2015 ROQUE D'ANTHERON FESTIVAL

hamac

C'est l'été 2015 de Velaux.

 

C'est aussi le Festival International de piano de la Roque d'Anthéron

Un été idéal, une bonne chaleur estivale, (que d'aucuns appelleront canicule), pas de mistral ou fort modéré... le souffle marin de l'Etang de Berre, l'ombre du pin et de l'espèce de sophora qui a poussé spontanément devant la maison nous préservent du soleil. La grand'voile recyclée tendue sous la verrière de la terrasse permet de rester sous ombrage, et le séjour parfaitement éclairée est un refuge idéal pour les après-midis torrides. Les soirées barbecue sous la tonnelle sont des moments de détente intimes et précieux qui s'éternisent dans la nuit. Moments privilèges avec les enants et leurs petits. Quelques soirées remarquables entre potes qui ont eu la merveilleuse idée de nous inviter.

Des virées motos dans le Lubéron ou la campagne proche voire jusqu'à Marseille ou le long de la mer.

coorado

Et puis l'incontournable festival de la Roque d'Anthéron. Ce parc du Chateau de Florans s'ouvre sur une large allée de platanes. Il est habité de gigantesques sequoias, Des tentes y sont dressées. C'est l'espace commercial du festival. On y trouve des casquettes; des polos, des coussins, des sièges, estampillés FIP (festival international de Piano). Chaque artiste y expose ses cd... les signe quelquefois. il y a aussi un espace librairie ; mais nous ne nous y attardons jamais. Nous, on vient pour la musique pas pour magasiner. Et puis les artistes on les aime quand ils enchantent nos oreilles.

parcconque nuit

Ce n'est pas tout à fait l'heure de la musique. La foule flâne. Des vacanciers décontractés en tongues et bermudas, au discours passionné. D'autres, comme des ombres silencieuses ont sorti leurs costumes de cérémonie et puent la naphtaline. Des ancêtres et des presque vieux qui dodelinent en cadence, déjà ! avec l'air de somnoler. Escortés d'à peine plus jeunes qu'eux. Ils nous croisent avec des sourires extasiés. Mais surtout beaucoup de peuple ordinaire, entre deux ages, entre deux mondes, exactement comme nous. Si ça se trouve nous allons croiser quelque connaissance qui viendrait là se délecter à notre manière.

A la Roque d'Anthéron, il y a des années délicates pour les auditeurs. Cet environnement enchanteur souvent nous agresse. C'est d'abord les cigales qui font un ramdam pas possible jusqu'à plus tard que la tombée de la nuit. C'est aussi et en plus, le mistral qui secoue les branches et souffle par violentes rafales. Le cirque des partitions qui volent malgré les pinces et la vigilance des assistants pupitres. Dans ces conditions, l'écoute se complique, la nuance des sons se perd dans la nature qui prend le dessus. Bénie soit cette année qui nous épargne les facéties locales de Provence. Ouf, nous y échapperons !

Mais ce n'est pas par hasard. Nous avons casé nos soirées en août, temps du déclin des cigales ... avec moins de risque mistral et peu d'orages. La météo nous veut du bien.

cucuronPour premier concert,  j'avais choisi une soirée baroque, histoire de revenir à mes vrais amours. Orgue de Notre Dame de Beaulieu à Cucuron. Je ne savais pas que l'orgue datait du 18ème, restauré moult fois, mais parfaitement authentique au format "pas tempéré" mais alors pas tempéré du tout, autrement dit qui résonne complètement faux à nos oreilles. Soirée déconcertante. Finalement le plus digeste sera une création très personnelle de l'organiste, (Philippe Lefebvre). Oeuvre truffée de dissonances comme il se doit dans le contemporain. C'est idéal pour ce type d'instrument...disent mes oreilles aussi délicates qu'inexpertes. J'aime pas la discordance, dans quelque domaine que ce soit. Pour Laurent c'est différent, il aime être surpris, il aimes les harmonies complexes. Son oreille est merveilleusement tolérante aux discordances quelles qu'elles soient. C'est une différence d'appréciation phénoménale entre nous deux, et qui nous autorise de singuliers débats... dans quelque domaine que ce soit. C'est pour ça, qu'on ne s'ennuie jamais ensemble. Mais je m'égare. Je suis passée de l'orgue baroque de Cucuron à notre harmonie conjugale, c'est un autre genre d'accords.

Dans le domaine de la musique, notre sélection ne prend pas forcément en compte la popularité des artistes et jamais leur costume. Heureusement parce que sous la très prestigieuse conque, ils arrivent dans leur bel habit de gala.

Robe longue cintrée, profond décolleté et chevelure savante pour les dames. Leurs fins escarpins sont superbes, les lanières élégantes leur donnent une allure aérienne.

Costume noir très guindé, chemise blanche avec un bouton ouvert mine de rien, ça allège l'allure. Petite queue de rat parfaitement tirée ou tignasse souvent échevelée (il est souvent de bon ton de la secouer sur le piano, ça réveille le public) Cependant, les belles chaussures pointues des messieurs, cuir enveloppant qui aurait du étinceler, hélas, a bu la poussière incontournable du parc,.. Du coup le chic prend un sacré choc. Les coups de pédales perdent de leur prestige.Ces demi-dieux qui enchantent nos oreilles deviennent des humains qui boivent la poussière, comme nous. C'est ça aussi qui fait la richesse du lieu.artistes

Nous apprécions particulièrement Laurent et moi, les soirées avec concerts "découverte" toujours étonnants et peu coûteux (prix unique : 16 €). Ce sont des artistes tout neufs, repérés dans les différents pays, dans différents concours. Ce sont souvent de jeunes virtuoses (voire très jeunes-moins de quinze ans) Ils deviendront pour la plupart des stars du festival dans peu d'années.

