jeudi 14 juin 17h. N 59°11'15.35 ;E 11°11' 09.24
Pour notre première nuit en Norvège, Laurent se sent une âme d'aventurier. Il a trouvé sur son application GPS préférée (Park 4 free),dédiée au CC, le parking de rêve. Promesse de total isolement. Le Gps nous envoie sur une piste macadam qui se transforme rapidement en piste tout court au milieu des nids de poules (dont certains gorgés d'eau dont la profondeur est difficile à estimer) et des caillasses. Il pleut des cordes, et ça tonne fort. Ambiance tempête. Quel raffut dans la cabine.
- Dis Laurent, t'es certain que c'est une bonne idée de continuer par là ?
- Pas le choix, je peux pas faire demi-tour.
A ce moment là, notre Gps embarqué annonce "accès non garanti" en même temps que se lève d'énormes rafales qui secouent les branches et griffent notre toiture. Je serre les fesses.
- Et l'annonce Gps, ça va finir comment ? En sentier de rando ?
- On avisera, pour le moment y'a pas de problème.
Quand Laurent dit qu'il n'y a pas de problème je serais bien sotte de m'en créer. N'empêche que cette piste de forêt qui tournicote et nous chahute dans les ornières, j'aime pas du tout. Une bonne demi-heure de silence angoissé à bord. Laurent reste concentré sur son pare-brise qui devient opaque avec la pluie. Et puis, voilà un grand virage quasi à angle droit. La piste s'élargit, redevient humaine. Je pousse un cri.
- Oh là, là, que c'est chouette, j'adore.
Une belle route au bout de laquelle se dessine un petit port de plaisance. Les eaux sont grises et de gros creux agitent les moutons qui festonnent la surface. Le ciel est noir de tout noir. C'est saisissant. En même temps j'en mène pas large. Où serons-nous à l'abri ? Laurent se gare face au quai, face à la mer, sous des rafales de vent annoncée 8/9. Je vous garantis que nous si nous profitons d'un spectacle grandiose, on profite aussi d'un joyeux roulis à bord. Et ça me plaît moyen. D'autant moins que la pluie se met à déverser à grands seaux.
- Laurent on pourrait avancer un peu, faire un quart de tour, se garer parallèle au quai, pour se mettre face au vent. Je serais plus tranquille.
Laurent rigole.
- Tu crois qu'on peut verser dans la mer...
- Ben, je sais pas, mais j'aime pas ce roulis.
Il se gratte le menton, observe l'écume qui s'est formée sur notre plan d'eau... Finalement se met au volant. Manoeuvre que nous ne regretterons pas car le petit camion se stabilise et le vent s'il ronfle fort sur le toit ne nous chahute presque plus. En face de nous un quai isolé avec juste un voilier amarré en longueur et une barge en bout de quai. Sur la barge un beau chalet quasi neuf. La belle maison de bois sur sa barge est fort malmenée avec le vent de travers.
Laurent observe un brin goguenard.
- Elle est belle sa maison, mais c'est pas un marin le mec. S'il croit que ses amarres vont résister...
Il est vrai que ça ressemble plus à des fistrouilles qu'à des cordages qui se tendent à fond et se relâchent avec une inquiétante violence. Même pas d'amortiseurs prévus. Quant aux taquets, on pourrait y retenir un vélo en toute sécurité mais une maison de bois de 20 m2 ?
Bien entendu, un premier taquet explose et les fistrouilles volent sur le pont de la barge. Le marin d'eau pas douce du tout, sommairement emballé dans un burnous immense jaillit de son carré. Un vrai modèle de viking. Les cheveux très clairs et très longs qui se ravattent dans une longue barbe... Un visage hâlé, fissuré de rides profondes... Le burnous ne tardent pas à lui battre les chevilles et vole dans tous les sens en envoyant des gerbes d'eau autour de lui. Son menton dégouline. Il met en route son moteur hors-bord pour lutter contre les poussées du vent. Et court d'un bout à l'autre de la barge. Je crois bien qu'il sait pas trop quoi faire. Le pôvre, le voilà en grande détresse.
- Tu crois que je peux l'aider ?
Pas le temps de répondre. Trois grosses voitures arrivent pilant face au quai. Des agents du port en sortent emballés dans de magnifiques cirés rouges. Le chef reste dans la voiture.(?) Les quatre autres affrontent la tempête, hésitent avant de s'engager sur la passerelle chahuteuse. On affiche l'héroïsme qu'on peut. Ils observent et papotent très indécis pendant que les rafales excitent l'embarcation et danse en tirant frénétiquement sur ses cordages. Pendant ce temps le mec inondé de tous les côté, se cale à l'abri de son auvent, un noeud de cordages plein les bras. Il tire, il déroule, il emmêle ou il démêle, on sait pas trop. Des fois j'ai ce genre de problème avec des bouts de laine emmêlés. C'est pour ça que j'ai abandonné le tricot. Finalement, l'un des agents sautera à bord du voilier pour reprendre les amarres. Il est vrai qu'elles ont pris du mou. Ils échangent quelques mots avec le marin et redescendent à terre. L'homme à la barge, bataillera encore une bonne demie heure avant que sa maison flottante reprenne ses esprits.
Quelle belle et bonne soirée à terre pour nous autres. Y'a pas à dire, mais la mer déchaînée, elle est excellente à terre.
Le vent se calmera dans la nuit et nous ferons une autre étape dans des endroits plus sauvages mais plus calmes aussi.Le ciel sera nettement plus clément. Le plus remarquable à Frédérikstadt (au bord de la Gomma). Une ville formidable construite sur plusieurs îlots que l'on peut visiter de bout en bout avec une navette fluviale gratuite qui fonctionne comme un omnibus. Une merveille de liberté.
