Mardi, 21 septembre 2020
D'ajournements en ajournements nous avons enfin récupéré le petit camion et l'avons armé pour le départ. Quel bonheur. On n'imagine pas la quiétude que ce si petit espace peut offrir à ses heureux usagers. J'aime son odeur à la fois prenante et personnelle. J'aime les sons feutrés qui arrivent de l'extérieur. J'aime le grognement de la pompe à eau. J'aime le confort des fauteuils qui pivotent pour devenir salon. J'aime le foutoir des équipets dont le contenu nous dégringole dessus dès qu'on lève un battant. J'aime la douche, si étroite et si facile à entretenir. J'aime la cuisine minimaliste qui ne s'encombre pas de plats sophistiqués. Mais permet d'enrichir notre quotidien de manière aussi simple qu'inventive. Rien de superflu dans ce "logement".
C'est à la fois bien suffisant pour notre confort et d'une belle intimité. Nous sommes proches l'un de l'autre et cependant chacun dans notre cercle. C'est si facile ainsi de s'isoler mais aussi de se retrouver, de communiquer, de rire et de râler ensemble. Car si on rouspète, l'esprit de l'escapade c'est de râler ensemble et contre l'extérieur. Et surtout d'en rire. J'y retrouve la complicité naturelle qui s'installe dans la vie sur un voilier. Mais dites-moi, pourquoi ça ne se passe pas comme ça à la maison ?
Il suffit que je monte à bord pour que me poussent des ailes. Et laurent reste le compagnon idéal.
Un monde modeste avec cependant à bord un luxe "offert". Une sorte de grill électrique qui nous permet de faire nos grillades dehors et une soirée raclette pour notre anniversaire de mariage. Ça démarre joyeusement nos vacances d'automne.
Notre première étape sera à l'ouest de Béziers. Découverte à pied de Capestang, sympathique bourg, tranquille et sage et peu touristique. En vélo c'est une piste caillouteuse mais très roulante. Pour un premier tour d'une bonne trentaine de kilomètres. Je suis enchantée. Nous longerons le canal, ses berges vertes et ombragées ou pas... nous flânerons autour du port de Poilhes, une écluse ça retient la bonne humeur (hein Danièle, hein Dominique, oh là, là que de fois nous vous avons évoqués pendant ce séjour canal...) Nous flânerons dans le port de Colombiers et nous rentrerons en quittant le canal, une piste à travers vignoble secs et arides par Montady.
Le clocher gothique de Capestang nous ramènera joyeusement à bord. Quel beau circuit. Nous avons fait l'impasse sur Minerve (rien à voir avec la déesse romaine de la sagesse hélas !) Ce serait une plongée dans la douloureuse histoire des Cathares et je ne suis pas prête à l'affronter. Et puis une multitude de sites voisins nous appellent, nous y reviendrons. Promis.
Jeudi 23 septembre.
Avant Carcassonne, j'ai l'intuition que la pause idéale sera à Homps. Je sais que c'est un ancien port très convoité de la grande époque du canal parce qu'à cet endroit il s'arrondit en une large cuvette qui permet aux péniches de manoeuvrer facilement. Le port idéal en quelque sorte. Il est devenu un port de plaisance très réputé. La grande et belle capitainerie fait office de "Château des vins du minervois", d'office du tourisme et d'agent de location de la gabare qui promène les touristes sur le canal.
J'aime beaucoup cette ville. Nous sommes posés au bord du canal, un espace ombragé, le long du quai. Nos fauteuils y sont à l'aise. Aux premières loges. Nous y avons passé un séjour formidable. Contaminés peut-être par l'esprit décontracté des plaisanciers, les quelques routeurs voisins sont communicatifs et enjoués autant que discrets. Une sorte de communauté bien agréable.
