CORSE-MOTO CORSE 2011

 MOTOCORSE - JUIN 2011

Nous voilà prêts à naviguer de nouveau. Cap sur la Corse. Non, pas avec avec notre voilier Lune de Miel. On s'embourgeoise voyez-vous ! Pour ce coup là, nous avons adopté le confort de la Méridionale, traversée Zen assurée par la compagnie de navigation.

Quitter Marseille par la mer avec autant de sérénité, j'vais vous dire, c'est rudement bon. Aucun souci météo, aucun souci de traversée, aucun souci d'intendance, aucun souci de route, aucun souci de cap, aucun souci de quart... Tous ces menus plaisirs offerts, le goût de l'aventure en somme, tout le luxe d'une navigation à bord de "Lune de Miel" nous les avons troqués pour un autre genre de luxe.

Celui d'observer d'en haut le travail assisté des lamaneurs, le mouvement lent des énormes cordages qui rentrent se lover sur le pont gentiment et sans broncher.lamaneur

Le va et vient des pilotines qui transbordent notre pilote de port. Et puis voir défiler si lentement les quais, les hauteurs de la ville et les phares qui nous invitent à sortir par là. Je me remplirai encore une fois les yeux de ses joyaux que sont les îles du sud de Marseille. Je les reconnaîtrai et je les aimerai une fois de plus. Lorsque nous aurons dépassé le château d'If puis le Frioul, que notre navire sera lancé dans le vent et les vagues au rythme qui décoiffe, alors nous partagerons une vraie cabine avec hublot sur la mer, avec la clim, avec de l'eau chaude dans la douche et des toilettes comme à la maison. Et puis cet autre luxe un peu plus tard de ressortir à mer ouverte et partager tout plein de ponts si vastes pour y exporter notre enthousiasme.chateau d'if

A la nuit tombée, se laisser guider vers une table de restauration fort luxueuse, dans une ambiance feutrée avec des mets subtils et prendre le temps de déguster.... sans se soucier ni du vent, ni des réglages de voilure. Jeter juste un oeil de temps en temps vers les immenses vitres de la salle restaurant,

- t'as vu comme la mer est calme. Y bouge pas ce navire. C'est dommage non ?

Non c'est pas dommage. Car c'est une mer idéale, juste un peu froissée par une houle tranquille.

Retrouver plus tard, le rythme régulier du navire, son ronronnement puissant et son balancement qui va nous assurer des rêves magnifiques...

Huit heures du matin. Bastia. La ville est encore molle. Les voitures rares, les magasins fermés... La moto prise de frénésie ne sait pas trop où donner du guidon. On tournicote un peu. On décide de prospecter à pieds. Il nous faudra trois quarts d'heure pour dénicher l'office du tourisme. Qui nous propose une découverte du centre historique, demain 17h, avec concert polyphonique et pour finir cette digne soirée, dégustation de produits locaux ...

Épatant ! a dit Laurent, alors moi aussi.

Pour l'heure, oeufs durs, fromage, eau tiède dans le sac à dos. Nous voilà parés pour une journée de prospection vers le nord à dos de moto. Dès qu'on sort de la ville, la corniche nous offre son délire de fleurs, et de roches. Danses de capucines, de chèvrefeuilles et de passiflores qui dégringolent des murs. Des petits hameaux que la moto traverse allégrement. Les maisons sont décrépies de gris, couleur des rochers. C'est un contraste saisissant cette pauvreté des murs que la végétation illumine.

Bord de mer, attention zone touristique. Je dis ça, parce que j'ai jeté un oeil sur un guide avant notre départ. Mais pour le moment ce sont des petits villages bien tranquilles. Ils sont plus pimpants, plus entretenus, un je ne sais quoi de domestiqué, ah oui, ils ont l'un ou l'autre, resto et bar... ce que les autres n'ont pas. et puis des lauriers roses, blancs, rouges, sur tige et qui se prennent pour des rosiers. Quelques arrêts pleins de curiosité, Erbalunga, Sisco, Macinaggio... Question mouillage pour l'été, ce n'est guère prometteur, étroit, peut abrité... Mais question vie à bord dans un mouillage de beau temps, j'y songe ... Un vent de paresse frôle la moto. Macinnagio à bâbord toute, direction le port de Centuri qui nous intrigue. Nous ne le connaissons que par les cartes marines. Il mérite bien le détour, c'est magnifique et quasi désert. Un petit bout du bout du monde... J'aime vraiment bien. Oui, mais imaginer la configuration d'été est un effort difficile. Et puis les fonds paraissent douteux (roches et herbes) et l'espace est moindre. Pas certain du tout qu'on y trouve un trou pour notre ancre. C'est pourtant bien joli tout ça et ça donne envie de revenir.