Dimanche 17 juin 2018- 11h. N 59°57'56.80 E 1O 40'00.40 -15° OSLO
A l'entrée de la ville, un panneau nous annonce un péage assez élevé dont j'ai oublié le montant, vu que nous n'avons pas passé de portique automatique pour payer. Nous avons compris plus tard que c'est une sorte d'octroi de terre, qu'il convient de régler lorsqu'on veut s'arrêter en ville, quelle que soit la durée du passage. Comme nous n'avons pas trouvé de "caisse" à priori la facture nous sera adressée à Velaux. Cette facture nous y attendra si jamais elle arrive avant nous. (c'est ce qui nous a été expliqué dans un camping, mais en 2023 nous n'avons toujours pas reçu de factures...pour aucun péage.)
Dimanche à Oslo, que du bonheur; pourtant il pleut des cordes. Nous sommes parqués dans un quartier très chic sous une allée d'immenses tilleuls à 1km du "sentrum". Pour échapper à une pluie torrentielle nous ferons pause dans une "cafétéria" locale pour une salade de saumon exquise accompagnée d'un immense bol de "café au lait" pure lavasse.. mais chaude. Nous avons adoré la ville d'Oslo, large, aérée, à la fois moderne et reposante. Différents musées dont celui de Munch mérite le détour, un immense espace socio-culturel résolument moderne et très agréable. Quelle chouette ville.
Quand à la demeure royale c'est surtout un parc sympathique et des gardes qui jouent leur parade devant le royal escalier entre deux averses.
Ce que je voudrais dire de ces premiers jours en Norvège c'est que nous apprécions énormément, la gratuité des autoroutes et la qualité générale des routes. Nous avons aimé ne pas rencontrer de bouchons, de déambuler dans des villes où peu de voitures circulent. Nous trouvons partout des aires de pique-nique sympathiques proches des villes ou en rase campagne avec souvent des sanitaires irréprochables (tout inox) et toujours chauffés.
Nous rencontrons beaucoup de véhicules allemands, de rares hollandais, pas l'ombre d'un français à part nous et aucun véhicule du sud de l'Europe. Les norvégiens sont déconcertants. Ils vaquent, préoccupés uniquement d'eux mêmes. Je me suis étonnée que personne ne réponde jamais à nos saluts. Vous savez sur les sentiers, dans les lieux de relative intimité, on dit bonjour nous... Eux ils entendent même pas. C'est comme si on était transparent.
AÎe aîe... Non plutôt, Haye-Haye, c'est le bonjour traditionnel, mais ça ne parche pas plus que HI, ou Hello...
Par contre si on les interpelle, (au moins deux fois pour qu'ils réagissent), alors là, ils font de réels efforts pour nous comprendre et répondre à nos interrogations. Ce sont donc des personnes fort courtoises mais leurs règles de civilité diffèrent vraiment des nôtres. Et partout nous sommes accueillis avec de grands sourires. Mais faut se dépatouiller avec l'anglais, que tous pratiquent avec plus ou moins de bonheur... Avec leur accent local, on n'est pas toujours certains de ce que nous comprenons. C'est une rigolote gymnastique intellectuelle. Laurent sympathise avec les allemands que nous croisons. La question incontournable des allemands, c'est :
- vous êtes mariés à une francaise ? (comme si c'était incongru, et même pas il dément, le bougre)
ou quand ils réalisent qu'il est français,
- comment ça se fait que vous parlez si bien allemand ?
- Parce que je chante les lieder de Schubert.
jeudi 18 juin 17h30 . N 59°39'57.87 ;E 09°39' 00.93- 17h30
Nous avons trouvé un super espace sur la place de la Mairie de Konsberg. Pays des mines d'argent pendant plus de 300 ans. Nous visiterons bien entendu le musée dédiée à tout ce travail. Nous y rencontrerons une dame charmante qui prévoit de venir nous rendre visite à Velaux. C'est notre premier contact avec une personne du pays. C'est aussi la première personne qui connaît un peu de français. J'espère vraiment que nous la reverrons chez nous.
Elle nous a conseillé la visite de la mine. Nous ferons donc un détour de quelques km pour nous embarquer à bord du petit train ouvrier de l'époque. (la mine a été fermée en 1958, en faillite) C'est un train miniature, des strapontins en ferraille fort rustiques, une lampe minable au plafond. Y'a pas la hauteur sous barreau, nous sommes donc contraints de nous assoir. Nous sommes quatre dans notre wagonnet. C'est un peu le train de la mine du diable. On ne voit rien du tout et pendant 3 km à travers les boyaux on se laisse secouer comme des pruniers dans un bruit infernal.(vivent les boules quiès dont exceptionnellement Laurent va faire usage).
Tout de suite le froid nous mord de tous les côtés (6° annoncés 300 mètres sous terre). Nous débarquons sur un quai approximatif, enroulés dans nos polaires. Le guide débite son discours dans un anglais très nordique et à toute allure. On ne comprend pas tout mais ça nous donne quelques repères sur 5 km de boyaux, escaliers, échelles... une rude promenade mais passionnante. Quand c'est pour du faux !
Notre étape suivante sera notre première église en "bois debout-stavkirke". L'une des plus ancienne (1242) à Heddal.
Nous flânerons dans le musée de plein air pour nous perdre entre les maisons rustiques et antiques en bois, dont les toits de terre herbeuse sont toujours très prisés par les constructeurs modernes. Faut dire qu'elles ont de l'allure avec leur toit d'herbes coupées en brosse. Quelquefois un arbuste y dresse un épi de verdure. Je suis émerveillée par ces maisons.
Les villages sont beaux avec tous ces chalets souvent noirs dont les rives des toits sont peintes en blanc. Lorsque les bois sont blancs, les rives sont bleues. C'est magnifique et nous en ferons moults photos.
Une autre nuit dans un village très rustique. Nous dormons au pied de l'église au mileu de prés troués de tourbières qui feraient le bonheur de nos amis Danièle et Dominique. La rivière y jette les joyeux reflets du soleil. Les boutons d'or en solarium illuminent les prairies. Quelle vie de rêve nous menons là.