C'est la première fois que je retrouve cet esprit là sur la route. J'adore ! Et puis c'est très distrayant. Les pilotes des yachts et autres pénichettes, dirigent quelquefois leurs engins de manière quelque peu cavalière. Difficile de maîtriser la vitesse, la direction, la taille du véhicule. Mais pourquoi ça marche pas comme une voiture ? Y'a un moteur, un volant pourtant. Crotazut, voilà que le vent s'en mêle. Ils sont un peu lourds de l'arrière-train ces engins, fichtre que c'est traître... On se frôle, on arrive un peu vite contre le quai, on rate souvent les amarres lancées par un qui prend pitié de ce navire en déroute... A terre, on rigole car il n'y a là aucun danger. A la fois on s'amuse, à la fois on ressent un petit pincement au coeur... Dure quelquefois la nostalgie... de la navigation.
Port de Homps
Un p'tit tour en vélo. Nous longeons le canal jusqu'à Roubia, nous continuons sur une piste plus ou moins carrossable, mais bon, j'ai vécu pire en Touraine (hein Pascal !) ou moins y'a pas d'herbe pour cacher les ornières... Je peux les éviter. La piste redevient sympathique jusqu'à Paraza. C'est un peu étrange car les vignobles qui s'élèvent en légers coteaux trempent quasiment leurs pieds dans le canal.
Laurent me propose une échappée vers un site extraordinaire. Pour rappel le Canal du Midi ou Canal des deux mers, réalisation audacieuse (1666 à 1681) de Pierre Paul Riquet relie les eaux de la Garonne (à partir de Toulouse ) à celles de la méditerranée, jusqu’au niveau de Sètes (240 km). La Garonne à cette époque permettait malgré ses caprices l'accès au Canal des deux mers depuis Bordeaux. Au XIXème s. sera construit le Canal Latéral de la Garonne qui reliera le Canal du midi en toute sécurité. Le canal du Rhône à Sète qui prolongera le Canal du midi sera exploitable à peu près à la même époque. C'est la voie royale de la navigation fluviale qui va permettre de relier directement les deux mers sans contourner l'Espagne. Gain de temps, gain d'argent... Louis XIV (donc Colbert, contrôleur général des finances) en son temps a financé au moins le début et en partie les travaux du Canal du Midi. Il a eu raison d'y croire. Mais pas que, car inévitablement, le budget réel a largement dépassé le prévisionnel et Riquet qui était aussi obstiné que génial s'est quasiment ruiné pour mener les travaux comme il l'entendait. Un surhomme à mes yeux. Quinze ans de travaux, finalisés par Vauban, ils ont permis la mise en service du canal. Le canal du Midi est alimenté essentiellement par le ruissellement des eaux de la Montagne Noire.
Au niveau de Paraza un problème se pose. Le bief croise la rivière Répudre. L'incroyable Monsieur Riquet qui ne recule devant rien décide de construire un "pont-canal" qui enjambera la rivière. Rien que ça et c'est une sacrée première pour ce genre d'architecture. Lorsque nous nous arrêtons sur ce "pont-canal" je suis "éboustrouffée"... Les eaux tranquilles et narquoises du canal suivent leur chemin balisé, en toute quiétude, tandis qu'en dessous la Répudre roule ses caillasses, herbes et autres poissons dans un torrent nerveux et bruyant. Elle doit être rudement vexée d'avoir été ainsi contournée.
Tout ce bief est noyé dans la verdure. Nous y déployons notre royal pique-nique, on ne peut pas moins ici. La vaste clairière de chênes verts qui borde le canal est un enchantement. Oh là, là, que j'ai aimé cet endroit.
Nous reprenons nos vélos après cette pause émouvante par Ventenac en Minervois puis retour à Homps... par la route départementale, j'en ai ma claque des casse-reins du début de notre périple. Et puis cette route confortable est quasi déserte, pourquoi s'en priver... Un autre style de roulage et de paysage. Des champs, des forêts, des vignobles fréquentés par de rares engins tardifs qui piétinent entre les rangs de vigne. Les vignes deviennent rousses, quel chic. Couleurs qui signent la fin des vendanges, maintenant ça doit bosser dans les caves.
