Velaux, Jeudi 21 mai 2015, 8h30,
youpi ! cap sur l'aventure. D'accord piloter une voiture de tourisme ça colle pas de frissons à priori, mais je ne peux me défendre d'un vieux réflexe du bon temps de notre navigation à voile et le sentiment de départ s'accompagne désormais d'une démangeaison intellectuelle que je ne contrôle absolument pas. Il me suffit de passer notre portail, avec mon petit sac et en tongs, pour flairer un air d'aventure au coin de la rue.
Aujourd'hui c'est pour la rencontre du Festival National de cinéma macédonien que nous partons. Avec dans nos bagages quelques films primés à leur proposer, qui doivent être projetés en avant-première. Ils sont sous-titrés en anglais et nous les remettrons très officiellement à quelque personnage de la capitale de Skopje pour sceller notre volonté de jumelage. Pas moins que ça ! Laissez-vous impressionner, ça va pas durer longtemps !
Jusqu'à Genova, rien de remarquable. Autoroute sans histoire, flux régulier, radars aussi innombrables que les tunnels, le Gps veille sur notre régulateur d'allure. Quelques vallons agricoles, mer en fond d'écran, que dominent de trop rares corniches. Encore des tunnels, pour l'alternance. Bien banal tout ça et quelque peu monotone. Nous faisons présentement route vers Florence, une étape prévue pour deux nuits. Samedi à 13h nous embarquerons depuis Ancona pour Durrès en Albanie.(environ 18h de traversée de l'Adriatique)... Comme dirait Guillaume avec son heureux sourire, Cool ! Et l'aventure dans tout ça ? C'est maintenant, quelque part après Genova, un appel au téléphone : le ferry au départ d'Ancona ne partira pas samedi. « Désolés, nous n'avons d'explication à vous donner » déclare la sympathique téléphoniste. - Voulez vous partir avec le prochain ferry dans exactement une semaine ? |
Panique à bord,
- dans une semaine ? Le festival sera fini, ce n'est plus la peine d'aller en Macédoine !
Fichtre, comment annoncer ça à nos amis madédoniens ? (enfin ce ne sont pas encore des amis mais ils auraient pu le devenir, ça faisait partie de l'aventure humaine comme on dit dans ces cas-là-)
- Si on annule que se passera-t-il avec nos billets ?
- Pas de problème, on vous rembourse sous quarante-hui heures !
Quelques chuchotements dans l'habitacle, décision quasi immédiate.
- Ok, annulez tout, nous allons nous organiser autrement. Merci madame.
Maintenant, faut d'urgence s'arrêter, consulter la carte, et prendre la meilleure option. La meilleure option ce sera pas le parking de notre pause réflexion. Faut dire que dans ce coin d'Italie les aires de repos sont en macadam, crasseuses et rares. On se case entre une poubelle qui vomit et des crottes de chien qui sèchent. Pas la peine de sortir de l'habitacle.
- t'as mis où la carte européenne ?
- Ben...
Rapide fouille autour de moi. Je m'éponge le front.
- Zut alors, on l'a oubliée !
Ça m'énerve d'avance.
- Elle est pas dans ton sac.
- Bien sûr que non, je l'aurais sortie pour l'avoir sous la main quand même !
- Tu veux pas vérifier.
- T'es pénible quand même.
Pause images, Florence et Pise | ||
Alors cette Europe ? Une si belle carte, toute neuve, même pas eu le temps de déchirer les plis. Tout en ronchonnant et après mille contorsions voilà que je farfouille dans mon barda. C'est génial le sac à mains, on y trouve tout ce qui est nulle part, incroyable, y'a même la carte routière de l'Europe qui fraternise avec les kleenex, la bombe anti-moustique et la crème solaire, l'étui à lunettes.... Ne parlons pas des pochettes, passeports, cartes magnétiques, bleues, sociales, associatives... du calepin et des cinq crayons gommes qui pointent leur nez. Tiens, j'ai pas pris mon téléphone portable ! On s'en fout, j'oublie toujours de le mettre en veille, en plus mon forfait n'est pas international alors c'est aussi bien comme ça. Et puis l'incontournable smartphone de Laurent est parfait pour le voyage. Il aime tant jouer avec !
Mille délicatesses pour extraire la carte de mon foutoir. Sympathique frotti de papier qui se déplie entre les sièges avant. Nos deux têtes se cognent, nos quat-z-yeux (avec nos lunettes ça fait huit) balaient les accès et routes qui vont de Venise à Skopje. Et nous ne sommes pas d'accord, mais pas du tout d'accord. Je regrette vraiment la petite part de navigation à travers l'Adriatique, pas d'embruns marins à respirer, pas de bercements de roulis en perspective, pas de côtes en fuite, pas de vagues qui nous courseraient, pas d'oiseaux qui nous fienteraient desssus, je mesure toutes ces pertes et je suis vraiment déçue. Mais pour le reste, honnêtement j'en ai rien à battre du festival cinéma et je n'ai nulle envie de me taper mille kilomètres de route par le nord de l'Italie pour rejoindre Skopje. Ça fait un long bord à tirer.
- Et si on restait en Italie, y'a des tas de villes qu'on ne connaît pas, Florence, Pise, on peut retourner à Venise. En voilà des vacances qui seraient détendues et riches en découvertes. Laurent n'est pas du tout d'accord. Nous avons entrepris ce lointain et coûteux voyage pour représenter notre groupe de vidéastes régionaux aux Rencontres Nationales de Macédoine... et Laurent se sent investit de cette mission. Il veut aller en Macédoine. Il est inébranlable. Laissons le mariner, il réfléchit. Je n'ai plus d'opinion à ce sujet. Après tout, c'est lui le ministre des finances, il fera comme ça lui chante, du moment que nous continuons nos vacances.