Pendant 3 jours nous serpenterons dans la vallée du Numédal, à travers prairies égayées de lupins sauvages, les peupliers et bouleaux immenses. Les forêts d'épicéas se trouent pour nous permettre d'admirer la Lagen qui fuit à travers toute cette débauche de verdure.
Après Uvdal encore une aire de nuit idéale, Holmsvegen. Nous entamons ensuite la grimpée du massif montagneux. Les stations de ski, villages de montagnes aux maisons noires bordées de blanc dans la profondeur des sommets, immage saisissante; Au sommet, 1100 mètres, la température chute à 8° sous le soleil. La forêt se raréfie, bouleaux rachitiques et torturés par le vent. Roches et broussailles. C'est un pays rude et sauvage. Nous ne croiserons ni rennes, ni élans. Quant aux ours pour répondre à Jean Jacques, on ne les a vus que dans certaines vitrines et empaillés...
Ambiance totalement différente à Ceilo, devant le stade. Espace dédié aux entraînements des champions de ski biathlon. Une grande piste de tir carabine qu'entoure un circuit d'entraînement à la vitesse. Les athlètes se poursuivent sur des skis à roulettes en poussant sur leurs bâtons de ski. C'est assez déconcertant.
jeudi 21-06-18 - Heidfjord, assez proche de Bergen. N 60°28'11.18 ; E 07°04'17.21
C'est bien beau les merveilles de la montagne; Mais 8° au réveil ça donne envie de traîner sous la couette. Nous décollerons après un petit coup de chauffage dans la cellule. Montée à 1300 mètres, neige résiduelle servie sur des plateaux de roches.
Descente de la nationale 7, sur une fascinante corniche prisonnière d'immenses falaises qui bordent le fjord. Une multidude de cascades déboulent des sommets. Notre route souvent débouche dans d'interminables tunnels de 5 à 2km de long, en colimaçon quelquefois. C'est un peu étrange ces tunnels qui tournent en rond... A l'arrivée, sur le quai en face de nous, Un gigantesque navire de croisière du genre qui terrorise un modeste voilier qui ferait route au milieu de l'atlantique... a déversé ses centaines de passagers perdus dans les boutiques.
Au bout du quai, des ouvriers montent le bucher qui sonnera officiellement le début de l'été et donnera lieu à la grande fête nationale de fin du printemps, "midsommar".
Ici donc c'est l'été, la température à 14h est de 12° avec un grand soleil.
Et moi, je vais faire ma deuxième lessive. Prochaine étape, Bergen.
SAMEDI 23 juin 2018 Norheimsund - N 60°22'05.99 - 06°08'33.05
Sur cette route commence un circuit qui durera quelques journées très exotiques... alternance de corniches, de falaises, de forêts et de prairies ... et de tunnels, de tunnels, et de tunnels. Ils sont étonnants ces tunnels. On peut y trouver des ronds points... de vrais colimaçons dans le ventre de la montagne. (le plus long fait 8km, mais la moyenne est de 2km) Les sorties révèlent des paysages majestueux avec des cascades qui déboulent sous la neige. Ils sont gratuits et fort commodes pour passer d'un fjord à l'autre. A Norheimsund, nous passerons de longues heures enchantées dans l'atelier de rénovation des bateaux anciens. C'est une sorte de musée dans lequel on déambule au milieu des ouvriers, des machines, des carcasses de bateau plus ou moins en état. Des quais sont aménagés qui permettent de monter à bord de certains d'entre eux.
DIMANCHE 24 JUIN 2018 BRATLAND - N 60°21'09.00 - E 05°26'11.18
Camping à 16km de Bergen qui permet d'éviter l'octroi de terre et de reprendre contact et commodités de vie citadine. Nous avons choisi notre séjour à Bergen un dimanche (comme pour Oslo) Pluie intermittente mais ça ne nous gêne pas trop. Il ne fait pas froid. (17°) avec de belles éclaircies. Nous achetons un "pass" chacun, qui nous permet de circuler en bus et tram jusqu'à 20 km autour de Bergen pour 5 € pendant 24h. Et on ne s'en prive pas. La belle ville de Bergen, si proprette, si calme, si sage... Comment elle est dans ses quartiers "nord" ? On a zoné un peu partout, quartiers chics et moi chics. Les immeubles sont plus ou moins cossus, les rues plus ou moins claires, mais c'est toujours propreté extrême, calme et sagesse. Pas de fadas en deux roues, pas de graffitis, pas de poubelles qui débordent, peu d'animaux et toujours en laisse. Bergen, et ses jolis quais propices à la flânerie. Un vrai bonheur de retrouver cette ambiance. Nous avons été surpris qu'en vingt ans, le marché aux poissons soit devenu un tel espace touristique. C'est plus animé que dans notre souvenir, moins secret ....
Nous avons déambulé une totale journée, transports en commun ou à pieds... Un vrai bain de vie citadine.
Du lundi 25 juin au 30 juin 2018, nous continuerons notre route vers le nord.
Il est peut-être temps d'une confidence. Vous ne devriez pas être trop surpris si vous nous connaissez bien. Au printemps, nos amis, Patricia et Yann, nous ont transmis de bonnes cartes et des tas d'infos concernant ce type de séjour en Norvège. Nous avons adoré nous pencher sur tout ça. Nous n'étions pas certains de pouvoir partir mais nous en avons grandement rêvé grâce à eux. En mai nous avons été "débordés" et nous avons rangé toute cette doc avec l'intention de reprendre tout ça un peu avant notre départ... Les journées se sont enchaînées trop vite. La veille de partir on n'était même pas certains d'être prêts ! Je n'avais pas eu le temps de passer la serpillère, ni de sécher nos draps..! Et nous sommes partis.
C'est lorsque nous avons passé la frontière Suède que nous avons réalisé l'ampleur du problème. Nous avions laissé toute la doc à Velaux. Nous avons acheté une carte de l'Europe du Nord en Norvège... et c'est tout ce que nous avons comme repère (les très grand axes routiers) et le GPS garmin dédié camping car. Par je ne sais quel miracle, il y avais le guide vert de la norvège dans la boite à gants. C'est avec ça qu'on avance, au p'tit bonheur la chance !