Une promenade romantique en soirée nous mènera par une large allée entre gazon et grands arbres parfaitement alignés au lac de Jouarres. Nous hésitons à venir y passer la nuit. L'ambiance chaude et calme, le désert qui règne sur cette plage, des bandes de gazon fort accueillantes... C'est bien tentant tout ça. Mais l'ambiance joyeuse du port de Homs nous plaît, et puis on a la flemme de déménager... Jouarres ce sera pour une autre fois.
Samedi 25 septembre 2021
Nous voici au nord de Carcassonne. Là encore notre instinct nous guide vers un site d'une étonnante majesté. LASTOURS.
Nous poserons nos pneus et nos semelles dans un camping désert, face à Lastours, lieu-dit le Belvédère. La patronne qui ferme la saison accepte de nous garder deux nuits.... Plein prés, dominant deux vallées, l'Orbeil et le Grésillou. Ce village s'offre comme un secret dans le creux de ses deux vallées. Nous dominons un site exceptionnel, face aux impressionnantes ruines des quatre châteaux. C'est là que Laurent va installer une fois de plus son antenne radio portable. Faut dire qu'il profite d'un super espace pour tendre sa filaire en utilisant les espaces campings vides. Un ciel bien dégagé, pas de parasites urbains, ça marchera plutôt bien. Amis om, j'en profite pour vous saluer cordialement. Je communique peu, mais je vous écoute, juste une oreille dans le monde radio-amateur... Juste solidaire de Laurent qui s'y éclate si bien.
Sur la vitre, joli décor non, ! Promis, j'ouvrirai pas le hublot !
C'est là que je vais plonger dans l'histoire sanglante et révulsante des Cathares et de leur extermination par les Croisés. Simon de Montfort un bien triste sire mène le combat contre les hérétiques. Aussi cruel qu'illuminé, celui-là. Cousinage mystique avec les Vaudois ? Ça m'intéresse prodigieusement.
Donc quatre châteaux, Cabaret, Tour Régine, Surdespine, Querhineux... Cabaret, le bûcher le plus violent de cette période barbare. Les Seigneurs de Cabaret sont des "hommes purs-dits Cathares". Sur leur éperon rocheux, ils dominent Lastours et le monde qui les encercle. On ne peut pas s'empêcher de s'émerveiller. On se laisse bercer par l'esprit troubadour qui émane de ces tours survivantes à des siècles d'érosion naturelle. Le soleil couchant inonde les deux vallées et les ruines se dressent presque dorées dans le ciel qui devient sombre.
Nous prendrons le chemin qui descend le long de l'Orbiel pour atteindre le village de Lastours. Le même que les ouvriers utilisaient autrefois. Comme c'est émouvant de les imaginer. L'ancienne usine textile sert aujourd'hui d'entrée aux quatre châteaux. C'est aussi l'Office du Tourisme. Il faut compter quasiment trois heures pour crapahuter d'un château à l'autre. Y'a des merveilles qui se méritent. Nous retournerons à bord du petit camion par la route, tout aussi déserte, qui remonte vers le Belvédère, par Salsigne ; un parcours plus reposant et lumineux avec toujours en toile de fond, ce site exceptionnel.
mardi 28 septembre 2021
Nous revoilà calfeutrés à bord et je suis vraiment songeuse. Je chipote mon café du matin. Dans ma tête, tout plein d'images du monde ouvrier à son apogée. Ambiance chaleureuse et communautaire qui liait les travailleurs aussi bien ceux de la mine d'or de Salsigne que ceux de l'usine de filature de Lastours. J'imagine les va-et-vient dans les sentiers que nous avons empruntés. Les ouvriers qui peuvent encore en parler disent qu'ils avaient de bons salaires, liés aux risques du travail ; que le boulot était varié et que l'ambiance était bonne... On vivait en fraternité ouvrière. Un monde utopique en quelque sorte, le charme de la mémoire sélective. J'y crois que moyennement à ce monde ouvrier idéal.
