mercredi 11 juillet 2018 - capmping Valberg - 16h45 - soleil- 14°
Le temps est magnifique. Vingt-quatre heures dans un camping de rêve en fond de fjord. Nous avons pris le temps d'un grand ménage à bord. Le petit camion comme Laurent et moi, est tout pimpant. Prêt à reprendre la route.Nous montons toujours vers le nord des Lofoten. La route s'ouvre devant nous, tranquillement. Allure de croisière depuis plus d'une demi-heure.
- Laurent, t'as pasl'impression qu'on a oublié quelque chose ?
Pas de réponse.
- Dis Laurent ?
- Attends, je réfléchis.
Et comme un seul homme on éclate de rire, mais c'est bien sûr. Nous avons laissé dans la sécheuse cinq kilos de linge qui tournent toujours dans le tambour. Demi-tour dès que possible. On entre dans le camping "incognito" sur la pointe des pneus. Ouf le quartier des laveuses-sécheuses est désert. On récupère nos effets avec soulagement, parfaitement secs pour une fois. Et on repart mine de rien.
kabelveg, petite ville dynmique et port de pêche animé avec une sympatique place bordée de bars et de commerces. Au moins deux bars, ce qui est opulent car les bars sont très rares dans ces coins là. Nous déambulons à pied, à la recherche du stationnement idéal pour la nuit. Y'a vraiment le choix
A la sortie de Storvagan, une petite route nous intrigue. Elle est balisée "musée des Lofoten". Nous remontons à bord pour voir ça de plus près. Il est dix-huit heures le musée (plusieurs bâtiments face à la mer nous donnent envie de pousser les portes). Bien entendu tout est fermé à cette heure tardive. Nous resterons en bout de l'immense parking pour une nuit tranquille dans un désert de bitume. Le musée tient ses promesses. Un aquarium vraiment bien équipé avec découverte de tous les poissons qu'on peut croiser (pêcher) en mer de Norvège. Les uns plus étonnants que les autres. Ce qui me permet de répondre à certaines de vos questions.Ici le poisson roi est la morue. Ce sont de gros poissons qui sont mis à sécher sur les palissades de bois dressées dans le moindre village côtier. (photo du mail précédent) Ces poissons séchés sont ensuite traités et expédiés pour commercialisation. La morue que nous achetons fraiches chez nos poissonniers, nous l'appelons cabillaud. Mais c'est le même poisson.
Différents bassins permettent aussi d'observer des phoques "domestiques" qui tournent inlassablement en rond, se pourchassent et cabriolent. Un immense bâtiment plus didactique avec infos sur la pêche et jeux interactifs est le royaume des enfants. C'est vraiment une visite à faire avec eux, ou sans eux.
Vendredi 13 juillet 2018 - 11h - ciel couvert à 90°- 11°
Après une nuit à Fiskebol. Nous quittons notre stationnement sur le port intime et très calme. D'immenses plages de sable blanc avec toujours cette mer émeraude en fond d'écran. Et les raides falaises brunes qui longent la route. Alternance de tunnels. L'un, plus de 4km est annoncé. Une pente vertigineuse descend dans ce boyau. Le Gps perd le contrôle. Du coup le petit camion s'envole. Nous dépassons un randonneur encapuchonné sous son poncho plastique. (hé oui, il y a un bas-côté pour les vélos et les piétons) Vous imaginez quatre kilomètres de marche dans ces conditions. Heureusement pour lui, à part nous, y'a pas un chat. Le marcheur nous regarde débouler d'un air effaré. A la sortie de ce tunnel, le paysage a radicalement évolué. De beaux champs de fleurs que la mer lèche inlassablement; Les montagnes à tribord se sont couvertes de prairies vertes. Les cascades réapparaissent. Les moutons cramponnés aux parois quasi verticales broutent, puis relèvent le museau, le regard perdu au bout de l'océan. Le soleil un peu négligent a oublié des taches de neige dans les plis des roches. Pas sérieux son ménage de printemps.
A l'entrée de l'île d'Andoya un pont vertigineux se dresse vers le ciel. Oh là, là ! Laurent, vas-y mollo ! Nous déboulons dans une île sauvage, des côtes déchiquetées, un bord de mer magnifique. C'est le plat pays. Les falaises en recul ont arrondi leur dos pour laisser la place à des prairies fleuries. Une débauche de couleurs qui s'étalent entre les rares maisons.
