Dimanche matin 26 aout 2018, 9h10. Nous quittons le port de Göteborg Suède (pour info prix de la traversée pour nous deux et le petit camion (7m) 166 € (3h30 de mer). Compagnie Stenaline, un immense ferry de dix étages. 3 étages dédiés aux véhicules, 7 étages pour le confort des passagers... Autrement dit une totale opulence et un accueil extrêment luxueux. On se case dans des fauteuils en terrasse couverte, baies vitrées en poupe... La mer est calme à peine ourlée de petits bandeaux d'écume. Une ligne de nuages en wagonnets blancs se poussent dans un ciel parfaitement bleu. Est-ce l'altitude de notre terrasse, est-ce la mer archi-plate, il me semble que j'aurais juste à lever les bras pour toucher les nuages. Le ciel à portée de main, n'est-ce pas extraordinaire ?
Débarquement facile à Frederikshavn, pas de douane à l'arrivée au Danemark, pas de contrôle d'aucune sorte... Nous prenons la route côtière vers le nord de l'île. A babord, côté terre, ce sont de grandes zones agricoles. A tribord, la mer, de plus en plus agitée vers le nord. Puis d'un coup, la terre disparaît et nous sommes noyés dans un monde de dunes à perte de vue. Désert total, le vent forcit. Température autour de 15° mais ciel clair. A l'affut des images, je guette un avion échoué dans le sable, la silhouette d'un aviateur exaspéré et celle d'un jeune garçon aux cheveux blonds comme les blés, l'écharpe blanche au vent. Ces choses qui n'existent pas me comblent de bonheur.
Nous passerons la journée à la pointe extême nord. Grenen est un endroit fabuleux. Ici s'enlacent la mer du nord et la mer Baltique... Leur étreinte est farouche et le vent d'une violence rare. La mer y est tumultueuse. Pas la peine d'envisager un bain de mer. Quel dommage !
A Skagen, village voisin, Laurent a repéré un abri pour la nuit entre les dunes. Nous quittons la route littoral pour nous engager sur une piste sable et herbes... Et des dunes herbeuses qui se déploient devant nous. C'est le bout d'un autre monde.
Lundi 27 aout 2018 SKAGEN N 57°36'09;35 E 10°14'15;72
Le vent a secoué le petit camion cette nuit, il a rugit fort dans notre habitacle. Il ne m'en fallait pas plus pour ressentir un sympathique roulis qui m'a délicieusement bercée. Quelle belle nuit. Aux aurores, la pluie jouait des castagnettes sur le toit du petit camion et le roulis s'est accentué.
- Laurent qu'est-ce qui te plait le mieux dans cette ambiance ?
- De pas m'inquiéter pour la sécurité du mouillage...
A chacun ses petits bonheurs du jour.
Mardi et mercredi seront consacrés à des visites "culturelles". Le remarquable musée de la marine à Aalborg. Un labyrinthe de salles y exposent foultitude de maquettes, plus fines, plus belles les unes que les autres. Des instruments de navigation inattendus, des appareils de propulsion, des costumes historiques et même de la vaisselle de bord. Toute une salle dédiée au naufrage du titanique avec l'ambiance dans les glaces... Mais aussi de vrais navires, un poste de pilotage virtuel dont Laurent prend les commandes. Il ne nous ménera pas à "bon port" mais nous aurons explosé un voilier, une digue et un ferry... avant de nous couler nous-mêmes. C'est rigolo et sympa quand c'est pour du beurre ! A l'extérieur expo de ports miniatures ? de villes maritimes pour traîner en toute tranquillité et le clou du musée, un vrai sous-marin, "le pringenen". Un escalier métallique nous mène à ses entrailles. Je suis suffoquée par l'odeur de graisse chaude, et l'obscurité, d'humidité (dehors il pleut). Merci, ça me suffit ! Laurent s'enfonce dans cet étrange tunnel. Je trouve un coin abrité pour méditer sur tout ça... Tous les quarts d'heure une sonnerie dans le sous-marin sonne pour alerte fictive. J'en laisse passer deux, puis je m'inquiète, ça fait un moment que j'attends. Va falloir que je fasse porter Laurent disparu. Je me coltine l'enfilade de salles (au moins 500 mètres) au pas de course. A l'accueil, personne n'a vu Laurent et je ne veux pas entrer dans le sous-marin à sa recherche. On tergiverse avec mon anglais douteux c'est plutôt du folklore. Finalement, une dame aimable m'accompagne. Lorsque nous sommes sous le navire, Laurent arrive à babord. Il vient vers nous, d'un pas tranquille et régulier, vous savez comme le flâneur dans "les tableaux d'une exposition"... Il y a avait aussi par là un navire de guerre à explorer... Fallait pas rater ça. Je le sens encore imprégné de ce qu'il a vu et imaginé de ces vies à bord. Il y a en lui quelque chose de magnifique dans sa sénérité à ce moment-là. J'adore !