- Ça va trésor ?
Je fais un bond formidable sur mon siège, pour un peu, le petit camion aurait sursauté aussi.
- Oui, ça va. Je pense à Lastours, au monde ouvrier de nos grands-parents et parents.
- Et les Cathares, ils ne t'intéressent plus ?
- Si bien sûr.
Laurent passe sa main sur mes cheveux, sympathique sourire du matin. Du genre de ceux qui font des promesses, vous voyez ce que je veux dire ?
- Trésor j'ai prévu de t'embarquer dans un lieu dont tu n'oses même pas rêver. Ensuite Montolieu.
- Tu connais les lieux dont je rêve toi ?
- Quelques uns, oui et celui-là est à quelques tours de roues. Nous dormirons sur place et ensuite nous irons à Montolieu.
- T'as une idée où on va dormir ?
- Oui, et ça te plaira.
- Aujourd'hui, à 10h le matin, on sait où on va poser nos pneus pour la nuit ?
- Oui, et je suis prêt à parier qu'on y sera les seuls.
- Wouha, alors là, il va neiger. Mais j'adopte et je regarde plus la carte.
Le vent pousse aux fesses du petit camion. Il ronronne gentiment. Nous grimpons à travers la Montagne Noire. Un manteau végétal déconcertant ombre la route. Alternance de hêtres, de sapins, de robiniers, chênes verts. Des autres aussi que je ne sais pas identifier. Vaguement familiers. Mais les fougères au pied, c'est sudiste ça ? Et puis, les châtaigniers, auraient-ils imigré des Cévennes ? Les sapins, les épicéas, c'est plutôt les forêts de mon enfance... J'aime bien ce mélange de bois, car tout m'est familier. Toutes les formes et toutes les couleurs me parlent. Bientôt s'affiche "Gouffre de Caprespine". Puis s'ouvre sur notre droite, une belle aire de repos, complètement isolée. Un pré, à fleur de vallée, au milieu des arbres, paisible et désert comme je les adore. Le petit camion et moi, on est d'accord. Laurent a fait un choix formidable en venant là.
A quelques pas de là, Caprespine. Ça n'a rien à voir avec une grotte, d'ailleurs ça s'appelle un gouffre, et quel gouffre. 250m de profondeur, qu'un balcon de verre surplombe, 200 mètres au dessus du vide. Cela permet une vue incroyable sur les voûtes de calcites ciselées par l'eau qui suinte. Des lustres, des statues aux postures invraisemblables, des cierges irisés, une chambre immense qui dégage une faible lueur rôsatre, jaunâtre, verdâtre, un lac enchanteur...Je suis fascinée par les lustres en cristal, si si, ! D'accord, ils sont un peu de travers, mais c'est de l'art "néogrottique" à l'état pur. Un choc visuel et moral. Où qu'on lève les yeux où qu'on baisse la tête, c'est immense et prodigieux.
Je me sens nettement mieux soudainement. Par contre Laurent semble un peu pris de la gorge et pâlot ; sont-ce les effets humides du gouffre ?
Lorsque nous sortons de cette ambiance fraîche (14°), il n'est vraiment pas en forme. Le café exécrable du bar local va juste le rendre encore plus malade. Les yeux larmoyants, il va ruiner notre stock de mouchoirs jetables. Quant à la nuit, ouille, ouille, ouille, éternuements, ronflements d'ogre, poussées de fièvre...
Petit déjeuner sombre malgré le soleil magnifique.
- Tu veux qu'on rentre à la maison ?
- Non, il faut qu'on aille à Montolieu.
- Je sais pas ce qu'il y a là-bas, mais c'est pas oblilgé qu'on y aille.
- Si, si, j'y tiens, on peut pas rater ça.
- Wouah, t'as organisé un rendez-vous secret ?
Il tente un sourire guère convaincant, dois-je m'en offusquer ?
- Oui, enfin non, c'est pour toi ce rendez-vous.