Retour vers Bastia sans histoire. Le sud de la ville est complètement urbanisé, complètement dédié aux zones commerciales et artisanales. Au moins y'aura de quoi magasiner si le temps se gâte ! Mais la moto là, elle a envie de se poser, à moins que ce soit Laurent fatigué de son pilotage sur départementales plus ou moins hasardeuses. Nous arrivons à Follelli, bord de plage, Costa verde, disent les panneaux... des kilomètres et des kilomètres de plages derrière d'immenses rideaux d'eucalyptus. Nous entrons dans la Castaniccia, et c'est là que nous serons hébergés, au bord du Fiume d'Olmo.

Moment de doute à l'arrivée. Il faut s'engager dans un chemin de terre que les roues de la moto n'apprécient guère. Et surtout trois chiens hargneux qui veillent à l'entrée du chemin et nous sautent dans les roues. Et ça, le pilote, il aime pas du tout, je ne dirai rien sur la passagère, qui couine à l'arrière, et voudrait bien sauter en marche avant de se rétamer dans les gravillons. Cinquante mètres de côte dans les sillons de la terre, serrons les fesses. Les chiens nous lâchent. Ouf, on arrive. Une grande propriété en bordure de maquis. Exactement ce qu'il nous fallait. Le studio fraîchement rénové, lave-linge , lave-vaisselle, une télé capricieuse, barbecue à disposition, bien luxueux tout ça, on aurait du prévoir plus de temps. Une terrasse ombragée pour le p'tit déj, ça on adore, accès libre à la piscine, là je sais pas...Je voudrais pas déranger, vous savez comment je suis, j'ai toujours peur de réveiller l'eau qui dort... Mais Laurent plus téméraire s'y frottera. Comptez-y !

Nous sommes un peu sonnés ce soir là, et nous ne prenons pas toute la mesure de notre chance. Mais le lendemain aux aurores ! Nous achèterons une carte aux 25 000 que nous éplucherons consciencieusement. Laurent nous programme l'une ou l'autre rando locale, ça me va bien. Mais pour l'instant, prise de contact en moto, pour une lecture en diagonale des accès et paysages offerts.

Notre cher Claude est au coeur de nos pensées. Tout naturellement la moto s'engage vers Castellare di Casinca... Quelle bonne idée. Je suis un peu troublée d'imaginer un autre temps, un autre monde, Ernest, jeune gendarme, Marguerite, jeune maman et leur fils dans la poussette. j'en suis toute retournée. Le village est magnifique. Et nous comprenons mieux la passion de Claude pour la Rouvière. Ma parole, il a reconstitué la Casinca en Cévennes...

 castellare di casincaAprès ce sympathique intermède affectif, nous passons le reste de la semaine à faire des chemins plus ou moins hasardeux, entre les vallées, entre les clochers, les sites historiques, les sites pastoraux, les sites religieux. De jolies lieux et des noms qui chantent, et des kilomètres de forêts dans les mollets.

Vescovato, Loreto, Pento, Piano, Casalta, Poggio, Monte Tagliu, Isolaccio, La Porta, et mon préféré Talasani.

Nous retrouvons comme de vieux amis, les cochons bruns ou noirs qui poussent les caillassent sur le bitume, ou les cochonnets qui sont affalés contre leur mère, le groin qui frétille. Lorsque nous grimpons péniblement dans les caillasses, des ombres brunes passent à travers les arbres.

"Y'a quelqu'un ? Vaut mieux s'annoncer des fois que ce serait un sanglier !

"Moi je crois que c'est un humain" dit Laurent et reprend plus fort

"Ya quelqu'un avec nous ?

L'ombre se déplace, les ombres se déplacent... et clochettes soudain de chèvres.

Ah les chèvres, chevreelles se pointent immanquablement au moment du casse-croute. Nous aimerions leurs visites de courtoisie si elles ne puaient pas autant. 

Les immenses châtaigniers nous protègent de la lumière et du soleil et nous marchons dans des conditions de rêve. Dans les vallons, d'immenses forêts de fougères. Elles font plus de trois mètres de hauteur. Nous ne nous y hasarderons pas, certains de nous y perdre. Les forêts que je préfère sont celles du chêne liège. Des ancêtres d'arbre aux écorces torturées et crevassées. Que ces vieilles forêts sont belles. Dans la campagne corse, on croise des femmes et des hommes qui parlent comme si les arbres avaient des oreilles. De jolis sons qui se chuchotent comme s'ils nous berçaient. Je me demande vraiment comment c'est un Corse en colère. Est-ce que ça peut crier ? Toutes ces personnes sont d'une gentillesse déconcertante. Ils nous abordent, ils nous accueillent, ils nous expliquent... Même quand on ne leur demande rien. Des fois j'ai l'impression qu'ils sont ravis d'avoir de la visite, surtout les vieilles gens. Je trouve que c'est un pays romantique et sauvage à la fois. Je m'y sens exceptionnellement bien.