Mercredi soir -skörkping- N 68°48'11.00- E 9°55'00;00
Nous avons pénétré dans la plus vaste forêt danoise, hêtres et conifères immenses, marais et lacs. C'est le parc national Rebild. Cette forêt n'a pas la sauvagerie, ni le chaos des suédoises que j'ai tant aimées. Mais elles sont tout aussi tranquilles et sécurisantes. Encore un étonnant bout de piste où Laurent excelle désormais et nous voilà seuls au monde... Avec au soleil couchant, la lune levée sur le lac. Un petit bout d'éternité nous frôle. A 22h, un véhicule arrive à vive allure, il se range devant nous. Puis plus rien. Qui est cet olibrius qui perturbe une si belle soirée ? Plus tard encore, nous sommes surpris d'entendre dans cette solitude, le son léger d'une sorte de harpe celtique... Puis vient la vraie nuit. Lorsque nous émergeons d'une nuit tranquille, notre voisin nous adresse de grands signes d'amitié. Laurent va vers lui. Il a envie d'en savoir plus sur cette étrange musique; et nous rencontrons un homme d'une cinquantaine d'années, sec mais zen... qui dégage une odeur indéfinissable... L'homme vient du Pays de Galle et son accent est épouvantable, à cela s'ajoute le nôtre avec toutes nos approximations... alors j'ai peut-être pas tout bien compris. C'est un intégriste à sa manière; Il ne vit que d'amour et d'eau fraiche. Il compte sur la nature et la méditation pour garder la forme, et la musique. C'est un saltimbaque qui vit de sa musique de rue. Il sort l'instrument qui nous a bercé la veille. Une sorte de grand chaudron en métal léger au couvercle bombé. Faisant cercle tout autour, avec un gros creux au milieu, huit empreintes adaptées à la pulpe du doigt permettent de jouer 8 notes. Notre musicien nous dit que cet instrumen, qu'il appelle "hand pan ? " se joue sur une gamme japonaise ???? Qu'il nous joue, mais dont nous ne reconnaissons pas le timbre oriental. Il égrenne pour nous de sympathiques arpèges. Une chouette somnambule, les yeux tout pisseux vient se poser là et se laisse bercer. Quelque chose de divin nous frôle.
Nous ferons un petit tour à Viborg, ville de province typique du Danemark. On aime bien les rues piétonnes animées mais sans bousculade, des citadins qui flânent. Et de magnifiques édifices, de briques roses ou jaunes, comme toutes les constructions ici.
Jeudi 30 08/18 -
Le long de cette côte ouest, encore une visite culturelle au château 16è de Spottrup. Encore un lieu au mileu des dunes. Puis nous nous arrêterons pour flâner à Ringköping, belle petite ville typique avec un port de pêche qui nous a retenu un grand moment;
Nous nous engageons ensuite dans une sorte de langue de terre sableuse, Homlsland klit, qui sépare le fjord de la mer. Nous nous installons dans un camping proche du phare de Norre Lyngvig... Le matin nous partons à travers les dunes pour atteindre la mer du nord à 1 km de là, au pied du phare. Laurent préfère grimper, moins je préfère contourner. Mon sentier me mène à travers des bruyères brunes, vertes, roses ou mauves qui se mêlent, avec quelquefois l'éclair d'une minuscule fleur jaune... Laurent disparaît quelquefois caché par le dos d'une dune colorée et lumineuse. Je me laisse émouvoir lorsque le haut de son crâne blond réapparaît. Belle partie de cache-cache qui se joue entre lui et moi, à son insu. Sous le phare, la mer du nord roule ses vagues le long d'une plage quasi déserte. Le vent fort de la nuit a dessiné de jolies dentelles dans le sable immaculé. Tout est immense ici. Magifique.