Il se lève soudainement impatient, prêt à débarrasser le p'tit déj.
- T'as fini, on y va ?
- Attends, pourquoi Montolieu ?
- Parce que mon trésor, Montolieu c'est la cité du livre.
- Tu veux dire comme à Fontenoy la Joute ?
- Oui, j'imagine, allez bouge-toi ! Je suis presque en forme. On fonce !
J'ai rarement quitté un pré avec autant d'impatience. Laurent reprend le volant. Il semble plus guilleret mais j'aime pas les ombres sous ses yeux, son regard larmoyant et ses éternuements en cascades... Je l'observe en douce. Je suis émue, vraiment, qu'il se coltine ce détour juste pour moi. Il aurait peut-être préféré rester un jour de plus à Caprespine pour se reposer, faire de la radio. Mais je n'ose pas le lui proposer, il risquerait de dire oui. Et moi maintenant je ne pense plus qu'à la cité du livre.
Un grand parking à l'entrée du village. Je sens bien que Laurent a du mal à grimper le parking extérieur alors je retiens mon impatience pour rester à son rythme. Donc nous y voici. C'est un village moins paysan que Fontenoy, plus médiéval aussi. Tout en pierres. Ça ne manque pas de charme. (Douce pensée pour Thérèse et Michel)
Je fuis rapidement la première librairie. L'odeur de poussière et de papier mal stocké m'étouffe aussitôt. Un vrai capharnaüm que certains qualifieraient de caverne d'Ali Baba... Peut-être mais c'est irrespirable pour moi. Aurais-je des goûts luxueux de vieille bourgeoise ? Savons-nous vraiment qui nous sommes ?
Les deux boutiques suivantes sont claires, bien organisées, inodores ou presque. Ça tombe bien, je trouverai là à coup sûr Le Livre qu'il me faut pour faire le parallèle entre Vaudois et Cathares... Si, si, si, ça existe et c'est Laurent qui me le dégotte dans la cinquième boutique.
Faut que j'vous dise aussi que j'avais perdu de vue les Cathares. Scotchée au feuilletage, au humage, au palpage d'une collection de six livres "luxe", 60 ans d'âge, pas très vieux mais quel chic ! Voilà que je reste paralysée. Une folie mais à bas prix, que je trouve le moyen de négocier en y ajoutant l'ouvrage de Duvernoy sur les Cathares. Magnifique non. Si je peux négocier c'est que ces beaux livres ont deux défauts, ils ne sont pas assez vieux pour les collectionneurs .... et personne ne les achètera pour les lire. Alors, ils s'empoussièrent sur l'étagère "Je ne sais même pas depuis quand je les stocke..." dit le libraire. Il doit me trouver un peu zinzin, mais quelle importance. Et moi, je trouve que ça tombe rudement bien notre rencontre à eux et à moi. Leur couverture cuir est d'une douceur ferme et solide, les arabesques dorées à l'or fin ont un chic fou, la peau finement tannée est restée vive de couleur et d'aspect. Quelle douceur... et surtout la série est complète. De plus, dans un état qui frise la nouveauté. Leur contenu m'intéresse et je les lirai avidement. Ils ne remuglent pas l'odeur étouffante du vieux papier oublié. Le croirez-vous ? Vraisemblablement, ils n'ont jamais été ouverts. Rien que de les toucher je frémis... Alors les lire ! Je vais les ranger soigneusement au fond de mes habits pour pas les abîmer et me réjouir, me réjouir, me réjouir, à l'idée qu'à Velaux, je les sortirai du placard. Un moment de vie exceptionnel pour moi.
Montolieu est aussi le fief des artistes. Beaucoup de résidences destinées aux sculpteurs, aux peintres, aux illustrateurs et des tas d'annonces d'ateliers possibles... Mais rien concernant des ateliers d'écriture. Dommage hein Annette ! et ça me surprend vu le nombre de bouquinistes...
jeudi 30 septembre 2021
Nous longeons une rivière sympathique La Clamoux, route en lacets qui nous permet de franchir la Montagne Noire. J'avais envie de visiter Mazamet mais c'est une ville assez ordinaire. Beaucoup de boutiques fermées et à vendre. Et puis le musée du Catharisme nous a grandement déçus.
