COTENTIN Avranches-Cherbourg, Jobourg -juin 2022

25 mai 2022

Allure escargot depuis notre départ de Velaux, il y a une belle poignée de jours. Pauses champêtres dans des cadres nouveaux quoique familiers.

Visite éclair à Dan-Dom nos amis tourangeaux. Le temps de se reconnaître, de partager un heureux moment au château de l'Islette. Château privé, peu fréquenté. Ce château, petit frère d'Azay le Rideau, fut le refuge amoureux de Camille Claudel et Auguste Rodin.  C'est donc une pause romantique  que nous proposent nos amis.

islette

SAM

Et nous voici embarqués tous les quatre dans la douceur ombragée de l'Indre.  On se la coule douce entre les bras de la rivière, entre les bras des rames, que maîtrise si bien,  le vaillant Dominique.

Et cap sur la Normandie.  En traversant la Mayenne, nous devisons très sérieusement. Pascal (F6Guz) en contact étroit avec Laurent par radio (le téléphone portable c'est pas mal  non plus) donc Pascal trouve dommage que nous passions si près du Cotentin et de pas y aller faire un tour.

- Dis Laurent, et si on suivait l'idée de Pascal, et qu'on vire de bord.

- D'accord mais la Hollande, on y va quand ?

- Après ?

- Avec  nos étapes moyennes de 50 kilomètres par jour, tu comptes y être avant l'hiver en Hollande ?

- Bof, je sais pas, on verra.

Laurent se gratte le front, sa décision ne saurait tarder et elle ne tarde pas.

- T'as raison,  cap Cotentin, et puis on verra bien... 

Youpi ! j'adore qu'on ne respecte pas le programme.

 

25 mai 2022

Notre première étape en Cotentin, au bord d'un lac à Saint Hilaire du Harcouët, (ça résonne  breton non ?) Une pause détente avant de virer à l'ouest vers Avranches. 

Sartilly

Laurent souvent repère sur le Net des espaces dédiés camping-car, mis à disposition par les communes. Nous trouvons toujours de belles clairières, des bords de rivière ou de lacs, des bords de prairies. Tranquilles et peu fréquentés. Nous y sommes souvent les seuls. Parfois des services sont prévus, renouvellement d'eau, vidange eaux grises, eaux noires et même une borne électrique, pas négligeable pour recharger nos vélos. Ces espaces sont toujours gratuits, les services pas toujours mais pour trois à cinq  euros la nuit nous faisons provision d'autonomie pour trois jours. 

Il nous arrive aussi de nous poser dans un espace privé, du réseau France Passion. Cette formule  nous séduit toujours. Chez des producteurs, (vins, fruits et légumes, éleveurs, fermiers....) chez des artisans, des artistes... Des sites isolés où le petit camion s'étale au bord d'un pré, la cour d'un manoir, au bord d'un étang.  Nous visitons de beaux espaces.  En échange de cette nuit idéale,  nous achetons les produits locaux de nos hôtes.

C'est ainsi que nous nous posons dans l'immense pré d'un manoir rénové, Domaine de Clacquerel à Sartilly Baie Bocage, cidrerie. C'est un enchantement. Apéririf offert au pommeau local.

baie bocage

Au fait, c'est quoi le pommeau ? Un apéritif à base de jus de pommes, enrichi de calva... A la fois doux et fort... Notre hôte nous raconte l'histoire de son manoir, les travaux qu'il a réalisés, photos à l'appui. Nous voyageons dans le temps en compagnie d'un homme tranquille, souriant, taquin aussi. La bouteille de pommeau circule au dessus de nos verres...

- Encore un p'tit coup ?

- Ben oui, hein !

Donc, j'en reprends, peut-être que j'aurais pas dû... Laurent n'est pas mal  non plus, d'ailleurs. Nous avons l'âme en joie. Retour à bord hasardeux en chantant avec les grenouilles :

Apéro cidre plus calvados,

Vive la vie en Cotentos...

