LE CANAL DU MIDI-hérault

Mardi, 21 septembre 2020

D'ajournements en ajournements nous avons enfin récupéré le petit camion et l'avons armé pour le départ. Quel bonheur. On n'imagine pas la quiétude que ce si petit espace peut offrir à ses heureux usagers. J'aime son odeur à la fois prenante et personnelle. J'aime les sons feutrés qui arrivent de l'extérieur. J'aime le grognement de la pompe à eau. J'aime le confort des fauteuils qui pivotent pour devenir salon. J'aime le foutoir des équipets dont le contenu nous dégringole dessus dès qu'on lève un battant. J'aime la douche, si étroite et si facile à entretenir. J'aime la cuisine minimaliste qui ne s'encombre pas de plats sophistiqués. Mais permet d'enrichir notre quotidien de manière aussi simple qu'inventive. Rien de superflu dans ce "logement".

 

C'est à la fois bien suffisant pour notre confort et d'une belle intimité. Nous sommes proches l'un de l'autre et cependant chacun dans notre cercle. C'est si facile ainsi de s'isoler mais aussi de se retrouver, de communiquer, de rire et de râler ensemble. Car si on rouspète, l'esprit de l'escapade c'est de râler ensemble et contre l'extérieur. Et surtout d'en rire.  J'y retrouve la complicité naturelle qui s'installe dans la vie sur un voilier. Mais dites-moi, pourquoi ça ne se passe pas comme ça à la maison ?

 

Il suffit que je monte à bord pour que me poussent des ailes. Et laurent reste le compagnon idéal.

 

Un monde modeste avec cependant à bord un luxe "offert". Une sorte de grill électrique qui nous permet de faire nos grillades dehors et une soirée raclette  pour notre anniversaire de mariage. Ça démarre joyeusement nos vacances d'automne.

 

 

 

 

 

 

Notre première étape sera à l'ouest de Béziers. Découverte à pied de Capestang, sympathique bourg, tranquille et sage et peu touristique. En vélo c'est une piste caillouteuse mais très roulante. Pour uncapestang.jpeg premier tour d'une bonne trentaine de kilomètres. Je suis enchantée. Nous longerons le canal, ses berges vertes et ombragées ou pas... nous flânerons autour du port de Poilhes, une écluse ça retient la bonne humeur (hein Danièle, hein Dominique, oh là, là que de fois nous vous avons évoqués pendant ce séjour canal...) Nous flânerons dans le port de Colombiers et nous rentrerons en quittant le canal, une piste à travers vignoble secs et arides par Montady.

Le clocher gothique de Capestang nous ramènera joyeusement à bord. Quel beau circuit. Nous avons fait l'impasse sur Minerve (rien à voir avec la déesse romaine de la sagesse hélas !) Ce serait une plongée dans la douloureuse histoire des Cathares et je ne suis pas prête à l'affronter. Et puis une multitude de sites voisins nous appellent, nous y reviendrons. Promis.

Jeudi 23 septembre.

210908 ja homps cc.jpgAvant Carcassonne, j'ai l'intuition que la pause idéale sera à Homps. Je sais que c'est un ancien port très convoité de la grande époque du canal parce qu'à cet endroit il s'arrondit en une large cuvette qui permet aux péniches de manoeuvrer facilement. Le port idéal en quelque sorte. Il est devenu un port de plaisance très réputé. La grande et belle capitainerie fait office de "Château des vins du minervois", d'office du tourisme et d'agent de location de la gabare qui promène les touristes sur le canal.

J'aime beaucoup cette ville. Nous sommes posés au bord du canal, un espace ombragé, le long du quai. Nos fauteuils y sont à l'aise. Aux premières loges. Nous y avons passé un séjour formidable. Contaminés peut-être par l'esprit décontracté des plaisanciers, les quelques routeurs voisins sont communicatifs et enjoués autant que discrets. Une sorte de communauté bien agréable.

 

C'est la première fois que je retrouve cet esprit là sur la route. J'adore ! Et puis c'est très distrayant. Les pilotes des yachts et autres pénichettes, dirigent quelquefois leurs engins de manière quelque peu cavalière. Difficile de maîtriser la vitesse, la direction, la taille du véhicule. Mais pourquoi ça marche pas comme une voiture ? Y'a un moteur, un volant pourtant. Crotazut, voilà que le vent s'en mêle. Ils sont un peu lourds de l'arrière-train ces engins, fichtre que c'est traître... On se frôle, on arrive un peu vite contre le quai, on rate souvent les amarres lancées par un qui prend pitié de ce navire en déroute... A terre, on rigole car il n'y a là aucun danger. A la fois on s'amuse, à la fois on ressent un petit pincement au coeur... Dure quelquefois la nostalgie... de la navigation.