L'état de Laurent est stationnaire, il fait avec. Il ne se sent pas vraiment malade, mais il ne se sent pas bien non plus. Il se soigne au doliprane, ravinsara et un espèce de sirop homéopathique auquel nous ne croyons ni lui, ni moi... Mais j'ai que ça sous la main. Il propose d'aller jusqu'au bassin de Saint Ferréol, il a repéré un camping où il pourra se reposer.
Excellent choix. Nous reprenons donc les traces de Pierre Paul Riquet. C'est chouette la visite de ce bassin complètement artificiel. L'idée de Riquet c'était d'y concentrer toutes les eaux qui dégringolent de la Montagne Noire. De là, elles sont canalisées par "la rigole" jusqu'au point de partage des eaux d'où cette Rigole alimente le canal du midi dans les deux sens.
Vendredi 1er octobre 2021
Laurent se sent mieux. Nous quittons le bassin de Saint Ferréol pour plonger dans un monde rural qui nous est familier, prés, élevages, forêts. Les vaches rousses agglutinées les unes aux autres se protègent mutuellement du froid car il ne fait pas bien chaud aujourd'hui. Le regard 'une vache m'inspire toujours de profondes considérations.
Genre : Un regard vide n'est pas forcément un regard imbécile.
Nous ferons un dernier tour en compagnie de Monsieur Riquet jusqu'au partage des eaux et flânerons autour de l'obélisque dressé pour lui en 1825 sur le site de Naurouze, partage des eaux de Montferrand. Nous lui devons bien cette marque de respect, et puis la campagne est si belle autour du monument.
Nous n'avons pas raté le château de Saissac dont les fondations dateraient de l'an 900, légué en 960 au conte de Carcassonne.
Plus tard ce château deviendra la propriété familiale cathare de Bertrand de Saissac. Toutefois les seigneurs hérétiques du lieu se sont rendus à Simon de Montford, le triste sire, pour échapper aux représailles.
Le château est ensuite passé de mains en mains au gré des influences politiques puis laissé à l'abandon, jusqu'à ce que la ville l'achète pour le restaurer. En 1979, un trésor y a été découvert : 200 deniers, monnaie royale, datant de la fin du XIIIème siècle. Belle affaire cette ruine cathare.
Samedi 2 octobre 2021
Patrata ! Nous voilà tous les deux prisonniers de la rhinomachinchose... Laurent va nettement mieux et moi je patauge et ronchonne et toussote, et mouchote... Nous avons fait réserve de plusieurs cartouches de mouchoirs jetables, ouf... Et puis vous avez vu, le temps se couvre... Malforme, camping, pluie et tempêtes à l'horizon, le choix est vite fait.
Cap sur Velaux. Ma parole, le petit camion se sent pousser des ailes, l'odeur du foin peut-être.
Mais Laurent et moi, sommes bien déterminés à repartir au plus vite....
LA MINE DORT, L'ARSENIC VEILLE...
Nous venons de quitter Lastours à pied pour Salsigne, à la recherche d'une boulangerie. D'immenses collines, sortes de buttes dénudées, aplaties à leur sommet imposent leurs masses sombres sous un ciel parfaitement propre. Surprenant dans ce foisonnement de verdure. Que font ici ces sortes de terrils ? Nous sommes très curieux de savoir ce que cachent ces montagnes si artificielles. Et là on tombe sur les fesses. Ces géants sombres malgré leur aspect fatigué sont loin d'être inoffensifs. Ce sont les zones de stockage de l'ancienne mine d'or de la vallée de l'Orbiel, Parce qu'en France, ici même, de 1910 à 2004 ce fut un gigantesque site d'extraction de l'or à ciel ouvert. Fichtre !