La voix grave de Laurent baryton, la mienne est quelque peu crécelle... et le choeur des grenouilles sont du plus bel effet, amis mélomanes, n'en doutez pas.

C'est aussi mon premier choc très personnel. Il va me clouer au bord d'un pré. Une Cotentine en costume léopard me dévisage. Quelle allure ! Une robe presque blanche semée de quelques taches rousses. Une fausse blonde en quelque sorte. Le contour de ses yeux est bordé d'une belle ombre brune.  Maquillage insolite ou contour de lunettes ? Cela donne une incroyable profondeur à son regard. Son rouille à lèvre a quelque peu débordé mais son mufle n'en n'est que plus original. Qu'elle est belle ! Une vache d'une rare élégance. D'autres dans le troupeau arborent une grande taches sombre sur le pelage clair. Avec toujours ce maquillage étrange.

cotentine

J'apprendrai plus tard que l'authentique Normande peut être "caille" presque blanche, bringuée (presque noire). La tête est toujours blanche avec les "lunettes" caractéristiques autour des yeux, le mufle lui aussi est bordé de sombre. C'est une vache "mixte". On l'élève aussi bien pour son lait exceptionnel (qui fait la réputation des produits laitiers normands) que pour la viande.

Désormais beaucoup de vaches sont "écornées". Ce n'est plus l'arrogance des cornes mais ce n'est plus non plus, le fier port de tête des vaches de mon enfance. Je pense aussi aux Salers, avec leurs jolies cornes claires en forme de lyres... Quelle majesté sur leur robe acajou ou presque noire... À la place des cornes, elles portent alors un petit toupet de poils qui leur donne une expression bonasse, presque tendre.

 

29 mai 2022

Nous voici au nord de Coutances. Gouville sur mer. En pleine zone conchylicole. Nous nous abritons à l'arrière des bâtiments. La propriétaire fameuse dame d'envergure et terriblement avenante, nous conseille d'acheter des "moussettes".... Nous hésitons, le mot est joli, mais que va-t-on se mettre sous la dent ?

- Un mets très délicat, nous dit-elle, profitez-en, c'est la pleine saison.

Ce sont des araignées de mer qui ont moins de deux ans. Si petites soient-elles, ne n'ai pas de faitout qui me permettent de les cuire.

- Attendez, dix minutes,  j'en aurai des cuites à vous vendre...

Donc on attend. On traîne dans l'immense hangar où sont débarquées les poches à huîtres. Le va et vient des engins, les machines automatisées qui trient, nettoient les coquillages. Celles qui nettoient les poches. Bonne ambiance. Laurent va faire provision de coquillages, et nous ferons un vrai festin avec chacun notre moussette. Que de bonheurs inattendus dans ce pays.

mer

Nous découvrons avec autant d'étonnement que de bonheur une multitude de pistes vertes, qui longent la mer, qui traversent les terres.

Nous bénéficions d'une météo idéale autour de 20-22 degrés. Nos vélos tournent à plein régime.

Nous sommes déconcertés par l'immensité des plages à marée basse, la mer si lointaine, comme estompée dans l'horizon. Nous sommes déconcertés par ces ruissellements de prairie, de cultures qui dégringolent en mer... 

 

plage

A travers landes et bocages, des pistes confortables qui longent la mer.

 

1er juin 2022. Après Quelques jours à Barnevelle, Carteret, nous décidons de tirer un bord nord-est... Vers Valognes et sa belle  église Saint Malo. Nous nous poserons au manoir de la Hurie. Ferme reprise il y a deux ans par  quatre très jeunes personnes qui se sont lancées dans l'élevage de poules, et vendent la viande sous forme de terrines, de soupe, de conserves, poule au vin, poule au pot... et bien entendu, production massive d'oeufs fermiers. Les poules gambadent dans les prés qui entourent le manoir.

Nos vélos tournent à plein régime.