À  vingt heures les choses sérieuses se mettent en place et les tarifs changent. Nous entrons dans une autre dimension.

 

Notre coup de coeur c'est le duo Jatekok, deux jeunes femmes pétillantes et espiègles. Leur complicité contamine leur jeu. C'est sans prétention, c'est jeune et efficace. Je sais que certains critiques exigeants ont trouvé leur prestation décevante. Mais je ne partage pas cet avis. Et les Danses Polovtsiennes (sous l'auguste protection de Brigitte Angerer) m'ont comblée. Bien entendu que ce n'est pas la puissance de l'opéra avec toute son armada d'orchestre symphonique et de choeur. Et alors ! Je suis venue là pour écouter du piano.

Elles sont subtiles jusque dans leur costumes ces jeunes femmes. Il y a l'extravertie, joyeuse et taquine, le genre de fille qui tutoie les muses. Sa robe à rabats est parfaitement assortie à sa chevelure noire. Il y a sa complice plus discrète et qui bafouille. Mince pourvu qu'elle bafouille pas de la main gauche. Elle est habillée du même style de robe mais plus claire, en harmonie avec ses cheveux chatains... Mais là où c'est magnifique c'est le choix des chaussues. Lanières aux couleurs claires pour la robe noire, couleurs noires pour la robe bronze...

Tout en charme ces sympathiques artistes. Quel joli duo !

jakotekCoup de  foudre !

Elles jouent comme ellles sont. Spontanées, rigolotes et sensibles. Pour la deuxième année que nous tombons en amour pour elle.

Quand à Borodine, je l'ai découvert quand j'avais 16 ans, assise par terre dans ma chambre du foyer qui m'hébergeait, un transistor calé sur les genoux.

J'ai pas tout capté du Prince Igor à travers les crachotis et ronflements parasites de l'AM. Mais c'était déjà presque trois heures hors du monde.

J'ai perdu le Prince Igor de vue depuis. Il ne devrait pas être bien loin, il a traversé le temps mieux que moi celui-là.

fouleresidentsLa Roque d'Anthéron c'est aussi la musique libre.

Pour la première fois cette année, nous avons eu l'idée de venir flâner le jour du 15 août dans les espaces dédiés aux artistes en résidence. Un aperçu en quatre concerts (11h-14h30-16h30-18h). de la soirée qui leur sera consacrée. Ils y seront accompagnés de leur professeur. J'ai adoré cette journée. Essentiellement des trios (piano-violon-violoncelle) un moment tendu parce qu'il m'a semblé que le violon jouait faux. Mais des fois c'est juste mon oreille qui me trahit... En même temps Laurent était d'accord, mais lui, il a l'oreille moins sensible et il n'en souffre pas. Bon j'exagère, c'était pas une souffrance, juste une petite douleur, non juste une contrariété, ça n'a pas duré longtemps.

 

Ces concerts sont gratuits donc très prisés et nous avons été estomaqués par la densité de la foule, qui se précipite au lieu suivant, avant la fin des applaudissements. Ben oui, faut avoir à l'esprit qu'en pleine journée malgré la proximité des platanes et autres tentes, il n'y a pas de place à l'ombre pour tout le monde. Nous avons réussi à subtiliser deux chaises et à les caser à l'endroit idéal. Ce sont des concerts intimes (environ 250 personnes) une petite scène et des artistes à portée de bras. Bonne vue et conditions d'écoute optimum.

Nous avons laissé passer la foule.Nous sommes arrivés avec le piano Il est livré environ vingt minutes avant le concert. Il se déplace sur une charrette tirée par un tracteur, emmitouflé comme une momie. En trois temps un mouvement, il glisse sur la scène. L'accordeur se pointe. Il commence par lustrer le bois noir et brillant, (uniquement du côté public, je le prendrais pas comme femme de ménage cet homme là) ensuite seulement quelques petits tours de sa clé, trois notes egrenées.

Le piano est prêt.

PIANO TRACTEURA dix huit heures, on se rapatrie tous dans le parc de Florans. Le tracteur tire la charrette antisecousse qui assure les rondes de pianoMENAGEs à travers la ville. Il se cale au ras de la scène. Le piano momie, roule sur le plancher. En un tournemain le voilà déhoussé. Réapparait l'accordeur, changement de standing, car nous sommes sous la conque. Il est super équipé sur ce coup là. Il a toujours son joli chiffon rouge pour les taches rebelles, mais il joue aussi d'une immense balayette à longs poils qui effleure délicatement les touches. (j'en aurais une comme ça, je ferais le ménage en deux brassées dans mon séjour). Il glisse quelques apèges entre deux tours de vis, un accord de ci de là. Ici il prend du temps. Faut dire que le public paye cher pour ce luxe là.

Dernier coup de gant pour l'ultime lustrage des boiseries. Il a folle allure ce pinao.

C'est là que j'ai découvert Antoine de Grolée. J'étais dubitative, Liszt annoncé avec la rhapsodie n°12, je raffole pas. Faudrait pas avoir de tels a priori. Laurent et moi nous sommes restés estomaqués. Liszt et Brahms, Rachmaninov, Tchaikovski ne font jamais partie de mes choix personnels. Et c'est ce que nous ont proposé entre autres musiciens, chacun des ces concerts d'artistes en résidence. C'est pour ça que cétait intéresant. Liszt je vais l'écouter autrement.

J'ai donc fait moisson prévisionnelle de cd à investir et j'en suis enchantée. Vivement notre prochaine virée en ville...