Nous n'avons pas rêvé longtemps. Parce que si ce site a été le premier site de France pour l'or, il a aussi été le premier site pour la récupération de l'arsenic. Pour extraire les métaux précieux, il fallait broyer et concasser une tonne de minerai. On récupérait ainsi 7 à 8 grammes d’or… et 40 kilogrammes d’arsenic, les deux étant géologiquement liés. Les mineurs sont tous des victimes de l'arsenic. La plupart morts des méfaits de l'arsenic étaient appelés "la tribu des nez percés". L'arsenic qui entre par voies respiratoires provoque le percement de la cloison nasale. (70% d'entre eux en souffrait) On n'aime pas évoquer les risques de cancerts, de maladies respiratoires, de maladies de peau et autres dégâts dus au contact permanent de ces métaux redoutables.
Depuis que la mine a été comblée, il est toujours le premier site de pollution en France. Des montagnes de déchets toxiques sous forme de poussières ont donc été compactées dans des "bigs bags" bien connus des chantiers, et stockés à ciel ouvert, à la merci des pluies et des vents et des épisodes particulièrement dangereux de la météo locale.
Hé oui, à Salsigne on ne dépollue pas, on confine.
Un composé de poudre de roches, dont entre autres, le plomb, le souffre et surtout l'arsenic. En cet état conservés depuis 2004, date de fermeture de la mine.
C'est du lourd, comme diraient Luchini et le monde métallurgique.
L'orbiel, cette pauvre rivière qui n'en demandait pas tant est épouvantablement polluée par les résidus que la pluie ou le vent entraîne dans leur folie. Dans le village de Salsigne, et dans toute la vallée, l'air est malsain. Après les crues de 2018, 58 jeunes enfants (sur 143) révèlent des teneurs en arsenic largement supérieures aux normes sanitaires.
Par dérision, un petit ruisseau très vif de couleur opaline, couleur surréaliste de pollution, a été baptisé "la rivière à pastis".
Et puis, faut pas s'affoler, on nous annonce, que la pollution est circonscrite à http://www.desescapades.fr/drupal/sites/default/files/recomm%20orbiel.pdfune surface de 200m2. Faut-il croire qu'à Salsigne, les rivières, les torrents, le vent et les éléments respectent cette frontière ? Ouf pour Carcassonne qui est à 15 km.
Le pire se situe bien entendu à Salsigne et la vallée de l'Orbiel qui ne peuvent y échapper. Hélàs, il faut rester discret. Vous imaginez la catastrophe pour les agents immobiliers de la vallée. Plus personne ne voudrait s'installer là, si on savait. Vous imaginez la claque pour le tourisme, les artisans, les commerçants. Alors chut !
- Quand avez-vous acheté votre maison ?
- Il y a un peu plus de 6 mois.
- Et vous n'avez pas eu peur de cette pollution ?
- Non, nous ignorions tout de la situation sanitaire ici. L'agent immobier ne l'a pas évoquée.
- Et le notaire ?
- Le notaire non plus ne nous a pas mis en garde. C'est l'omerta à ce sujet. Personne n'en parle. Sauf les comités d'alerte. Les anciens ouvriers et quelques élus de Salsigne et Lascours. Ils remuent le cocotier mais y'a pas grand chose qui tombe.
- Et maintenant qu'allez vous faire ?
- Mon bébé de 16 mois est gravement contaminé par l'arsenic, mon fils de 3 ans aussi. Nous déménageons avant qu'il ne soit trop tard pour eux.
- Donc vous vendez la maison
- Oui et rapidement j'espère. Elle nous fait horreur.
- Les futurs acheteurs seront-ils informés du risque majeur de cette pollution ?
- Ça s'est le boulot de l'agent immobilier et du notaire, pas le nôtre.
En 2018 un chantier de protection du site et recouvrement des déchets avaient démarré que le Coronavirus à sabordé. En attendant que reprennent ces actions, Il suffit de vivre selon les bons conseils de l'ARS.
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