Finalement, Laurent a choisi l'option ferry depuis Venise vers Igoumenitsa (en Grèce). La traversée sera plus longue, un peu plus coûteuse, et l'option Grèce s'ajoute à nos vacances. Nous prendrons le temps de quelques escales avant le festival macédonien. Je nage dans le bonheur. Je le savais que la belle aventure était à mon portail.
Je vous dis un mot du ferry. Déjà un cirque monumental pour trouver à Venise, le bon port d'embarquement. (on a tourné viré, reculé, plus d'une heure, le Gps ne connaissait pas notre port d'embarquement, ni par son nom, ni par le quartier, il n'y avait pas d'adresse précise. Et y'a quatre zones portuaires où se perdre copieusement) Ensuite le ferry qui fait cette ligne est destiné essentiellement aux poids lourds. Notre BMW sur le parking s'est fait toute petite, coincée entre deux semi-remorques. Elle était émouvante protégée par ces malabars qui l'entouraient. Je suis rassurée en remontant sur le pont accueil. Dans le salon nous croisons des groupes de routiers plus ou moins musclés, habitués des lieux, familiers avec l'équipage et hyper bruyants... La langue rouleuse des grecs domine largement le tumulte. Nous quittons Venise sous le crachin et le brouillard. Un peu irréel ce départ.
D'un coup la lumière change, on se précipite sur le pont supérieur. C'est trop beau. La mer est ondulatoire, une brise sympathique force 3/4, pas utile de réduire la voilure. Le ferry se propulse à 25 noeuds... une oscillation subtile nous donne le sentiment de naviguer. Je la débusque avec délectation pour m'en repaître. Dans la tete, dans les bras, les jambes, dans le ventre et le dos, je suis émerveillée d'etre en mer, je navigue et je ne m'en lasse pas. |
Dimanche 15h, nous débarquons en Grèce.
Magnifique. Dès la sortie de la ville, les routes secondaires sont des voies royales, quasi désertes. Nous traversons de vastes plaines cernées de sommets enneigés. L'horizon est minéral. Le GPS nous guide à proximité de notre hotel à Ioannina, mais là où nous arrivons, point d'hôtel. On baragouine de l'allemand et de l'anglais, finalement un brave père de famille appelle notre hébergeur avec son propre téléphone. Il a vite fait de nous mettre dans le droit chemin. J'en profite pour faire une distribution massive de Kinder-coco aux trois enfants en guise de remerciements. Trop heureux d'abandonner vélos et trottinettes pour leur goûter improvisé.
Est-ce que ça c'est aussi de l'aventure ?
Pour le tourisme d'immenses sites archéologiques de l'époque romaine. Les maisons sont modestes, annexées d'abris ou ateliers en tôles, un peu boxon les jardins. Mais de véritables palaces peuvent s'y perdre. Nous nous sommes perdus dans Thassalonica, un monde antique en pleine cité moderne.
Une ville vraiment agréable. Nous passerons trois jours en Grèce sans voir un seul uniforme. Un pays sans la pression de la police, ça existe et c'est en Grèce, province de Macédoine. |
Nous passons la douane pour le pays de Macédoine en fin de matinée au bord d'un lac, village de Kilkis. Paradis de pêcheurs à la ligne. Très champêre la douane et fort sympathique.
Nous entrons en Macédoine.
Notre route est verte, bordée de lauriers roses, de chênes, de fougères arborescentes immenses. Une belle route quasi déserte à travers des gorges fraîches. Les roches qui s'y trempent sont abruptes et immenses. C'est troublant ce monde mineral-végétal qu'une rivière sépare.
D'un coup l'horizon s'élargit, la montagne recule et de vastes champs et plaines s'étalent à perte de vue. On croise, on dépasse des charrettes tirées par un cheval ou un âne. Le monde rural ici est besogneux, pas une seule machine agricole, juste des paysans et des paysannes penchées sur la terre... Et quelques tracteurs. Les fermes sont modestes, perdues au milieu des champs. C'est très esthétique et reposant.
Nous faisons toujours l'impasse sur les autoroutes. La petite route macadam se dégrade et peu à peu Faut éviter de grosses ornières, boursouflures, le pilote mollit quelque peu. A quelques mètres au dessus de nous, les bolides de l'autoroute nous narguent... On finit notre périple avec une bonne cinquantaine de kilomètres de piste. Au hasard d'un élargissement de terre, deux hommes sont appuyés au capot d'une sorte de pick up assez crad. Ils nous regardent passer fort intrigués. Dans le rétro j'observe leur regard indiscret jusqu'à ce qu'un virage les cache.
- Y font quoi dans ce coin paumé ceux-là
Laurent se gausse,
- Ils nous attendaient, ils préparent un mauvais coup. Sors ton flingue !
Il a même pas le temps de finir en rigolant, un moteur exacerbé nous se rapproche et le pick up nous double sans management dans un énorme nuage de poussière.
- Merde, pourvu qu'ils s'arrêtent pas !
- Et pourquoi y s'arrêteraient, tu te crois en mer de Chine ?
Il a raison Laurent. Le seul véhicule que nous avons vu a définitivement disparu. Notre piste ne cache aucun vice. Juste une injuste peur !
Deux heures de cahotiques et poussiéreux virages. On se lasse des merveilles du paysage et c'est avec soulagement que nous remontons sur une voie à figure plus citadine.
Mardi soir, le gps nous dépose à l'entrée de l'immeuble de Mitze qui nous héberge ce soir...
La mission cinéma UMCV de Laurent est sauvée....