Vous devez bien vous douter qu'on adore cette manière de naviguer comme le vent nous pousse... On rate probablement des trucs mais on trouve de si bonnes surprises aussi. Ainsi nous passons d'un fjord à l'autre, on entre dans des vallées qui montent en altitude. Les sommets se pèlent, couverts de lichens étincelants sous le soleil. On pique-nique les pieds dans la neige. Des descentes vertigineuses nous ramènent le long des prairies et des forêts que bordent d'immenses bras de mer. Les cascades et les torrents sont terribles, d'une violence inouÏe.
Quelquefois un saut en ferry, nous permet de capter l'air du large.
La meilleure info du jour c'est pour Voss, pas très loin de Bergen. Un atelier annonce vente de gaz... On s'arrête. Nous pouvons y remplir notre bouteille de gaz (il en restait 5kg sur 15kg) soit 10 kg pour 80 €. Nous allons pouvoir penser consommation eau chaude et chauffrge sans restriction. Notre petit camion frise l'opulence.
Et pour varier nos émotions : notre premier passage ferry, une dizaine de véhicules font la queue, deux voies recommandées pour deux destinations au départ de Vangsnes, soit Helle, soit Dradvik; on choisit la file de Drakvik. Navigation d'un bon quart d'heure, le ferry accoste à Helle. Depuis le pont supérieur, j'observe tous ces mouvements et la longue ondulation des véhiculent qui débarquent à cette escale. Mais ça me paraît bien long tout ça. Et d'un coup, je repère à la sortie du ferry un bus qui était devant nous et tout de suite derrière notre petit camion qui suit docilement le troupeau. Pas de doute, je reconnais Laurent au volant,le regard droit devant lui. Mais c'est pas là qu'on doit sortir ! Les moteurs du ferry se remettent à ronfler, mince alors on va repartir. Me voilà bien. Je me précipite dans les coursives, me paume, me cogne à des portes closes. Je rêve ou le ferry a bougé ? Où c'est que je vais le retrouver Laurent ? J'ai même pas mon portable pour communiquer. Je perds encore de précieuses minutes à me tromper d'escalier et finalement débouche sur une autre plate-forme extérieure. Coup d'oeil dehors. Les voitures finissent leur petite ronde pour revenir au ferry et se mettre face à la sortie qui sera par l'arrière à la prochaine escale. Et je vois, oh miracle, Laurent dans son petit camion qui finit sont tour et revient dans la file des entrées...
Les traversées fjords sont très différentes de l'une à l'autre. Quelquefois on slalome entre des milliers de petites îles couvertes de lichens, la côte est archi-plate, et très découpée. C'est sauvage et désertique. J'aime bien. Quelquefois les rochers sont plus impressionnants et les ports plus habités. C'est toujours très chouette.
Quant aux aires de nuit, on choisit souvent les remparts d'églises. Les croix du cimetière en demi-cercle comme un troupeau obéissant les cernent. Et toujours l'eau du fjord qui ouvre l'horizon. On y est la plupart du temps tout seuls. Et nous avons toujours un peu de mal à quitter ces mouillages extraordinaires.
C'est sur ce circuit que nous choisirons la route "atlantique" avec ces quatre ponts défiant l'espace. Une sensation inoubliable sur le plus vaste de ces ponts au dessus de l'atlantique dans une boucle énorme qui donne le vertige. Emerveillement et pétoche irrationnelle mélangés. J'adore !
Dimanche 1er juillet 2018
Nous posons nos roues à Kristiansund. Un grand port dédié exclusivement à la pêche. Le long des quais nous guettons le départ des bateaux qui partent pour leur campagne en haute mer. Ils sont équipés de monstrueux canons à harpons destinés aux baleines. J'ai détesté ces engins de mort. Mais le départ majestueux de l'équipage m'a quand impressionnée. Là encore c'est à pied que nous prospecterons pour un resto (que finalement nous trouverons trop cher). Laurent voulait goûter le bakalao local... (ragout de morue, tomates et pommes de terre, bof !) Ce sera pour une autre fois
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Ddimanche 1er juillet 2018- Kristiansund - 10h30 -20 °
Nous quittons la ville pour un nouveau circuit en bordure de la mer de Norvège. C'est une région sauvage, quelques chalets isolés toujours immaculés et souvent avec leur jolis toits d'herbe qui dressent leur crâne coupé en brosse vers le ciel. Un arbuste incongru sur la toiture lui fait comme un épi récalcitrant. Je ne me lasse pas de ces toits modestes. Mais pas toujours. Ils sont quelquefois très vastes, avec d'immenses terrasses qui les entourent. Des multitudes d'îlots plats sont semés tout le long de la côte. Puis le paysage change, nous entrons dans une zone très pastorale. Moutons et vaches y broutent une herbe grasse imprégnée d'ambiance marine; Les forêts sont superbes. Epicéas et bouleaux dominent. Les fermes sont à l'image de toute l'architecture locale, immenses et très belles. Si ce n'est par le nom et la taille des fenêtres, on aurait du mal de dire quel bâtiment est habitation, lequel est grange ou écurie. Les pelouses sont parfaites d'un vert doré éblouissant. Les engins agricoles garés autour trahissent l'activité de ces belles demeures.Ce qui nous amuse Laurent et moi, la plupart du temps emmitouflés dans nos polaires ou nos pelisses, c'est que les gens d'ici depuis quelques jours, dès le premier rayon de soleil aussi discret soit-il, se baladent en short et en tongs, maillots sans manches, et sans le moindre frisson. Nous sommes épatés. En même temps, on s'y fait à la fraîcheur. Si la température se maintient à 12 ou 13°; à condition que le vent nous glace pas le nez, on se sent très bien, avec nos vêtements d'hiver.