Une incursion vers les plages qui sont toute proches. Quasi désertes, sur des kilomètres que ce soit vers le nord ou vers le sud. Laurent s'y prélassera, et moi le cul dans le sable, je m'offrirai le luxe d'une rêverie ou deux. La petite route qui remonte vers le village est bordée d'eucalyptus et de champs cultivés. Les cultures ou les vignes au ras de la plage. Nous croisons un troupeau de jeunes moutons à poil ras qui trottinent derrière le pasteur au volant d'un vieux toyota, moteur qui tourne au ralenti. Une petite virée du côté Ouest en passant par le col de Teghime. Saint Florent, et là c'est le choc total. Je suis éblouie par cette ville. Difficile d'imaginer ça en plein été mais en juin, c'est vraiment dommage d'avoir laissé Lune de Miel à Martigues. Au retour, le soleil inonde de belles parois de roches d'un vert brillant pastel nervuré de filets d'or. Fichtre, quel somptueux carrelage.

Dernier jour, nous quittons notre résidence. Dernière descente de ce chemin de terre qui m'a donné bien des sueurs. La moto est harnachée de tous nos bagages et j'ai un sac à dos qui me torture les omoplates. Les chiens sont dans un autre coin de la propriété. Soulagement général. Je brandis à bout de bras notre sac poubelles que je dois déposer au passage... Coup de pot, les chiens sont à l'autre bout du terrain. Nous voilà presque au macadam en rue civilisée, juste un p'tit creux à passer, que l'eau d'arrosage a rempli. Laurent est déjà engagé de ce côté de l'ornière, un peu surpris mais ce n'est pas profond, il décide de passer... La roue avant patine dans la boue, s'en imprègne, la roue arrière ne sait plus donner du pneu. Laurent veut remonter au sec, mais la clôture nous frôle... on fait d'étonnants soubresauts, un bond en avant, droite, gauche, droite... un coup en avant, virement de bord, ma parole les roues sont indépendantes. La moto gîte, oh là là... Et patatras, plus moyen de la retenir. Elle se laisse tomber sur la hanche. Laurent et moi on bascule le museau dans la terre, mon sac poubelle racle le gravier, mon blouson aussi... On a l'air fin... à se frotter les genoux et les manches, à secouer nos godasses, à rassembler nos détritus et à nouer notre sac misérable.

Elle a ça de bien cette moto, c'est qu'elle ne se couche pas complètement, elle nous fait juste des caprices, des semblants de fatigue, elle se pose sur son carénage et attend sagement qu'on la relève... On est deux et suffit de pousser comme un seul homme. C'est reparti. Et moi je rigole, je rigole... Croyez-moi c'est pas trop facile de se bidonner à l'arrière d'une moto qui file sur le bitume. Je ne sais pas comment c'est pour vous, mais si je rigole c'est avec tout mon corps, et la moto elle n'aime pas du tout que je me secoue intempestivement. Et puis, ça fait de la buée sur ma visière. Je retiens douloureusement un fou rire qui me bloque la respiration. C'est nerveux peut-être ! Et puis, d'un coup, le paysage me reprend dans sa contemplation intense. Laurent nous a concocté un circuit de grave.

A proximité de Corté (que nous connaissons d'un autre motocorse) nous virons vers l'inconnu, Ghisoni par le défilé de l'Inzecca, des roches en aiguilles et des gorges verdoyantes, des sommets enneigés... comme c'est étrange. A Venaco nous virons de bord pour rejoindre le col de Vizzavona (1160 m quand même !) et descente vertigineuse vers Ajaccio... Le vent siffle joyeusement dans mon casque.

 

A Ajaccio, nous nous souvenons d'Annick, Alain et les filles et de leur accueil si agréable, au moment d'un autre motocorse. Quel plaisir de penser à eux et à la tribu Vauthiers. Nous prenons le temps de nous attarder face au mouillage de l'avant port, vaste et si bien protégé. Du coup, ça nous ouvre des possibilités pour l'été. Ajaccio

J'imagine Lune de Miel, trop heureux de mouiller sa quille dans cette vaste baie, j'imagine sa chaîne qui gambade dans l'avant-port et son étrave qui broute la vague. De l'impatience me taquine...

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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