Samedi 14 juillet, Andenes. 16h00.
On ne peut pas aller plus loin. Nous sommes au bout des Vesteralen. C'est le départ de choix pour les safaris orques et baleines. Et les annonceurs pullulent; Beaucoup plus de touristes et de campings-cars. D'autant plus que c'est aussi une escale depuis Tromso ou plus court pour l'île d'en face. Ici c'est le paradis des oiseaux. Ils nichent dans les moindres toitures qu'ils fientent allégrement. Les nids ont couverts les tuiles et rebords de fenêtres. Leurs cris quelquefois nous déchirent les oreilles. Mais moins que les cigales à Velaux. En début de soirée, nous décidons d'aller faire un tour sur le port. Il faut donc s'engager sur la jetée. Nous devons dépasser des entrepôts. Sur les rebords de tuiles,des sortes de sternes, avec leurs belles ailes d'hirondelles, et des mouettes, volent en cercles plus ou moins élargis. C'est la patrouille de protection des familles. Nous nous arrêtons pour les admirer. Le cercle descend vers nous, nous aussi nous les intriguons. Et puis les piaillements deviennent plus stridents. Alerte générale. D'un coup, on ne sait pas comment, une cinquantaine de volatiles nous tournent autour d'un air très menaçant ; nous sommes pétrifiés. L'un d'eux plonge sur Laurent, ses pattes frôlent son crâne. D'autres oiseaux plongent à leur tour. Laurent se jette au sol, terrassé par une attaque de vikings ailés. Il semble souffrir anormalement. Je m'approche, je l'aide à se relever. La guerre continue au dessus de nos têtes en plongeons effrayants. On les chasse à grandes brassées. Mais ça leur fait pas peur. Laurent s'appuie sur moi et le plus vite qu'on peut, on quitte ce lieu maudit. Quelques enjambées plus loin, le calme revient. Nous sommes sortis de la zone agitée. Laurent s'appuie contre les rochers pour reprendre ses esprits. Il m'explique qu'il s'est emmêlé les jambes en agitant les bras (???) pour protéger sa tête. Mais c'est son genou gauche, le fragile forcément, qui a pris le choc. Pendant qu'il m'explique tout ça, nous nous faisons dépasser par un homme d'allure athlétique, en short et tenue sportive, qui court en petites foulées régulières. Torse bombé, épaules en avant, ventre et fesses rentrés. Quelle allure ! Le monde lui appartient à celui-là. C'est fantastique de le voir foncer si confiant vers la zone danger. Lorsque l'homme se rapproche de la "maternité" des oiseaux, la dizaine qui tourne en cercles réguliers commence à pousser des cris aigus et de plus en plus puissants. Une armada d'oiseaux arrivent du sol et d'autres coins du ciel. Ils sont bientôt une cinquantaine. Et leur cercle se concentre. Les piqués se lancent contre l'homme qui doit connaître le phénomène. Moins bête que nous, il ne s'arrête pas. Il rentre sa tête dans les épaules, et pique un sprint remarquable ; ça c'est du sport ! En quelques instants, l'homme et les oiseaux ont disparu, hors les patrouilleurs qui reprennent leur ronde de surveillance.
Nous rentrons à bord fort secoués mais le plus dur est à venir. Lorsque Laurent découvre son genou, il a doublé de volume et il est amoché. Il s'allonge, je lui prépare un sac de glaçons, un doliprane (c'est tout ce que j'ai à proposer). Pendant qu'il se détend je fais un saut à la pharmacie, puis à l'office du tourisme... Tout est fermé et demain, c'est dimanche. Faudra faire avec. Lorsque je reviens, Laurent ne peut plus poser le pied par terre. Nous voilà bien. Nous décidons de rester là, jusqu'à lundi. L'endroit est calme, face à la mer, on aurait pu tomber plus mal comme lieu de réparation.