Lundi 2 juillet 2018 Joyeux anniversaire Dorine, 14 ans, que de belles années en perspective. Nous avons beaucoup de choses à partager encore.
Trondheimm - N 63°22' 41.88 - E 10°18'4 0.31 Stade sports d'hiver. Quel bel espace, nous nous y cacherons au bord d'une forêt. Les équipements sont grandioses, immense piste d'entraînement au biathlon,(carabine et patins à skis) stade de saut à ski avec de vastes tribunes, des multitudes d'espaces dédiés à l'entraînement et à la gym. Les enfants, les familles, les sportifs aguerris avec quelquefois de vrais allures d'athlètes se partagent ces ateliers de travail pour le corps. J'imagine l'effervescence et la population en plein hiver. Quelle folle ambiance promise ! Nous on se contente de déambuler et de flâner à travers la forêt omniprésente. Nous avons beaucoup aimé cet environnement. Mais c'est pas ça qui va nous faire du muscle.
Mais surtout Trondheim, c'est le plus fascinant musée que j'aie jamais fréquenté. Musée des instruments de musiques. Six heures ne sont pas de trop pour détailler chaque quartier des grandes salles qui exposent une multitude d'instruments de tous les coins du monde et de tous les gabarits. Un enchantement. Avec possibilités de les entendre. Ensuite un guide nous a conduits dans les appartements du musée avec une belle histoire de la musique en Norvège à travers les périodes politiques et économiques. Dans chaque salle, il se mettait au clavier et nous gratifiait d'une partition en live (clavecin, piano-harpe, piano forte, piano mécanique). Pour clore cette visite vivante nous nous sommes attardés dans les fauteuils du "jardin musical". Grande terrasse sur le jardin botanique annexée au musée, une tablette individuelle et casque à notre disposition pour écouter de la musique liée à l'histoire du musée et aux musiciens qui l'ont fréquenté ou aux instruments présentés. Un enchantement ! Le passage qu'il ne fallait surtout pas rater.
Jeudi 4 juillet - 2018. N 63°4156.31 E 11°05'00.78- grand soleil - 17° à 9h00
Nous avons quitté la E6 qui relie Trondheim à Narvik pour nous échapper par une transversale (la 17) qui va nous mener d'une île à l'autre...Face au fjord, option camping. bordure de forêt. presque seuls au monde... total bonheur ! Nous sommes toujours surpris de traverser le pays par des routes peu fréquentées, à quelques camping-car près, mais bien moins nombreux qu'en France. De nous caser dans des abris isolés ou des campings vastes, d'une propreté irréprochable comme partout dans le pays, et quasi-vides.
Nous sommes partis à pied pour débusquer le "chapeau troué".Torghatten" Monstrueux rocher, que l'érosion à laminé de l'intérieur. Une immense cave s'est formée. Elle est trouée au fond, gigantesque fenêtre ouverte sur la mer. Il faut crapahuter à travers les chutes de cailloux et de roches. Un sentier grossièrement repéré où on se tord allègrement les chevilles. Y'a intérêt à être bien chaussé. Puis le sentier se stabilise, ça grimpe sec mais stable. Un peu d'eau apparaît. Puis tout un torrent qui s'est trompé de circuit et envahit la terre. Bain de chaussures assuré. Pourvu qu'on continue pas à la nage... ! Les caillasses réapparaissent et la grimpée de plus en plus ardues recommence. Lorsqu'apparaît la cave, j'abandonne Laurent qui se lance à travers les rochers hostiles. Moi, je me trouve un gros rocher (avec dossier) plein soleil et face à la mer fort accueillant. Quel fascinant spectacle. L'express côtier croise au fond de la baie et moi je rêve. Autour de l'île, j'imagine toute une population de vikings très blonds, vastement chevelus, broussailleux et fiers. Ils chahutent sur le pont de leur majestueux drakkar qui tire un large bord pour éviter la grande île qui s'étale au milieu de la baie. Peut-être veulent-ils rejoindre Bronnoysund. A bord de petites embarcations, les pêcheurs locaux les maudissent. Une femme agite avec fureur son espèce de palme en rosaux qui sert à rabattre le poisson. ça braille, ça crie, ça fulmine et ça rigole; Que c'est bon de rêver ce pays !
Jeudi, 5 juillet 2018.
Un vrai ciel d'été, 23°, grand beau temps sans vent. Pendant que Laurent prépare les photos à vous poster dans les prochaines pages, je fais un rapide tour vers une belle plage de sable. Première journée maillot de bain et trempage en mer.Je vous jure que c'est vrai. Ce qui est vrai aussi, c'est que j'ai tout juste trempé le bout des fesses. Y sont fous les nordistes de se mouiller dans ce bain glacé. Toutefois, j'imagine tout à fait Annette, de l'eau à mi-cuisses, qui s'asperge le haut du corps et se mouille en poussant des petits cris heureux. Hein que tu l'aurais fait ?
Le temps va se rafraîchir dans les jours qui viennent. Mais c'est pas ça qui va tuer notre enthousiasme. Nous nous retrouverons après quelques passages ferry, en route vers Narvik.
Au p'tit bonheur la chance.
samedi 7 juillet, Moskenes - Lofoten
A peine débarqués, nous prenons le cap d'un village de pêcheurs, c'est le nom de lieu le plus court qui puisse exister "A" avec le point rond, accent scandinave. Je l'aime bien ce point. C'est celui que font les poètes sur le i quand ils s'appliquent à faire de jolis graphismes pour nous.. "A" C'est aussi le bout de la route qui traverse toutes les Lofoten. Un agréable hameau de pêcheurs. Les séchoirs à poissons s'alignent dès l'entrée du village. L'odeur lourde de la morue séchée nous déchire les narines bien avant les premières maisons. Quelques "rorbuers" ont été rénovés, voire construits de neuf, et sont loués en saisonnier. Les rorbuers sont les abris de pêcheurs, leur modeste lieu de vie. Les moderniser et les louer aux vacanciers, c'est probablement plus juteux et moins ingrat que la pêche à la morue. Quel étonnant village, au rythme d'un temps révolu et au rythme de la modernité. J'ai adoré. Nous avons beaucoup aimé nous y perdre.