 

Port de Homps

 

210909 Homps 4.jpg210910 quai port homps.jpg

 

210911 ecluse d'argens.jpg

Un p'tit tour en vélo. Nous longeons le canal jusqu'à Roubia, nous continuons sur une piste plus ou moins carrossable, mais bon, j'ai vécu pire en Touraine (hein Pascal !) ou moins y'a pas d'herbe pour cacher les ornières... Je peux les éviter. La piste redevient sympathique jusqu'à Paraza. C'est un peu étrange car les vignobles qui s'élèvent en légers coteaux trempent quasiment leurs pieds dans le canal.

 

Laurent me propose une échappée vers un site extraordinaire. Pour rappel le Canal du Midi ou  Canal des deux mers, réalisation audacieuse (1666 à 1681) de Pierre Paul Riquet relie les eaux de la Garonne (à partir de Toulouse )  à celles de la méditerranée, jusqu’au niveau de Sètes (240 km). La Garonne à cette époque permettait malgré ses caprices l'accès au Canal des deux mers depuis Bordeaux. Au XIXème s. sera construit le Canal Latéral de la Garonne qui reliera le Canal du midi en toute sécurité. Le canal du Rhône à Sète qui prolongera le Canal du midi sera exploitable à peu près à la même époque. C'est la voie royale de la navigation fluviale qui va permettre de relier directement les deux mers sans contourner l'Espagne. Gain de temps, gain d'argent... Louis XIV (donc Colbert, contrôleur général des finances) en son temps a financé au moins le début et en partie les travaux du Canal du Midi. Il a eu raison d'y croire. Mais pas que, car inévitablement, le budget réel a largement dépassé le prévisionnel et Riquet qui était aussi obstiné que génial s'est quasiment ruiné pour mener les travaux comme il l'entendait. Un surhomme à mes yeux. Quinze ans de travaux, finalisés par Vauban, ils ont permis la mise en service du canal. Le canal du Midi est alimenté essentiellement par le ruissellement des eaux de la Montagne Noire.

 

Au niveau de Paraza un problème se pose. Le bief croise la rivière Répudre. L'incroyable Monsieur Riquet qui ne recule devant rien décide de construire un "pont-canal" qui enjambera la rivière. Rien que ça et c'est une sacrée première pour ce genre d'architecture. Lorsque nous nous arrêtons sur ce "pont-canal" je suis "éboustrouffée"... Les eaux tranquilles et narquoises du canal suivent leur chemin balisé, en toute quiétude, tandis qu'en dessous la Répudre roule ses caillasses, herbes et autres poissons dans un torrent nerveux et bruyant. Elle doit être rudement vexée d'avoir été ainsi contournée.

Tout ce bief est noyé dans la verdure. Nous y déployons notre royal pique-nique, on ne peut pas moins ici. La vaste clairière de chênes verts qui borde le canal est un enchantement. Oh là, là, que j'ai aimé cet endroit.

210912 pont canal repudre 1.jpg210912 pont canal repudre 2.jpg

 

Nous reprenons nos vélos après cette pause émouvante par Ventenac en Minervois puis retour à Homps... par la route départementale, j'en ai ma claque des casse-reins du début de notre périple. Et puis cette route confortable est quasi déserte, pourquoi s'en priver... Un autre style de roulage et de paysage. Des champs, des forêts, des vignobles fréquentés par de rares engins tardifs qui piétinent entre les rangs de vigne.  Les vignes deviennent rousses, quel chic. Couleurs qui signent la fin des vendanges, maintenant ça doit bosser dans les caves.

Une promenade romantique en soirée nous mènera par une large allée entre gazon et grands arbres parfaitement alignés au lac de Jouarres. Nous hésitons à venir y passer la nuit. L'ambiance chaude et calme, le désert qui règne sur cette plage, des bandes de gazon fort accueillantes... C'est bien tentant tout ça. Mais l'ambiance joyeuse du port de Homs nous plaît, et puis on a la flemme de déménager... Jouarres ce sera pour une autre fois.

jouarres