 

eglise st malo

 

2 juin 2022,  la capitale Cherbourg. Quelle ville ! Le parking autour de la Cité de la Mer est immense.

- Dis Laurent, on va quand même pas dormir au milieu des voitures ?

- Tu proposes quoi ?

- Qu'on longe cette zone, on verra bien ce qu'il y a au bout.

- Tu dormirais tranquille toi, ici ?

- Ici non,  mais si on va au delà de la Cité de la mer, ça paraît plus tranquille.

- Tranquille, au milieu des autobus et des hordes de touristes ?

- Exagère pas, y'a tout de suite quatre ou six touristes...  Oh, et puis tu m'énerves, gare -toi je vais voir à pied.

Donc il se gare et me débarque.

Hardi petit, d'un bon pas, je dépasse la Cité de la mer, des voitures,  une succession de parkings qui longent un immense port de plaisance. Plus loin, ce sont les bus vides qui piétinent. Foutu pour foutu, je fais demi-tour en longeant le quai du port. À quelques pas de là, je traverse quelques haies, une zone en béton abandonnée où devaient être posés des containers, il y a bien longtemps. Voilà, ce qu'il nous faut. Nous serons protégés par les arbres, avec vue sur le port, assez loin de la route. C'est plutôt inespéré. Le hic, c'est que ces plates-formes ne sont guère alignées. Des herbes sèches, des cassures de ciment, des trous et des failles dans le béton. Le petit camion n'a pas les aptitudes d'un vtt. Autre question, est-ce autorisé de s'arrêter là ? Aucun panneau, aucune indication d'autorisation ou d'interdiction. Zonne libre dirait-on. 

Je me dépêche de retourner vers Laurent, qui bien entendu a trouvé le temps long. Il a pris la route pour venir à ma rencontre. Sauf que je marchais sur une allée discrète le long des quais en contrebas.... C'est certain on s'est croisé sans se voir. J'ai beau scruter, m'impatienter... Je décide de m'asseoir sur un caillou et d'attendre que Laurent revienne... Et d'un coup, par dessus les voitures j'aperçois le haut volume du petit camion... Ouf... Je lui explique les difficultés  de ma trouvaille. Il n'est guère emballé pour lancer le petit camion sur des dalles chaotiques. Il m'envoie en éclaireuse, le petit camion piétine derrière moi. Il faut passer des zones étroites, dont les branches frôlent notre toit. Il y a des ferrailles malveillantes qui hersent le béton. Faut les repérer et engager les roues de chaque côté de ces pièges. Quelques suées, quelques cris aussi... Ouf, nous finissons par nous incruster entre les haies et sans dommage. On y est super bien.  Le petit camion aussi, je crois. 

CHERBOURG -  LA CITÉ DE LA MER.

Le REDOUTABLE, premier sous-marin français  nucléaire (SNLE) mis en service dans les années 1970. Géant de 128 mètres de long, son équipage comptait 135 personnes.

le redoutable

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redooutablesalon

Il faut vraiment prendre le temps de flâner à la CITÉ de la MER. Outre le fameux Redoutable, les émotions sont intenses, les émerveillements aussi. Déambuler entre les bassins de l'immense aquarium, revivre la terrible et fatale dernière journée du Titanic, découvrir ce que sera l'océan du futur... et puis se détendre. Nous étions quelques rares visiteurs, pas de groupes encombrants, pas de gamins agités. Une bien bonne journée.

 

05 juin 2022 Week end de Pentecôte pluvieux. Nous partons vers l'Ouest, cap de la Hague. Nous nous installons à Le Hâble, un petit camping discret et confortable.

- Laurent, regarde une éclaircie.

- T'es chiche ? Je sors les vélos et on file  au Cap de la Hague et Goury, jusqu'au Nez de Jobourg ?

- Ça fait loin non ?

- Oui, faut pas traîner. Ponchos, pique nique, et vélos, pour la journée. Disons une petite quarantaine de kilomètres.

Hop là, c'est parti.