Dimanche 8 juillet 2018. Aujourd'hui ce sera "cocoon.net" à "A" - N 67°55'42.20 E 13°05'03.35
Il tombe des cordes, il fait froid... 9° sous la pluie, c'est un temps hivernale. Mais à bord du petit camion l'ambiance est douce et feutrée. On écoute de la musique, on baigne dans la tendresse et la conscience que rien ne presse et que nous sommes si bien là où nous sommes. C'est le bout des Lofoten, un petit bout d'éternité.
Lundi 9 juillet 2017. départ 10h15 - 12° soleil voilé.
Des nappes de nuages mobiles flânent au milieu du ciel. Après une courte pause à Reine, capitale des Lofoten, très touristiques, nous prenons une route littorale inattendue. Les eaux sont turquoises avec des reflets d'or. Les prairies bordent la route et les moutons, agneaux et brebis s'attardent sur les bas côtés. Les plus jeunes se roulent sur le macadam au péril de leur vie (ou de la nôtre). Ah la belle insouciance de la jeunesse !
Lundi 9 juillet 2018 - plage de Flakstad. 16h - 15° N 68° 06' 04.83 E 13°14' 54.69
On commence à croiser plus de monde sur la route, les immatriculations allemandes si elles restent majoritaires, se partagent la route avec des Finlandais et des Norvégiens. Les Français et les pays du sud de l'Europe toujours aussi peu représentés. Nous avons toujours grand choix de stationnement pour le petit camion. Nous avons choisi un emplacement sur un rocher qui domine une magnifique et immense plage de sable blanc déserte à la sortie de la ville. La mer y est toujours turquoise. Une brise glaciale nous rougit le nez et nous n'avons guère envie de nous y tremper. Mais nous flânerons avec bonheur sur la plage. Puis nous reviendrons à notre hébergement un peu plus haut, sur ce rocher qui surplombe la baie, balcon de luxe pour notre premier soleil de minuit. Nous y serons très à l'aise pour regarder tomber le soleil dans la mer. Il devrait bien tomber car c'est une soirée peu nuageuse juste un peu très haut dans le ciel. l'horizon à 20h est parfaitement dégagé et il fait presque doux. 15°.
A 22h, les nuages se sont effilochés et s'étalent sur la ligne d'horizon. On ne sait plus trop où commence le ciel ni où s'arrête la mer. Le soleil est encore un peu haut dans le ciel. Il n'est pas assez nord. Hé oui, ici le soleil se couche au nord... On décide d'aller faire un tour sur la plage, puis de regarder un film, histoire de tuer le temps. Vers minuit, le soleil a disparu derrière la barrière des nuages et de sympathiques filaments rouges, oranges et jaunes s'étalent à l'horizon. Plus le temps passe, plus cette lumière devient intense. Puis elle s'atténue. Nous sommes restés un long moment songeurs, dans l'attente... A une heure du matin, la lumière recommençait à monter au dessus de la ligne de nuages... la mer et le ciel se sont fondus l'un dans l'autre, le jour se levait...
Pour avoir la chance qu'il se réalise, il parait qu'il faut faire un voeu entre le moment où le solei disparait sous l'horizon et celui où il réapparait. Et si c'était vrai ?
Mardi 10 juillet 2018 -11h 12° soleil. Nous reprenons la route vers le nord. Notre première pause sera à Nysborg. Un lieu réputé hautement touristique, une vraie fumisterie. Un village de Rorbuers reconstitués, tous neufs, avec des faux ateliers et des faux pêcheurs. Mais surtout et c'est bien le pire, aucun parking accesssible et une pagaille monstre pour sortir du piège de cette petite route. En plus il faut payer pour entrer dans le village alors que les vrais villages sont semés tout le long de la route, gratuits et sympathiques d'accès.
Par contre nous nous arrêterons au musée des Vikings et ça c'est un véritable enchantement. L'espace est immense avec des sentiers à travers les prairies. Des hall d'expos sensationnels qui retracent l'histoire et la vie des Vikings. Des ateliers ouverts avec mise à disposition de l'outillage. On peut donc si on le souhaite se bricoler un truc en bois, en cuir, en tissus, en laine... on peut même tenter le métier à tisser... Pour les gamins c'est une découverte extraordinaire. On y passerait la journée en un clin d'oeil. L'entrée au musée permet aussi un "tour" dans un bateau viking rénové avec juste une voile carrée comme moyen de propulsion. Juste douze passagers. Ah ça, j'ai adoré. Quel pot, y'avait du vent et du soleil. Au près, (oui, ça peut remonter au vent ces engins là) ça faisait frais mais au largue c'était génial. Trente minutes c'est peu, mais c'est bien chouette.
Mercredi 11 juillet 2018 Walberg N 68°12'13.88 E 13°
Nous voici ce soir en camping paradis.
Au fond d'un fjord, en prairie, très peu fréquenté et fort confortable.
Vie de luxe pour vingt quatre heures. ça aussi j'adore !
mercredi 11 juillet 2018 - capmping Valberg - 16h45 - soleil- 14°
Le temps est magnifique. Vingt-quatre heures dans un camping de rêve en fond de fjord. Nous avons pris le temps d'un grand ménage à bord. Le petit camion comme Laurent et moi, est tout pimpant. Prêt à reprendre la route.Nous montons toujours vers le nord des Lofoten. La route s'ouvre devant nous, tranquillement. Allure de croisière depuis plus d'une demi-heure.
- Laurent, t'as pasl'impression qu'on a oublié quelque chose ?
Pas de réponse.
- Dis Laurent ?
- Attends, je réfléchis.
