autrement et avec plus de discernement une musique familière.

Si vous ne connaissez pas le festival de la Roque d’Anthéron, courez-y vite. Il dure jusqu'au 19 août, les places sont devenues rares.