Laurent, nous a prévu un tour magnifique. Les facéties du Gps vont bien entendu nous détourner, allonger le circuit. On a l'habitude. Dans les descentes, Laurent s'envole littéralement. Moi, je reste mémère vélo et modérée, même dans les descentes. Donc il prend une sérieuse avance sur moi. À une vingtaine de kilomètres de notre départ, il oublie de m'attendre à un carrefour. Quoi faire, où aller ?

ja velo

Pas d'info, pas de signal. Dois-je en conclure qu'il faut continuer tout droit. Je le fais d'autant plus volontiers que la route à gauche monte durement et qu'à droite, la direction ne m'inspire pas.  Je traverse et pédale avec enthousiasme tout en braillant dans toutes les direction,

- Ouh, ouh, Laurent où es-tu ?

Vous avez compris que Laurent circule avec son smartphone et vous devez vous demander pourquoi je ne l'appelle pas avec le mien. Tout simplement parce que je suis une cloche et que deux fois sur trois, dont celle-ci, je l'oublie à bord... Il se passe au moins dix minutes. Crotazut ! Pourquoi il m'attend pas. Le doute s'insinue. Et si j'avais pris la mauvaise direction ? Je m'arrête pour réfléchir. Moment choisi pour le brouillard qui me tombe dessus en quelques instants. Vite, je m'emballe dans mon poncho, rouge, écarlate, brillant, visible... On sait jamais, si Laurent vient à ma rencontre, qu'on se croise et qu'il ne me voit pas à cause du brouillard, ce serait ballot... 

Et puis zut pour Laurent, il avait qu'à m'attendre. Je retrouverai le chemin du retour, enfin, je crois. Je décide de rentrer à bord. Et de bouder quand il rentrera, longtemps, au moins cinq minutes... en plus il devra jeûner. C'est mon vélo qui porte le pique nique. 

Une voiture arrive derrière moi, je la laisse passer avant de faire mon demi-tour. Elle s'arrête à mon niveau. Si cette personne est perdue, je ne lui serai pas d'une grande aide.

- Bonjour Madame,

- Bonjour,

- Vous appelez parce que vous roulez avec un monsieur blond sur un vélo noir.

- Oui, enfin je sais pas.

- Vous savez pas si votre compagnon est blond.

- Si, mais je ne sais pas si le vélo est bleu ou noir...

La dame me regarde d'un air désabusé.

- Si c'est lui, vous auriez dû tournez à gauche et monter la côte... Bonne chance.

- Oh merci Madame, bonne route.

Elle démarre doucement et quasi sous mon nez, fait demi-tour... Machinalement, je repère la voiture, je trouve ça louche.

Lorsque j'arrive au croisement fatal, la voiture est garée devant la maison qui fait l'angle. La dame est dans son jardin. Elle me fait un signe d'amitié et d'un geste, me montre la route que je dois prendre. Celle qui monte bien entendu.

J'en reviens pas. Cette dame extraordinaire m'a vu hésiter, filer tout droit devant sa maison. Elle a réalisé que je m'étais trompée. Après réflexion, elle a pris sa voiture pour venir me récupérer dans le brouillard. 

Wouah, ça existe donc des gens comme ça ! Je suis tellement enthousiaste, je chante en pédalant et le vélo à assistance grimpe gentiment la côte. Un peu plus loin, j'aperçois Laurent qui vient à ma rencontre... Tiens, il a fini par se demander où j'avais bien pu passer. Je lui détaille la rencontre incroyable que je viens de faire.

Vraiment y'a du beau monde en Cotentin. 

"Ben oui hein !"

Nous repartons tout joyeux. J'ai complètement oublié que je devais bouder... Quant au Nez de Jobourg et son paysage grandiose, il est resté noyé sous la brume... mais nous avons fait une  sortie vélo riche en émotion... dont les plus de cinquante kilomètres nous ont éreintés.

lau

 

Prochain épisode, cap est du Cotentin