Et comme un seul homme on éclate de rire, mais c'est bien sûr. Nous avons laissé dans la sécheuse cinq kilos de linge qui tournent toujours dans le tambour. Demi-tour dès que possible. On entre dans le camping "incognito" sur la pointe des pneus. Ouf le quartier des laveuses-sécheuses est désert. On récupère nos effets avec soulagement, parfaitement secs pour une fois. Et on repart mine de rien.
kabelveg, petite ville dynmique et port de pêche animé avec une sympatique place bordée de bars et de commerces. Au moins deux bars, ce qui est opulent car les bars sont très rares dans ces coins là. Nous déambulons à pied, à la recherche du stationnement idéal pour la nuit. Y'a vraiment le choix
A la sortie de Storvagan, une petite route nous intrigue. Elle est balisée "musée des Lofoten". Nous remontons à bord pour voir ça de plus près. Il est dix-huit heures le musée (plusieurs bâtiments face à la mer nous donnent envie de pousser les portes). Bien entendu tout est fermé à cette heure tardive. Nous resterons en bout de l'immense parking pour une nuit tranquille dans un désert de bitume. Le musée tient ses promesses. Un aquarium vraiment bien équipé avec découverte de tous les poissons qu'on peut croiser (pêcher) en mer de Norvège. Les uns plus étonnants que les autres. Ce qui me permet de répondre à certaines de vos questions.Ici le poisson roi est la morue. Ce sont de gros poissons qui sont mis à sécher sur les palissades de bois dressées dans le moindre village côtier. (photo du mail précédent) Ces poissons séchés sont ensuite traités et expédiés pour commercialisation. La morue que nous achetons fraiches chez nos poissonniers, nous l'appelons cabillaud. Mais c'est le même poisson.
Différents bassins permettent aussi d'observer des phoques "domestiques" qui tournent inlassablement en rond, se pourchassent et cabriolent. Un immense bâtiment plus didactique avec infos sur la pêche et jeux interactifs est le royaume des enfants. C'est vraiment une visite à faire avec eux, ou sans eux.
Vendredi 13 juillet 2018 - 11h - ciel couvert à 90°- 11°
Après une nuit à Fiskebol. Nous quittons notre stationnement sur le port intime et très calme. D'immenses plages de sable blanc avec toujours cette mer émeraude en fond d'écran. Et les raides falaises brunes qui longent la route. Alternance de tunnels. L'un, plus de 4km est annoncé. Une pente vertigineuse descend dans ce boyau. Le Gps perd le contrôle. Du coup le petit camion s'envole. Nous dépassons un randonneur encapuchonné sous son poncho plastique. (hé oui, il y a un bas-côté pour les vélos et les piétons) Vous imaginez quatre kilomètres de marche dans ces conditions. Heureusement pour lui, à part nous, y'a pas un chat. Le marcheur nous regarde débouler d'un air effaré. A la sortie de ce tunnel, le paysage a radicalement évolué. De beaux champs de fleurs que la mer lèche inlassablement; Les montagnes à tribord se sont couvertes de prairies vertes. Les cascades réapparaissent. Les moutons cramponnés aux parois quasi verticales broutent, puis relèvent le museau, le regard perdu au bout de l'océan. Le soleil un peu négligent a oublié des taches de neige dans les plis des roches. Pas sérieux son ménage de printemps.
A l'entrée de l'île d'Andoya un pont vertigineux se dresse vers le ciel. Oh là, là ! Laurent, vas-y mollo ! Nous déboulons dans une île sauvage, des côtes déchiquetées, un bord de mer magnifique. C'est le plat pays. Les falaises en recul ont arrondi leur dos pour laisser la place à des prairies fleuries. Une débauche de couleurs qui s'étalent entre les rares maisons.
Samedi 14 juillet, Andenes. 16h00.
On ne peut pas aller plus loin. Nous sommes au bout des Vesteralen. C'est le départ de choix pour les safaris orques et baleines. Et les annonceurs pullulent; Beaucoup plus de touristes et de campings-cars. D'autant plus que c'est aussi une escale depuis Tromso ou plus court pour l'île d'en face. Ici c'est le paradis des oiseaux. Ils nichent dans les moindres toitures qu'ils fientent allégrement. Les nids ont couverts les tuiles et rebords de fenêtres. Leurs cris quelquefois nous déchirent les oreilles. Mais moins que les cigales à Velaux. En début de soirée, nous décidons d'aller faire un tour sur le port. Il faut donc s'engager sur la jetée. Nous devons dépasser des entrepôts. Sur les rebords de tuiles,des sortes de sternes, avec leurs belles ailes d'hirondelles, et des mouettes, volent en cercles plus ou moins élargis. C'est la patrouille de protection des familles. Nous nous arrêtons pour les admirer. Le cercle descend vers nous, nous aussi nous les intriguons. Et puis les piaillements deviennent plus stridents. Alerte générale. D'un coup, on ne sait pas comment, une cinquantaine de volatiles nous tournent autour d'un air très menaçant ; nous sommes pétrifiés. L'un d'eux plonge sur Laurent, ses pattes frôlent son crâne. D'autres oiseaux plongent à leur tour. Laurent se jette au sol, terrassé par une attaque de vikings ailés. Il semble souffrir anormalement. Je m'approche, je l'aide à se relever. La guerre continue au dessus de nos têtes en plongeons effrayants. On les chasse à grandes brassées. Mais ça leur fait pas peur. Laurent s'appuie sur moi et le plus vite qu'on peut, on quitte ce lieu maudit. Quelques enjambées plus loin, le calme revient. Nous sommes sortis de la zone agitée. Laurent s'appuie contre les rochers pour reprendre ses esprits. Il m'explique qu'il s'est emmêlé les jambes en agitant les bras (???) pour protéger sa tête. Mais c'est son genou gauche, le fragile forcément, qui a pris le choc. Pendant qu'il m'explique tout ça, nous nous faisons dépasser par un homme d'allure athlétique, en short et tenue sportive, qui court en petites foulées régulières. Torse bombé, épaules en avant, ventre et fesses rentrés. Quelle allure ! Le monde lui appartient à celui-là. C'est fantastique de le voir foncer si confiant vers la zone danger. Lorsque l'homme se rapproche de la "maternité" des oiseaux, la dizaine qui tourne en cercles réguliers commence à pousser des cris aigus et de plus en plus puissants. Une armada d'oiseaux arrivent du sol et d'autres coins du ciel. Ils sont bientôt une cinquantaine. Et leur cercle se concentre. Les piqués se lancent contre l'homme qui doit connaître le phénomène. Moins bête que nous, il ne s'arrête pas. Il rentre sa tête dans les épaules, et pique un sprint remarquable ; ça c'est du sport ! En quelques instants, l'homme et les oiseaux ont disparu, hors les patrouilleurs qui reprennent leur ronde de surveillance.