Jeudi 19 juillet 2018 - Holnvater - N 68°32'01.67- E 17° 16'40.07
Nous avons fait de très petites étapes en mode économique ; ça va pas fort pour nous deux. Probablement que j'ai fait un faux mouvement en voulant relever Laurent. Depuis trois jours je marche comme si j'avais mille ans. On se partage le doliprane; quelle fine équipe on fait. Mais le genou de Laurent a repris figure humaine et c'est le plus important. Depuis, nous avons fait de courtes et sympathiques étapes.
NYKSUND - village de pêcheurs très isolé et intimiste en pleine évolution. Les maisons abandonnées sont en rénovation et dans peu de temps ce sympathique endroit reprendra vie sur le mode touristique; Pour l'heure, il est vrai qu'il a l'authenticité des villages abandonnés mais un rien tristounet malgré son site remarquable. Génial pour y passer la nuit, face au soleil de minuit.
16-07 Aujourd'hui nous sommes en mode champêtre. Au bord d'un lac, en lisière de forêt. Les endroits que j'aime par dessus tous les autres. A une trentaine de km de Narvik, qui sera notre dernière étape en Norvège d'où nous rejoindrons la Suède, (une cinquantaine de kilomètres) à la découverte d'un autre monde à la vitessse croisière que nous aimons. Le genou de Laurent enfle de nouveau. Quant à mon dos, il ferait mieux de se faire oublier. Cap sur Narvik.
Et une pêche miraculeuse ....! ça se voit pas, mais son genou le titille ! Héroïque comme toujours mon ami Laurent.
vendredi 20/07/18 Narvik "Sentrum"
Nous arrivons un peu tard, un parking à deux pas du centre, vaste ou nous pouvons nous isoler juste en dessous de l'hôpital. Moral en berne.
Samedi 21/07/18 Journée hôpital pour différents examens concernant le genou de Laurent. L'accueil est chaleureux mais les attentes aussi longues que chez nous. Un cauchemar. Le diagnostic aussi; Laurent souffre d'une facture de l'os du genou. Plâtre. Rendez-vous lundi pour rencontre et nouvel avis du radiologue et du chirurgien. On passe sur ce week-end pourri par la pluie et notre moral qui fait semblant de sourire.
Mardi 23/07/18. un peu au sud de Kiruna (Suède)
Laurent doit prendre son mal en patience. Pas d'opération à faire d'urgence,mais faudra voir ça à notre retour. En attendant, il devra faire de nouvelles radios dans 15 jours, là où nous serons. Le plâtre a été remplacé par une orthèse amovible qui lui permet de se doucher, presque confortablement; il a aussi investi dans des cannes anglaises hi-tech à pointes, au cas on on serait pris dans la glace. Imaginez la vie dans un camping-car que nous avons oublié d'aménager pour handicapé. Quelle funeste erreur ! Comme toujours dans les cas extrêmes nous adoptons l'attitude totale complétude. Donc je deviens pilote (si vous me connaissez, vous imaginez mon enthousiasme !!!) et Laurent en limitant ses mouvements prend en compte la vaisselle et la cuisine... mais surtout et c'est essentiel, le "copilotage" En cela il excelle. Avec son orthèse, il peut modérément marcher, on fait des petits tours quasi sur place. Question route, on se pose ici et là, pour un jour ou deux et on repart. Ca se passe super bien.
On joue aux échecs, à Pyramide, on jase, on boit l'apéro... C'est pas tout à fait l'ambiance des dernières semaines, mais nous profitons d'excellents moments. Savoir que rien ne nous presse nous remplit d'optimisme. Les vacances continuent...
Traversé du parc national un peu avant Kiruna. Le petit camion se retrouve nez à nez avec un troupeau de rennes. Ils broutaient gentiment le bas-côtés. Et la lubie leur a pris de traverser devant nous au moment où nous passons. Je me suis arrêtée subjuguée. Ils nous ont regardé sans s'émouvoir. Un bébé, scotché avec les yeux dans les phares du petit camion dévisageait le pare- choc puis il nous a tourné les fesses.
Donc en en résumé,comme dirait Voltaire, (et c'est pas sa faute) tout va pour le mieux dans le meilleur des mondes. Vous bilez pas, on a presque retrouvé le moral et on fait de nouveaux projets adaptés à nos nouvelles conditions de vie. Et le top, c'est que je prends goût au pilotage du petit camion. Nous nous sommes mutuellement apprivoisés. C'est pas beau ça ?