Nous rentrons à bord fort secoués mais le plus dur est à venir. Lorsque Laurent découvre son genou, il a doublé de volume et il est amoché. Il s'allonge, je lui prépare un sac de glaçons, un doliprane (c'est tout ce que j'ai à proposer). Pendant qu'il se détend je fais un saut à la pharmacie, puis à l'office du tourisme... Tout est fermé et demain, c'est dimanche. Faudra faire avec. Lorsque je reviens, Laurent ne peut plus poser le pied par terre. Nous voilà bien. Nous décidons de rester là, jusqu'à lundi. L'endroit est calme, face à la mer, on aurait pu tomber plus mal comme lieu de réparation.
Jeudi 19 juillet 2018 - Holnvater - N 68°32'01.67- E 17° 16'40.07
Nous avons fait de très petites étapes en mode économique ; ça va pas fort pour nous deux. Probablement que j'ai fait un faux mouvement en voulant relever Laurent. Depuis trois jours je marche comme si j'avais mille ans. On se partage le doliprane; quelle fine équipe on fait. Mais le genou de Laurent a repris figure humaine et c'est le plus important. Depuis, nous avons fait de courtes et sympathiques étapes.
NYKSUND - village de pêcheurs très isolé et intimiste en pleine évolution. Les maisons abandonnées sont en rénovation et dans peu de temps ce sympathique endroit reprendra vie sur le mode touristique; Pour l'heure, il est vrai qu'il a l'authenticité des villages abandonnés mais un rien tristounet malgré son site remarquable. Génial pour y passer la nuit, face au soleil de minuit.
16-07 Aujourd'hui nous sommes en mode champêtre. Au bord d'un lac, en lisière de forêt. Les endroits que j'aime par dessus tous les autres. A une trentaine de km de Narvik, qui sera notre dernière étape en Norvège d'où nous rejoindrons la Suède, (une cinquantaine de kilomètres) à la découverte d'un autre monde à la vitessse croisière que nous aimons. Le genou de Laurent enfle de nouveau. Quant à mon dos, il ferait mieux de se faire oublier. Cap sur Narvik.
Et une pêche miraculeuse ....! ça se voit pas, mais son genou le titille ! Héroïque comme toujours mon ami Laurent.
vendredi 20/07/18 Narvik "Sentrum"
Nous arrivons un peu tard, un parking à deux pas du centre, vaste ou nous pouvons nous isoler juste en dessous de l'hôpital. Moral en berne.
Samedi 21/07/18 Journée hôpital pour différents examens concernant le genou de Laurent. L'accueil est chaleureux mais les attentes aussi longues que chez nous. Un cauchemar. Le diagnostic aussi; Laurent souffre d'une facture de l'os du genou. Plâtre. Rendez-vous lundi pour rencontre et nouvel avis du radiologue et du chirurgien. On passe sur ce week-end pourri par la pluie et notre moral qui fait semblant de sourire.
Mardi 23/07/18. un peu au sud de Kiruna (Suède)
Laurent doit prendre son mal en patience. Pas d'opération à faire d'urgence,mais faudra voir ça à notre retour. En attendant, il devra faire de nouvelles radios dans 15 jours, là où nous serons. Le plâtre a été remplacé par une orthèse amovible qui lui permet de se doucher, presque confortablement; il a aussi investi dans des cannes anglaises hi-tech à pointes, au cas on on serait pris dans la glace. Imaginez la vie dans un camping-car que nous avons oublié d'aménager pour handicapé. Quelle funeste erreur ! Comme toujours dans les cas extrêmes nous adoptons l'attitude totale complétude. Donc je deviens pilote (si vous me connaissez, vous imaginez mon enthousiasme !!!) et Laurent en limitant ses mouvements prend en compte la vaisselle et la cuisine... mais surtout et c'est essentiel, le "copilotage" En cela il excelle. Avec son orthèse, il peut modérément marcher, on fait des petits tours quasi sur place. Question route, on se pose ici et là, pour un jour ou deux et on repart. Ca se passe super bien.
On joue aux échecs, à Pyramide, on jase, on boit l'apéro... C'est pas tout à fait l'ambiance des dernières semaines, mais nous profitons d'excellents moments. Savoir que rien ne nous presse nous remplit d'optimisme. Les vacances continuent...
Traversé du parc national un peu avant Kiruna. Le petit camion se retrouve nez à nez avec un troupeau de rennes. Ils broutaient gentiment le bas-côtés. Et la lubie leur a pris de traverser devant nous au moment où nous passons. Je me suis arrêtée subjuguée. Ils nous ont regardé sans s'émouvoir. Un bébé, scotché avec les yeux dans les phares du petit camion dévisageait le pare- choc puis il nous a tourné les fesses.
Donc en en résumé,comme dirait Voltaire, (et c'est pas sa faute) tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Vous bilez pas, on a presque retrouvé le moral et on fait de nouveaux projets adaptés à nos nouvelles conditions de vie. Et le top, c'est que je prends goût au pilotage du petit camion. Nous nous sommes mutuellement apprivoisés. C'est pas beau ça ?